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par Sylvain Golvet le 7 octobre 2008
Paru le 9 septembre 2008 (Cooperative Music)
Plus de dix ans déjà que Calexico sillonne sa propre route. Un route du sud du Texas, poussiéreuse, écrasée par le soleil, qu’on parcourt dans une vieille américaine. Un parcours sinueux, semé d’embûches, ou chaque embranchement est important pour la suite. The Black Light, première vraie étape, avait dès 1997, défini ce qui sera le propre du groupe. Joey Burns (chant, guitares) et John Convertino (batterie) y déploient leur univers fait de folk, de jazz et de musique mariachi, mêlant le tout avec un respect et un sérieux qui ne fait jamais ressentir la moindre envie de faire dans le folklore gratuit. Puis la route a continué en ligne droite (Hot Rail), s’est élargie (Feast of Wire), puis s’est perdue dans le mauvais embranchement (le précédent Garden Ruin et ses envies de pop-rock lorgnant vers Love, le talent en moins). Heureusement, à l’heure de cet ultime opus, la métaphore routière prend encore tout son sens, en témoigne le retour de Victor Gastelum, dessinant une magnifique pochette rappelant que Calexico a repris cette route qui est la sienne. Calexico is back.
Pourtant, l’inaugural Victor Jara’s Hands, évocation de l’exécution du chanteur chilien, laisse encore une fois un goût amer, avec son refrain presque enjoué, et surtout paresseux, assez hors de propos. Sauf que non ! ce titre n’était que le petit arbre cachant la luxuriante forêt ! Rien que les quatre morceaux qui le suivent (si l’on ne compte pas l’interlude Sarabande) donnent une pleine vision de la palette d’excellence dont le groupe nous avait habitué, de l’enjoué Writer’s Minor Holiday au touchant The News About William. Two Silver Trees arrive aussi à surprendre avec ses notes de claviers évoquant l’extrême-orient.
Signe qui ne trompe pas, la batterie de Convertino frappe encore par son inventivité. Cimentées autour d’une approche jazzy, ses frappes sont imprévisibles et pleines de surprises ; ici un roulement feutré, là une cymbale crash maltraitée, rien ne rappelle la routine du binaire pop-rock paresseuse qui pointait sur Garden Ruin. Véritable signature sonore du groupe, la variété de son jeu permet au groupe de se balader dans tous les styles. Du coup, Calexico tente tout, la chanson en espagnol avec Inspiracion, la ballade country avec Slowness, le jazz même avec Bend In The Road.
Un retour aux affaires synonyme de redite ? Pas vraiment. Si El Gatillo (Trigger Revisited) rappelle les débuts, et pour cause (Trigger étant un titre de The Black Light), il est pourtant l’un des rares instrumentaux du disque. Le reste de l’album dénote une certaine évolution, entamée avec Feast Of Wire, mais poussée trop à bout avec Garden Ruin. Ici, Burns et Convertino se recentrent et soignent ce qui fait leur force, les ambiances. Passants de l’enjoué au mélancolique, les morceaux enchaînent les émotions avec peu de choses. Une batterie qui claque, un trait d’accordéons au fond, une voix altérée par une tempête de sable, comme sur le brumeux final Contention City. Mais c’est surtout dans les arrangements que le groupe fait la différence. Assez loin de la sécheresse des débuts, ils se font beaucoup plus luxuriants, ajoutant aux habituels cuivres, slide-guitares et accordéons, différents claviers, pianos et même des cordes.
Finalement assez proche de Feast Of Wire dans son approche, Carried To Dust réjouit. Pérennisant le caractère unique de Calexico, il rassure quant à la capacité de survie d’une voix différente pour la musique populaire américaine. Car au même titre que le blues ou le folk, la musique latino-américaine peut elle aussi avancer et être traité avec autant de respect, loin d’une approche folklorique cantonnée aux restaurants mexicains et autres tequila-party. Calexico a refait le plein, la route continue.
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