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Carboniferous

Carboniferous

Zu

par Sylvain Golvet le 19 mai 2009

4

Paru le 9 février 2009 (Ipecac Recordings/Differ-ant)

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Ah l’Italie ! Ses peintures, ses vins, son architecture, son néoréalisme. Par contre, on ne peut pas dire que ce pays soit une bénédiction pour la musique, du moins pour ces cinquante dernières années, et donc pour ce qui nous intéresse ici, le rock. Alors que Patrick Eudeline affiche dans le Rock & Folk de mai 2009 son snobisme (comme d’hab’) en revendiquant son amour pour le rock italien, force est de constater que dans les faits, la botte nous a rarement gâté les oreilles à l’export. Et tous les Zucchero et Eros Ramazzotti réunis ne feront pas dire le contraire.

Cela dit, ce constat n’est pas une fatalité, preuve en est Zu, trio instrumental formé par Luca Mai (saxophone baryton), Massimo Pupillo (basse) et Jacopo Battaglia (batterie) officiant depuis 1999 dans les eaux brumeuses du rock « expérimental ». Oui, un trio rock sans guitare, ils sont fous, ils l’ont fait ! Mais aïe aïe, « Italie » + « Expérimental », l’affaire est mal engagée me diriez-vous. Je suis pas censé vous donner envie là ? Certes tout ça peut faire peur et de fait, amateur de mélodies racées et sophistiquées passez votre chemin. Mais je sais que si j’évoque à certains les noms de Mike Patton et de Buzz Osborne, leurs oreilles vont commencer à frétiller quelque peu. Deux personnalités bien connues par ici, et qui prêtent leurs talents respectifs à quelques morceaux de Carboniferous. Rien de bien étonnant donc que le disque sorte sur Ipecac Recordings, label qui « rend les gens malades depuis 1999 ». Et si en plus je rajoute à cette liste de collaborateurs occasionnels les noms de Steve Mackay, Joe Lally et Guy Picciotto, Thurston Moore ou Damo Suzuki, d’aucuns se seront déjà précipités vers leurs disquaires les mieux fournis, bien avant que cet article ne soit lu en entier.

Mais rien qu’en soit, et à trois, Zu ne démérite pas. Mélange de math rock, de noise, de metal, le tout saupoudré d’une pointe de free jazz (mais vraiment une pointe), sa musique n’est pas de tout repos, et ne démériterait pas dans la bande son d’un film d’horreur bien oppressant, filmé du point de vue du tueur psychopathe. N’oublions pas que l’Italie, c’est aussi Dario Argento, Mario Bava ou Cannibal Holocaust. Les morceaux sont essentiellement basés sur le rythme, avec une batterie développant des motifs complexes, soutenue par une basse rampante, autant mélodique que pourvoyeuse d’ambiances qui feraient peur à toute personne normale. Le saxophone baryton exerce lui aussi bien souvent dans les mêmes eaux rythmiques, se contentant la plupart du temps de balancer une note bien grave au bon moment. Ces moments purement percussifs donnent à l’ensemble une teinte électro folle, pas si lointaine au travail d’Aphex Twin, d’autant que des claviers font ça et là leur apparition.

Pour preuve, Ostia entame les hostilités par des kicks de batterie très technos, mais joués par des êtres humains, certes étranges mais humains quand même. Et le rythme se calme assez peu par la suite. Plus loin, Beata Viscera est une cavalcade sauvage parsemée d’embûches, suivi de prêt par sa suite Erineys sur la même voie. Axion, elle, renforce la filiation avec Fantômas. Ce saxophone plaintif aurait très bien eu sa place sur The Director’s Cut, tendance Twin Peaks revisité. Sur Soulympics, Patton vient d’ailleurs placer sa voix pour un titre tortueux.

Heureusement la limite régulière et presque inhérente au math rock ne se retrouve pas trop dans le disque, cette liberté narrative qui transforme bien trop souvent un morceau en une succession de sections sans vraiment de liens entre elles. Il en résulte parfois même une multitude d’ambiances au sein d’un même morceau, sans liens entre elles, le rendant incohérent (cf. Percevalmusic). C’est là que se révèle le talent de composition de Zu qui construit ses morceaux de manières astucieuses. Seul reproche, l’aspect instrumental étant déjà un élément déstabilisant, le groupe aurait également gagné à varier ses sons. Un manque de travail d’arrangement qui se ressent un peu à la longue, où les morceaux commencent un peu à se mélanger dans notre tête. Au final, c’est grâce au soutien non négligeable de Buzz Osborne à la guitare sur Obsidian, que l’album se renouvelle sur la fin. Les accords déchirants de sa 6-cordes apportent une vraie consistance sonore, hissant l’ambiance à un niveau encore supérieur.

Alors que Zu vient de passer un an sur scène avec Mike Patton au chant, alors que la rumeur annonce un supergroupe Zu+Dälek, les plus téméraires d’entre vous seront heureux d’apprendre que les bougres sont presque continuellement en tournée, ce qui ne devrait donc pas poser trop de difficulté pour les voir en chair et en os pour un spectacle qui vaut forcément le coup, surtout quand c’est Danny DeVito qui vous introduit sur la scène, en témoigne cette vidéo.



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Tracklisting :
 
1. Ostia (4:55)
2. Chthonian (6:48)
3. Carbon (4:24)
4. Beata Viscera (3:57)
5. Erinys (3:43)
6. Soulympics (5:05)
7. Axion (5:21)
8. Mimosa Hostilis (4:09)
9. Obsidian (6:29)
10. Orc (5:20)
 
Durée totale : 50:11