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par Emmanuel Chirache le 2 juin 2009
Paru en 2000 (Flip/Interscope Records/Universal)
Peut-on imaginer pire en 2009 qu’un groupe de new metal pour teenagers en baggy qui font du skate autour de la fontaine aux Innocents sur la place Joachim Du Bellay (Paris, 1er arr.) ? Il est clair qu’en ces temps de revival garage, de mèches savamment peignés, de jeans slim et de fringues cintrés, un type avec un bonnet et des pantalons larges n’est plus vraiment dans le coup. Pensez donc, ces mecs étaient accompagnés par un DJ ! (avec un nom qui tue, haha : DJ Lethal) Limp Bizkit ? Du bon gros beauf américain tatoué de la Bible Belt, rien à voir avec les Strokes, petits trous du cul raffinés des beaux quartiers de la grosse pomme qui vont remettre le rock (le vrai ?) sur le devant de la scène un an à peine après Chocolate Starfish etc..
Car ce disque représente la crête de la vague new metal, l’apogée avant la chute en vaguelettes écumantes. L’an 2000, donc, celui du sacre de Limp Bizkit grâce à la bande originale de Mission Impossible 2 et au morceau Take A Look Around, single percutant à côté duquel le I Disappear de Metallica composé pour la même occasion paraît bien fade. Là où les Four Horsemen proposent un exercice hard rock poussif et vieillot, Limp Bizkit revisite le thème musicale de la série en lui administrant un sévère coup de pied au cul (avec un John Otto en grande forme derrière ses fûts). Fred Durst sur le toit du monde. Et pour emballer ce tube, un album.
Mais avant de continuer, crevons l’abcès tout de suite : Limp Bizkit fait partie de ces groupes qu’il est plaisant de détester. Le skateboard, le pilonnage MTV, Fred Durst et son bonnet de commandant Cousteau, Wes "Skeletor" Borland et ses peintures de guerre apaches, etc. Tout cela n’incite pas à la confiance. Pourtant, en 1997 leur premier disque au titre imprononçable (Three Dollar Bill, Yall$) avait révélé un groupe de fusion tout à fait respectable pour ne pas dire franchement épatant. Des morceaux comme Pollution, Counterfeit, Stuck, Stalemate ou encore la reprise du Faith de George Michael, doivent s’inscrire au panthéon du metal et auguraient du meilleur. Malheureusement, la suite s’avéra nettement moins intéressante, puisque Significant Other n’offrait plus qu’une poignée de titres intéressants (Just Like This, Nookie et Break Stuff en particulier) contre une grande louche de chansons superfétatoires.
Puis vint Chocolate Starfish et tout le bordel, album davantage orienté metal après les errances hip hop du précédent. Si le flow de Fred Durst reste rappé, le groupe n’essaye pas moins de s’inscrire dans la grande légende du rock avec ce disque, comme le prouve certaines références à l’intérieur des paroles : allusions à Trent Reznor et Nine Inch Nails dans Hot Dog ("you wanna fuck me like an animal, you like to burn me from the inside, you like to think that I’m the perfect drug"), clin d’œil ostentatoire aux Who avec My Generation, mais aussi aux Guns N’ Roses ("you know where you are ? welcome to the jungle punk !"). Musicalement, le son est propre, les guitares grasses et heavy, et les overdubs sur la voix du chanteur innombrables. Un album ultra-produit donc, mais surtout bien de son temps. En soi, ce ne serait pas dérangeant si les compositions avaient été à la hauteur de l’événement.
C’est malheureusement à ce niveau que le bât blesse. Reconnaissons toutefois au groupe une volonté d’inventer des riffs accrocheurs et des sonorités un peu personnelles. A cet égard, les couplets montrent souvent une certaine science de la mélodie et de la musique, comme c’est le cas sur le très bon couplet de Hot Dog rythmé par les "fucked up" de Fred Durst, une imbécillité plutôt réjouissante ("if I say fuck two more times, that’s 46 fucks in this fucked up rhyme"). Le pont du morceau également reprend une veine metal assez appréciable. En revanche le refrain apparaît clairement lourdingue en comparaison. Idem avec l’horrible refrain de My Generation. Même schéma, à un moindre degré tout de même, avec Full Nelson : couplet intéressant, refrain un peu raté et pont final réussi. Passons sur l’horrible My Way et sur Rollin’, pour nous arrêter sur l’une des bonnes surprises de l’album, ce Livin’ It Up à l’introduction vraiment excellente. Encore une fois, le couplet bénéficie d’une ligne de basse efficace et d’une bonne trouvaille à la guitare, tandis que le refrain plombe un peu (encore que moins qu’ailleurs) cette bonne dynamique. Puis, le pont retrouve la hargne qu’on avait tant aimé sur Three Dollar Bill, Yall$.
Finalement, les dernières minutes du disque valent surtout pour le génial Take A Look Around, hormis quelques secondes ici ou là de It’ll Be Ok et Boiler. En résumé, les Limp Bizkit possédaient quelques onces de talent qu’ils n’ont hélas pas su exploiter totalement. Car Chocolate Starfish et tout le tremblement sera la dernière réalisation "honorable" du combo de Jacksonville. Enfin, quand ils jetteront un regard rétrospectif sur leur carrière, ces gros rednecks pourront toujours se réjouir d’avoir accouché d’un grand disque, Three Dollar Bill, Yall$... tout le monde ne peut pas en dire autant.
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