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mercredi 15 avril 2015
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par Oh ! Deborah le 26 juin 2007
paru en 1979 (Pinkflag)
En troisième chef d’oeuvre consécutif, dernier sursaut ultra imaginatif de la carrière de Wire, 154 (en référence aux 154 concerts écoulés depuis le début) est le plus risqué, le plus expérimental, le plus dangereux, le plus surhumain.
Il sort seulement un an après l’immense Chairs Missing et deux ans après Pink Flag, (deux albums qui changent le punk) et il conserve à peu près la même production, la même opacité, mais avec plus d’expérience, de densité et de folie. Wire perpétue son style pour mieux l’étudier. Un grand traitement sonore, qu’ils doivent à eux-même mais aussi à leur producteur, et surtout claviériste, Mike Thorne. Avides de sons lourds et glacés, ils écrivent des morceaux monstres aux coups d’esclandres figés, aux structures angulaires, aux montagnes de reverbs blanches et leurs multiples reflets. En fans déjantés d’explorations sonores, de substances synthétiques et de saturation, Gilbert et Lewis (guitariste et bassiste) veulent prendre le pas sur les jubilations mélodiques de Newman. Ils y arrivent tout juste. Car les harmonies pop et vocales du chanteur sont inextricables. Et ce dernier tient à édulcorer les diverses lignes de guitares/basse/synthés qui palpitent, scintillent, résonnent et se coordonnent de façon si sévère, unique et pourtant si évidente. C’est l’extase.
Les trois premiers albums de ce groupe offrent trente ans d’inspiration et c’est pas près d’arrêter. Parce que Wire à le pouvoir d’unir parfois en un seul morceaux de futurs genres. Ebauches condensées de punk, new wave, indus, electro-pop, noise, shoegazing voir britpop, tout a déjà été étudié par les préceptes de Wire entre 1977 et 1979. A la fois visionnaires et caractéristiques d’une époque, on se demande pourquoi ils n’ont pas bénéficié d’un succès médiatique conséquent. Les réduire à ce qui saute aux yeux, au post-punk, ou même aux influences faramineuses qu’ils susciteront, serait encore incorrect, tant ils détiennent là un style univoque. Intemporel. La parfaite confusion entre un aspect neutre, une distance voulue avec l’auditeur, et une vision universaliste du monde contemporain. Un dispositif mécanique mis au service de sensations aussi primaires que modernes. La révolte existentielle, l’aliénation, le malaise latent, la menace de l’apocalypse. Et Wire constitue le moteur de ce monde qui gronde comme cette basse profonde. Qui évolue comme ces nappes de synthés discrètes mais sournoises. Puis explose en un boucan parfaitement maîtrisé. "The action is frozen".
Comment résister à ces structures rectilignes qui propulsent leurs distorsions en un éclair foudroyant. Comment résister à Two people In A Room et sa batterie fracassante, à ses guitares aussi linéaires que mélodiques, aux harmonies pop et brumeuses de The 15th, à l’extraordinaire voir extraterrestre A Touching Display, sa progression redoutable, sa guitare qui se dresse et s’écrase, de façon obsessionnelle, orageuse... Le spectre d’un cataclysme assourdissant. Imaginez que le meilleur est encore à venir. Il s’appellerait A Mutual Friend. Il est psyché et commence par une espèce de sombreur lancinante mêlées de ruptures bucoliques. Mais lorsque la guitare s’enclenche d’un pas sec, on sait que le plaisir sera irréversible, pour aboutir sur de multiples sonorités qui s’élèvent et supervisent le paysage, une béatitude décuplée par toutes sortes de choeurs. Wire étonne, étoffe, maîtrise et parfois salit, notamment sur Once Is Enough, son rythme haché, son vacarme punk aux raclées industrielles. Ou sur les accords menaçants de Indirect Inquiries et son terminal gore.
Non, on ne peut résister. On salut ces idées riches et nouvelles, ces mélodies grandioses, ces structures décousues et limpides à la fois. Du grand art.
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