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Conférences de presse des 18èmes Eurockéennes de Belfort

Conférences de presse des 18èmes Eurockéennes de Belfort

par Béatrice le 11 juillet 2006

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Un-Pop Classik

Cette année encore, les Eurockéennes de Belfort, en partenariat avec trois autres festivals européens (les Nuits Botaniques de Bruxelles, le Spot festival à Aarhus au Danemark et Benicàssim en Espagne), ont invité quatre groupes à partager l’affiche avec un orchestre local. Pour cette édition, ce sont les Belges de Venus, les Français de Dionysos, les Espagnols Sunday Drivers et le Danois Teitur qui se sont prêtés au jeu. B-Side a pu assister aux conférences de presse de deux de ces artistes, Teitur et Dionysos, dont il peut être intéressant de comparer la perception de l’exercice. En effet, si le folk mélodique de Teitur paraît naturellement se prêter à un accompagnement orchestral, on a un peu plus de mal à imaginer le rock énergique et délirant de Dionysos dans une telle configuration. D’ailleurs, alors que pour ce qui concerne Teitur, les arrangements avaient déjà été réalisés auparavant, pour Dionysos, il a fallu les effectuer pour l’occasion. Pour les deux en tout cas, l’expérience est une première, même si les deux ont déjà été accompagnés par des cordes : “J’ai déjà fait des concerts avec un orchestre, confie Teitur, mais je n’ai pas tellement travaillé avec autant d’instruments. Il m’arrive de tourner avec un quartet à cordes.” De l’autre côté, Mathias Malzieu explique que le groupe a “déjà essayé ça sur disque, en faisant venir un quatuor à cordes ou en doublant les pistes de Babette (la violoniste, ndlr), mais n’a jamais eu la sensation physique de jouer avec un orchestre sur scène.” Expérience nouvelle donc, mais qui semble avoir beaucoup enthousiasmé les groupes concernés, que ce soit Teitur qui confie s’intéresser au violon et s’y être mis quelques années auparavant, au grand désespoir de ses voisins, ou Dionysos : “Au-delà du fait qu’on avait envie de faire ce genre d’accomplissement depuis longtemps, jouer avec un orchestre est un rêve d’enfant, et on a eu l’impression que ça pourrait vraiment se réaliser en rencontrant Jean-Jacques (le chef de l’orchestre Synfonietta, ndlr)”.

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Dionysos

Inutile de préciser que ce genre d’entreprise n’est pas menée à bien du jour au lendemain, et qu’il a fallu du côté de l’orchestre mais aussi de celui du groupe un certain investissement. Même si l’essentiel du travail s’est fait séparément, il a bien fallu qu’orchestre et groupe se rencontrent et travaillent ensemble : l’orchestre de Dole a passé deux jours entier en compagnie de Teitur pour mettre en place le spectacle et travailler les nuances et les atmosphères, et la Synfonietta de Belfort a répété avec Dionysos pendant quatre jours en février puis pendant quatre jours juste avant le festival. Et même si cette perspective est, d’après les chefs d’orchestre, une très grande source de motivation pour l’orchestre, cela n’ôte pas la difficulté pour les musiciens (tous très jeunes) de découvrir une nouvelle façon de jouer - voire “d’apprendre à déjouer” comme ils devront le faire à certains moments du show de Dionysos - ni la nécessité de trouver le ton juste, la bonne couleur musicale pour rendre justice au mieux aux chansons. C’est surtout vrai pour Dionysos, chez qui mis à part les parties de violon de Babette (qui de toute façon était là pour les assurer), il n’y avait aucun arrangement déjà écrit. Il a donc fallu au chef d’orchestre trouver le meilleur moyen de concilier orchestre et groupe. “Ce qui était important, dit-il, c’était déjà de discuter et de voir un peu les images, les couleurs, ce qu’ils voulaient.” Et à entendre les membres de Dionysos, il a bien fait son boulot, “il a compris le truc”. Mathias semble ravi du travail du chef d’orchestre et de sa façon de faire : “Il a vraiment regardé ça comme un prof qui regarde un élève et se dit, tiens il a ça comme point faible, ça comme point fort et qui au lieu de boucher les trous sur les points faibles, met en exergue les points forts. Il ne s’est pas dit, tiens là y a un trou, on va mettre des cordes, mais les a mises dans les brêches, là où il se passe quelque chose de fort.” Il ajoute que le résultat lui a fait le même effet que lorsque Joan Sfar leur a réalisé pour la première fois une pochette de disque : “C’est ton truc, mais tu es transcendé par quelqu’un à qui tu as donné les clefs de la maison.

