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par Parano le 20 janvier 2009
Paru en mars 1993 (Hut Records)
La britpop, c’est un peu comme le foot. Des hymnes un poil chauvins, une bonne dose d’arrogance, un public populaire, et puis la bagarre entre grosses équipes. Blur contre Oasis. Manchester contre Arsenal. Sans oublier l’éternel outsider, et là, on imagine les petits gars de Suede. Tout ça fleure bon la bière, le tacle viril, et la fierté du drapeau. Souvenez-vous, au début des 90’s, le rap et le grunge réveillent l’insularisme primaire des rockers britanniques. L’heure est grave. L’empire édifié par les Beatles est menacé. Il faut dire que, depuis la vague punk, il ne s’est pas passé grand-chose dans les pubs anglais. Voila donc que débarque une génération de groupes plus ou moins doués, revendiquant les mêmes influences : Fab Four, Kinks, Who, Sex Pistols. On prélève les meilleurs morceaux sur le cadavre des anciens, et on habille la créature de quelques guitares incisives. Les journalistes flairent le coup, et s’empressent de faire monter la mayonnaise, en distribuant les rôles et collant les étiquettes. La britpop est née. Elle aura bientôt ses stars, ses prétendants, ses loosers.
C’est dans ce contexte hystérique que débarque un groupe un peu à part : The Auteurs. Allons droit au but, les auteurs sont le jouet aux mains d’un génie discret : Luke Haines. Ce type est un esthète, une grande gueule flegmatique, capable de terrasser la concurrence avec des mélodies caustiques, avant de retourner s’occuper de ses oignons, davantage préoccupé par la littérature, que les fesses des groupies. Haines est une sorte de ménestrel misanthrope, à la voix aigre et délicate. Un mécontemporrain, comme dirait le poète. Il a fondé The Auteurs en 1990, avec sa petite amie, Alice Readman, et le groupe a sorti son premier single en 1992 (« Showgirl »). Une perle pop acide, que l’on retrouvera sur New Wave, et qui émoustille le NME. Hut Records signe rapidement le groupe, et le premier album sort en mars 1993. L’accueil est enthousiaste, même si les ventes restent modestes. The Auteurs est étiqueté « précurseur britpop ». A posteriori, Luke Haines réfutera la filiation, considérant la vague britpop comme un ramassis de groupes médiocres, incapables d’exister par eux même. Le jugement paraîtra prétentieux à certains, pertinent à d’autres.
L’album est à l’image de son créateur. Fin, intelligent, et doucement corrosif. Lui donner le nom de New Wave, à l’heure où le style phare des 80’s agonise dans une indifférence polie, constitue autant un clin d’œil qu’une provocation. Sur le plan esthétique, l’album fait le lien entre les breloques sixties des Kinks, le dandysme glam de T. Rex, et la pop précieuse des Smiths, sans occulter le retour en grâce du rock à guitare. Les talents de compositeur de Haines dépassent largement les élucubrations de Damon Albarn, et la morgue plagiaire de Noël Gallagher, pour l’heure occupé à astiquer les guitares des Inspiral Carpets. New Wave est brillant de bout en bout, et atteint des sommets sur quelques titres : Showgirl, Starstruck, How Could I Be Wrong, et Idiot Brother (rien à voir avec les frères Gallagher, pour ce qu’on en sait). La voix de Haines véhicule une élégance triste, parfois cynique, qui frelate avec classe l’instrumentation flamboyante du groupe. Un vrai régal.
Au final, The Auteurs prouve, si cela était nécessaire, qu’intelligence, esthétique et rock, peuvent faire bon ménage, pour peu qu’on ait le talent. Le public, évidemment, a préféré la gouaille juvénile de Blur et l’arrogance virile d’Oasis, mais l’histoire rendra justice à ce premier album, tout simplement splendide.
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