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Adrienne Pauly

Adrienne Pauly

Adrienne Pauly

par Emmanuel Chirache le 19 décembre 2006

3

paru en octobre 2006 (Warner)

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La première fois que j’ai vu et entendu Adrienne Pauly, c’était lors de sa première télé à Taratata. Plutôt une bonne émission d’ailleurs, même si Nagui est aussi inculte en rock que Laurent Weil en cinéma - c’est tout dire, ce qui le conduit parfois à des choix artistiques douteux et à des extases pathétiques devant des bouses intersidérales du type Paolo Nutini. Première télé, donc, pour cette brune incendiaire aux faux airs de Anna Mouglalis sans les chevilles enflées et le regard inaccessible. Oui, quand on est Pauly, on est jolie. Moue boudeuse, yeux en amande irrésistibles genre petit chat de Shrek 2, cheveux noirs de jais coiffés avec un pétard du 14 juillet et lèvres sensuelles, Adrienne en jette, et tant pis si son prénom évoque plus la femme d’un boxeur analphabète qu’un poème de Mallarmé. Et ce n’est pas tout ! Adrienne Pauly rocke. Face à un Nagui encore en phase post-coïtum de la prestation de Raphaël, la jeune fille a scotché tout le monde avec son J’Veux Un Mec, une envie irrépressible et assumée de sexe. La musique swingue, les paroles sont marrantes et la chanteuse assure dans sa robe noire, campée comme la Tour Eiffel sur ses deux jambes écartées. Prononcé par la voix grave et cassée d’Adrienne, le mot « mec » devient tout à coup sexy, et paf, on pense à Humphrey Bogart ou Marlon Brando. Rien à voir avec Mon Mec À Moi de Patricia Kaas où j’imaginais plutôt le barman du coin...

Après ce passage remarquable et remarqué, Miss Pauly a continué son ascension médiatique, mini-portrait dans Biba, apparition dans le Grand Journal de Denisot, et j’attendais donc avec l’impatience que vous imaginez le disque de la demoiselle. Et là, petite déception. En studio, même le titre J’Veux Un Mec, clairement le meilleur de tous, se retrouve aseptisé par une production plutôt molle du genou. Du coup, en perdant la spontanéité et l’énergie du live, on obtient un album plaisant mais qui sonne déjà-vu, à l’image du livret qui mêle collages, découpages, dessins et photos, un patchwork devenu ultra-classique dans les pochettes tendance et par conséquent un peu lassant. Cette impression de déjà-vu est d’autant plus forte qu’un spectre hante la quasi-totalité des chansons, celui de Serge Gainsbourg. La musique, signée Christophe Ernault et Adanowsky (contraction de Adan Jodorowsky, chanteur et fils de Alessandro Jodorowsky, écrivain et surtout génial scénariste de BD), lorgne souvent du côté des mélodies inventées par l’homme à tête de choux, tout comme l’écriture de la chanteuse s’imprègne parfois de ses mots. Même tendresse pour les grossièretés (J’Ai Fait L’Amour Avec Un Con nous raconte Adrienne, alors que Gainsbourg lui a écrit un requiem), même envie de jouer avec la langue française, même sympathie pour les onomatopées. On se souvient des « Zip Shebam, Pow, Blop, Wizzz ! » de Bardot dans Comic Strip ; Adrienne, elle, nous balance des « toc toc » et des « floc floc » dans Nazebroke. Un très bon morceau qui correspondrait en outre parfaitement au phrasé psalmodié du Gainsbarre fin de siècle, et j’invite chacun à tenter l’expérience chez soi en laissant s’exprimer l’imitateur qui sommeille en lui. Allez, c’est facile, il suffit de faire semblant de fumer une Gitane, et susurrer les paroles en secouant la tête comme un pigeon qui cherche un bout de sandwich place Saint-Michel. Tous en chœur !

« J’suis naze, j’suis broc.
Dans ma tête ça fait “toc toc”, je note.
J’suis belle, j’suis classe,
Mais dans le fond y’a une masse »

Pour couronner le tout, l’album se termine logiquement sur une reprise de Gainsbourg, L’Herbe Tendre. Pourtant, d’autres réminiscences de la chanson française se font entendre. Entre autres, les très beaux Pourquoi et Vas-y Viens rappellent par instants Matthieu Chédid (crédité comme musicien sur le disque, à l’instar de Yarol Poupaud. Quand je vous disais que la fille est jolie...) et, osons le dire, Renaud. Oui, Renaud, le type qui faisait des supers chansons quand il avait un bandana, un blouson noir et les pouces dans les poches. Je le verrais bien pousser la chansonnette sur quelques titres, qui épouseraient aisément sa façon si unique de dire l’argot par saccades de mitraillette. Exemple : « Ton chapeau, j’en ai rien à foutre, ton blouson j’en ai rien à foutre, tes vêtements tu peux te les foutre... Sur le canapé ». Tintintin... Voilà des patronages honorifiques servis par des chansons prometteuses. Globalement, le tout manque cependant trop de personnalité pour mériter un concert de louanges. Pour l’instant, en matière de scène française féminine, on est en droit de préférer Camille, Pauline Croze, Emilie Simon ou Charlotte Gainsbourg (normal, elle gruge en débauchant Neil Hannon de Divine Comedy, le roi thaumaturge de la pop, avec assez de classe à lui tout seul pour éclabousser jusqu’à Magali de la Starac’ s’il le voulait), mais pas Anaïs. La compétition est rude chez les filles, on aimerait quand même voir revenir Adrienne Pauly en deuxième semaine !



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Tracklisting :
 
1. Pourquoi (3’34")
2. La Fille Au Prisunic (3’48")
3. L’Amour Avec Un Con (2’57")
4. C’est Quand (3’54")
5. J’Veux Un Mec (4’12")
6. Dans Mes Bras (3’21")
7. Méchant Cafard (4’29")
8. Vas-y Viens (3’53")
9. Nazebroke (3’07")
10. Chut (3’10")
11. L’Herbe Tendre (2’51")
 
Durée totale : 39’16"