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Teitur

Du côté de Teitur, on l’a déjà dit, la configuration était légérement différente, l’orchestre n’ayant eu qu’à faire un travail de lecture des partitions et d’interprétation. Mais le problème de la pertinence des arrnagements s’est tout de même posé, à un moment ou un autre. Ceux-ci ont été réalisés par le passé, notamment à l’occasion d’un précédent concert de Teitur avec un orchestre, mais comme Teitur le dit lui-même, dans tout ce qui est pop ou folk, les arrangements peuvent parfois être plus un danger qu’un atout, ou n’être là que pour faire joli : “C’est assez dangereux pour les gens comme moi de faire des arrangements, parce que souvent ils ne connaissent pas très bien les dynamiques de l’orchestre ou du quatuor à cordes” ; le problème est donc de s’habituer à l’orchestre, à son fonctionnement, à ses dynamiques, pour l’exploiter au mieux : “Au début, on est fasciné par le son, et puis une fois qu’on a dépassé ce stade et qu’on a travaillé davantage avec l’orchestre, on s’intéresse plus à la façon dont on peut arranger, dont on peut utiliser les dynamiques de l’orchestre, jouer avec les différents tempos...”. De l’avis de la musicienne qui a dirigé l’orchestre, les arrangements sur lesquels elle a été amenée à travailler pour Teitur évitent justement cet écueil de n’être que simple ornementation : “Là c’est un vrai arragement, une vraie écriture pour orchestre avec une vraie connaissance de chaque instrument. À la fois, l’orchestre n’empiète ni sur le texte ni sur la place de Teitur, et à la fois, c’est vraiment un personnage en plus qui a été travaillé et qui a une existence musicale pure.” C’est en effet cette impression qui est ressortie du concert, qui a eu lieu juste avant la conférence de presse et semble avoir charmé le public - en dépit de la chaleur qui a apparemment fait souffrir les instruments à cordes. “Je pense que ça s’est très bien passé, même si c’était un peu délicat avec le son à cause du vent qui soufflait vers nous depuis l’autre scène, mais à part ça c’était très bien”, dira Teitur à propos du concert qui vient de se terminer. Succès donc pour Teitur, succès également pour Dionysos à en juger par la réception que le public a reservé au groupe la veille. Reste à voir qui passera à la moulinette l’année prochaine...


Montréal...

Les Eurockéennes profitent de leurs têtes d’affiches pour tenter des expériences inédites, mais aussi pour promouvoir des groupes et des scènes encore peu connus. Cette année, le festival s’est entiché de la scène montréalaise, et a invité pas moins de sept groupes originaires de cette ville : Malajube, Duchess Says, Les Georges Leningrad, We Are Wolves, Omnikrom, Ghislain Poirier et Islands. Anglophones, francophones, officiant dans la pop, l’electro-rock, le hip-hop ou le rock indé décalé, ils n’ont pas grand chose en commun, si ce n’est leur ville d’origine, l’appui des Eurockéennes, et un tourneur, qui explique le pourquoi du comment de cette initiative : “C’est un projet qui a démarré l’année dernière avec le programmateur des Eurockéennes ; je suis aussi programmateur d’un festival à Montréal et je l’ai invité a venir voir un peu la scène locale et Montréal parce qu’il ne connaissait pas tous les artistes et qu’il ne connaissait pas la ville non plus, et on a commencé à discuter d’un projet de faire une tournée pour les artistes montréalais en ayant une base avec les Eurocks. Donc du coup, le projet s’est monté, il ya eu un partenariat avec une compilation et des cachets qui ont permis de payer les billets d’avion, et tout le monde est en tournée pour quinze jours, un mois voire un mois et demi pour Islands.

