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mercredi 15 avril 2015
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par Aurélien Noyer le 12 juin 2007
paru le 16 avril 2007 (EMI)
Depuis la fin des années 60 et le cataclysme qu’ont été les albums de Miles Davis In A Silent Way et Bitches Brew, toute une partie du jazz est fascinée par la recherche de sonorités synthétiques, électriques, électroniques, bref par tout ce qui peut changer des habituels instruments acoustiques. Et cette tendance a connu un regain de vie il y a quelques années suite à l’explosion de la musique electro. Ainsi, on a vu fleurir des artistes electro-jazz, qu’ils soient grand public (St Germain, No Jazz) ou plus confidentiel comme les trompettistes Nils Peter Molvaer ou Erik Truffaz...
Mais après des débuts assez electro, le français Erik Truffaz en sort progressivement en ajoutant d’autres influences à sa musique. Ainsi,Arkhangelsk introduit des grooves chaloupés, des breaks hip-hop et des mélodies pop tout en conservant le côté mécanique soft de ses albums précédents. Certes, on pouvait penser que ce genre de fusion risquait rapidement de tomber dans une sorte de lounge stérile et dénué de tout intérêt autre que celui de paraître branchouille.
Or l’avantage d’Erik Truffaz, c’est qu’il sait s’entourer : outre ses musiciens, il a invité quelques amis. Le chanteur Ed Harcourt vient jouer de sa superbe voix sur trois chansons, Nya est passé par là le temps de poser un flow assuré sur Trippin’ The Lovelight Fantastic et notre Christophe national (le Christophe de Aline, pas cet empaffé de Willem !!!) chante L’Un Dans L’Autre avec un feeling et une voix tout simplement sublimes. On en arrive ainsi à cinq morceaux sur les dix que compte l’album qui sont des chansons pour lesquelles Erik Truffaz signe des mélodies et des arrangements subtils et classieux. On pense naturellement à Air et en ce sens, si ces titres avait été composé par le duo de Versailles, ils se seraient situés au croisement de Moon Safari et de Talkie Walkie.
Pour ce qui est des morceaux instrumentaux, ils sont dominés par la trompette aérienne d’Erik Truffaz chez qui l’influence d’un Miles Davis est évident. Mais "aérienne" ne signifie pas pour autant "inconsistante" car si elle semble parfois susurrer, les mélodies qu’elle dessine sont clairement assurées par une section rythmique d’une efficacité et d’une précision redoutable. Lorsqu’on entend le batteur Mark Erbetta, on se dit que la plupart des DJs de drum’n’bass, malgré leurs aptitudes techniques et technologiques, n’ont pas encore révélé le potentiel de leurs rythmiques et que c’est peut-être du côté des batteurs qu’il faut maintenant chercher.
Malgré la composante drum’n’bass très présente dans quasiment toutes les chansons, l’atmosphère qui se dégage de ce disque n’a rien à voir avec l’ambiance épileptique des raves ou des clubs techno. Inspiré par le paysage dessiné par les toits enneigés de la ville russe d’Arkhangelsk, Erik Truffaz se sert des boucles et des sonorités synthétiques pour avoir une base, une esquisse des paysages qu’il affine avec sa trompette. Ainsi à l’écoute de Miss Kaba, le morceau d’ouverture, on ressent le mouvement du train, le défilement des poteaux de la voie ferrée et on ne peut que constater avec un brin d’amusement que les leçons de Kraftwerk et de leur Trans-Europe Express ne sont pas tombées en désuétude.
De plus, grâce à la présence de cinq chansons, Arkhangelsk évite le côté lassant et un peu complaisant dans lequel peut parfois tomber ce genre de musique. On est donc loin de ce jazz lounge pour bar branché, de cette musique d’ascenseur fade. Au contraire, Arkhangelsk possède une véritable intensité, certes voilée par la volatilité et la légèreté apparente de la musique. Même si une chanson comme Nobody Puts Baby In The Corner possède le charme insouciant d’une ritournelle sixties, croisement entre un Gainsbourg jazzy et un Scott Walker badin, son rythme insistant lui confère une consistance bien réelle.
Le seul "défaut" de cet album est qu’il refuse de se dévoiler au premier regard. Au début, on n’en dirait pas plus qu’un "sympa à écouter pour se détendre", mais au fil des écoutes, il révèle ses nuances, ses pleins et ses déliés, comme autant de preuve de ses qualités. Et s’affirme comme un album d’une parfaite cohérence...
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