Amy Millan est maintenant bien connue de tous ceux qui s’intéressent au bourdonnement musical canadien du moment. Amy Millan n’est autre que la voix des groupes Stars et (entre autres) Broken Social Scene. De quoi vous remplir une carte de visite et, du coup, se dire qu’une aventure solo pourrait être envisageable. Donc, sans crier gare, est sorti Honey From The Tombs avec sa pochette un brin gothique qui avait de quoi étonner.

Il semble être une mode pour les musiciens canadiens d’être inspirés par la mort (cf. Funeral de The Arcade Fire) et Amy ne semble pas déroger à la règle puisqu’elle avoue facilement : « Tous ces titres sont à propos de petites morts ». Très bien, nous voilà prévenus et prêts à découvrir ces 12 chansons à dominante acoustique. Car Amy Millan n’est pas qu’une voix, c’est aussi une très bonne guitariste qui manie la six cordes acoustique avec brio, tressant des morceaux aux atmosphères mélancoliques tout à fait renversants.

Pas de fioritures aucune. Amy, sa voix et sa guitare imposent un son envoûtant. Les compositions sont parfois même enthousiasmantes comme cette ligne introductive de Baby I ou le démarrage en fanfare suivant de Headsfull, où un peu d’électricité fait son apparition. Enfin, en général, la dominante country-folk plane sur l’ensemble ce qui pourrait vite lasser certains mais on ne pourra reprocher une cohérence esthétique au projet. Le titre Hard Hearted (Ode To Thoreau) fait figure d’un des points culminants du disque avec son rythme lancinant et captivant très Far-West sur lequel la voix de Millan se fait plus sombre et rauque évoquant un passé forcément révolu : « This things I have forgotten, the memory I left behind... ». Nul doute que l’auteur de Walden aurait apprécié. L’esprit saloon continue sur le dansant et très rythmé Blue In Yr Eyes. On s’y croirait presque dans ce XIXème siècle de la ruée vers l’or.

En fait plus que tout, ce disque surprend. Alors qu’on s’était habitué à un certain style de la part de la scène de Vancouver, Amy Millan prend tout le monde à contre-pied avec sa tentative solo. Loin de ses participations aux efforts collectifs de ses groupes, elle propose un disque entre le morbide, le nostalgique et le faussement guilleret. Étonnant ! Ce n’est pas fabuleux mais l’expérience n’était pas inutile dû moins pour faire taire les détracteurs du vivier canadien actuel, jugé trop stéréotypé.

Et puis tout de même, on ne peut être insensible à l’ultime Pour Me Up Another, meilleur morceau du disque où les anges ne sont pas loin quand s’élèvent les cuivres à la suite de la complainte d’Amy : « Singing’s always easy when you’re drinking, so pour me up another before bed. » Un truc à ne pas aller se coucher tout de suite.