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Montréal

C’est donc qu’il se passe bel et bien quelque chose à Montréal, même si, il est vrai, on n’avait pas vraiment besoin des Eurocks pour s’en rendre compte, il suffisait d’écouter au hasard Rufus Wainwright, The Dears, Arcade Fire ou Wolf Parade... Explication de ce bouillonement par Alexandre Lemieux, Montréalais de son état et entre autre manager des Georges Leningrad : “De bons groupes, tout simplement, il y a de la bonne musique qui se fait à Montréal”. D’accord, mais ces bons groupes, ils ne sortent pas de nulle part... “Il y a un niveau de vie qui colle aux artistes, c’est pas trop cher de vivre à Montréal, continue-t-il,et du coup il y a des gens de partout qui s’y installent, il y a beaucoup d’échanges. (...) Ca touche les deux communautés, anglophone et francophone, même si ça a commencé beaucoup du côté anglophone probablement parce que ce sont des groupes qui pouvaient plus facilement tourner aux États-Unis.” Il rappelle également qu’il y a une profusion de labels indépendants, mais aussi tout un système de distribution locale qui leur permet d’avoir accés aux grandes enseignes de distribution, que la communauté est assez forte, et aussi que l’intermittence du spectacle n’existant pas, c’est vraiment par plaisir que tous ces groupes se sont lancés dans la musique.

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Omnikrom

Il y a Omnikrom et Ghislain Poirier, qui produisent un rap décomplexé qui parle surtout de filles et d’argent, parce que, disent-ils “on parle de ce qu’on aime et donc on parle pas de politique, de choses sérieuses, parce que ça nous fait chier ça.”. Influencés par des groupes français comme TTC (avec qui ils ont collaboré) ou La Caution, ils expliquent également presque préférer le public français au public québecois, parce qu’“il y a une culture de la musique électronique, du hip hop qui est vraiment implantée dans les masses, ce qui n’est pas du tout le cas au Québec. Il y a aussi Duchess Says, qui n’ont pas encore sorti d’album mais qui ont créé une Église (de l’autre côté de l’Atlantique, n’importe qui est libre de créer l’Église qu’il veut) à laquelle la chanteuse délurée nous invite à adhérer sans tarder : “À tout le monde qui est intéressé pour adhérer à notre Église, l’Église des Perruches, c’est une organisation qui regroupe plein de gens de différentes sphères, de différents milieux. On est des gens ouverts donc si vous avez de l’argent c’est déjà bien. Si jamais vous avez pas d’argent cash ou de carte, ça me dérange pas, on prend d’autres choses aussi, des vêtements, de la nourriture...” L’appel a été relayé, avis aux amateurs...

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Islands

Et puis il y a Islands, les seuls anglophones du lot, et probablement les plus connus des deux côté de l’océan. En fait, à la conférence de presse, il n’y a que Patrick (qui sur scène oeuvre tantôt à la guitare tantôt à la clarinette basse) parce que paraît-il le chanteur Nick Diamonds ne parle qu’anglais. Rapidement (la conférence a démarré une heure à peine avant le début du set du groupe), il revient sur le périple en première partie de Beck, racontant : “On a tourné avec Beck au mois d’octobre. Ce qui s’est passé c’est que Beck jouait dans un festival qui a lieu chaque année à Montréal au mois de septembre et je crois qu’il connaissait la musique des Unicorns et qu’il était fan. Donc il a demandé à Nick (Diamonds) et à J’aime (Tambeur) d’avoir Islands comme première partie pour cette date et il a bien aimé alors il nous a invité sur quelques dates aux États-Unis après.” On lui pose ensuite une question sur la présence de membres d’Arcade Fire sur l’album d’Islands, à quoi il répond que “ce sont des amis, on les connaît bien, ce sont des gens sympas et il jouent bien. Ca ne crée pas de pression du tout de les avoir sur le disque, c’est juste des amis qui jouent ensemble.” Au niveau des collaborations, il paraîtrait d’ailleurs qu’à l’occasion des Eurockéennes, le chanteur d’Islands ait proposé à MC Jeanbart d’Omnikrom, qu’il ne connaissait pas avant, de participer à un futur morceau d’Islands... L’interrogatoire s’achève par une référence à J’aime Tambeur, qui vient de quitter le groupe, parce qu’il “a finalement décidé que la musique professionnelle c’était pas vraiment pour lui, il a décidé de voyager un peu. Mais on a trouvé un très bon remplaçant qu’on est très content d’avoir. J’aime nous manque, mais c’est la vie...” Avec ou sans J’aime, on retrouvera en tout cas les Islands avec plaisir au cours de leur tournée.



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