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Exil

Exil

Peïo

par Le Daim le 30 octobre 2007

2

paru le 21 mai 2007 (Altraiz 64)

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Voici Exil, second album des amiénois de Peïo qui qualifient leur musique de rock métissé, un genre qui dans l’hexagone se porte (et s’exporte même) plutôt bien. Sauf qu’il y a du beau monde en tête de liste, à commencer par les camarades Manu Chao et Mano Solo, influences d’ailleurs assumées du groupe. Entendons par-là qu’il ne sera pas facile pour Peïo de faire son trou, d’autant que ces nouvelles chansons ont une fâcheuse tendance... À rater leur cible.

Exil est dédié « à tous ceux qui ont migré et qui gardent la mémoire de l’exil, à tous ceux qui s’exilent en ce moment pour le meilleur et pour le pire, à tous ceux qui partiront de leur terre et quitteront leurs racines ». Peïo nous invite donc à un voyage à travers et entre les continents, griffonant comme sur un vieux Moleskine quelques petits récits emprunts à la fois d’espoir et de mélancolie, peuplés de personnages dont les regards se rejoignent d’un hémisphère à l’autre : les uns scrutant l’occident de leurs rêves, les autres, amers, la terre qu’ils ont quitté. Peïo puise dans ses multiples influences pour donner une voix à ces personnages, du blues du delta aux djembés de l’afrique noire. Presque chaque morceau du disque évoque une contrée, une culture différente sans pour autant -et en cela il faut saluer le travail du groupe- qu’on se trouve face à une compilation de tout et n’importe quoi. Jetée comme ça sur le papier, l’idée de base est assez séduisante, même si elle n’a rien de particulièrement original. Et dans les faits, qu’est-ce que ça donne ?

L’album s’ouvre sur un instrumental mystérieusement intitulé 64, inspiré de quelque vieux blues du Mississippi : une guitare slide, toute seule, toute simple. C’est malheureusement très loin de valoir une pétouille de Muddy Waters. Le mix ne met pas en valeur le son de la guitare, la composition construite sur un riff lourdement répétitif ne brille pas par sa richesse ni par l’interprétation assez approximative. Le blues joué au bottleneck s’accomode fort bien de la simplicité, toute la difficulté résidant dans la capacité du guitariste à la faire sonner, ce que l’ami Peïo ne parvient pas à faire ici ni même dans les morceaux suivants.

La veine blues est de nouveau exploitée sur le second titre, Dream, reposant sur un motif trop basique agrémenté de plans stéréotypés (ah ! ces pentatoniques !) joués sur une guitare twangy bien reverbée. N’est décidément pas Ben Harper qui veut. La mélodie accrocheuse du refrain fait basculer le blues dans une marmite pop, la même où sont tombés les copains Goldman et Cabrel quand ils étaient petits. Les fans des Sex Pistols repasseront, comme d’hab (d’un autre côté il n’y a aucune raison pour qu’ils achètent cet album !). La voix de Peïo a un petit quelque chose de sympathique, mais force est de constater que les textes en anglais comme celui de cette chanson ne sont pas faits pour elle : les mots sont posés à la française, avec une bonne dose d’accent franchement énervant notamment sur les "the" systématiquement déclinés en "ze". Le texte en lui-même cède à la facilité et nous laisse soupçonner une fois encore chez son auteur et interprète un manque trop audible de maîtrise de la langue de Shakespeare. Ces lacunes viennent gâcher de la même manière les autres chansons en anglais de l’album. Fort heureusement, Exil comporte aussi des chansons en français où le niveau d’écriture et d’interprétation monte d’un cran... Peïo est assurément plus à l’aise avec sa langue natale, et il arrive à lui insuffler une vraie émotion sur des titres comme Gibraltar ou Djenne. Les textes, eux, pêchent malgré tout par leur extrême simplicité voire leur maladive tendance à céder aux lieux communs. C’est le cas sur une chanson comme Éléphant Bleu, swing manouche façon Bénabar (soupir) dans lequel on retrouve tous les poncifs du genre variété/festif/engagé entre la citation plus ou moins assumée des discours de Sarko, le refrain en forme de slogan gauchiste braillé dans le mégaphone et les sentences de pilier de comptoir prolos (« au lieu de regarder la télé il faut s’impliquer », « Égalité... Faut pas déconner ! », etc). Le recours sur des couplets entiers à la rime en "é" démontre également que l’auteur préfère la facilité. C’est dommage, d’autant que la musique censée porter ces textes n’est pas avare d’énergie ni d’intéressantes trouvailles.

La mauvaise qualité des parties de guitare rythmique est un autre point noir de cet album. Là encore l’interprétation est approximative, alors que Peïo a fait le choix d’une composition ultra-basique. Cerise sur le gâteau, ces parties ont été particulièrement mal enregistrées : le son est cheap, comme si les instruments avaient été branchés directement dans une console bon marché. Mêmes reproches en ce qui concerne les parties de basse, en dépit du fait que tous les autres instruments (et notamment les percussions) jouissent, eux, d’un traitement correct.

Tout ces défauts ne parviennent pas à contrebalancer les quelques qualités dont Exil est pourvu. On trouve par exemple ici ou là quelques bons solos de guitare, classiques dans leur genre mais efficace. Les percussions dont on a déjà parlé sont excellentes (Alleviated Sigh, Taxi Brousse, Djenné). Il y a de pertinents et intéressants arrangements, tel le violon irlandais de Sally ou l’émouvante mandoline de Gibraltar. Le groupe est capable de subtilité et d’intensité (une qualité qu’on devrait pouvoir vérifier en concert !) sur tous les morceaux, quel que soit leur style. C’est pourtant sur le dernier titre de l’album, Djenné, qu’on a le sentiment que Peïo a trouvé sa voie. L’intro jouée à l’oud nous entraîne dans un désert du maghreb. Fausse piste ! Le morceau dérape soudain dans un rythme afro-cubain que ne renieraient pas les Négresses Vertes, alors que notre chanteur paraît enfin s’assumer dans le rôle d’un Mano Solo.

Enfin, signalons la très bonne pochette signée Mathieu Farcy (alias Michel Bouge Bouge), truffée de magnifiques photos qui sont autant de petits miracles de mise-au-point, d’éclairage et d’exposition. Les petits gars de Peïo ne pouvaient pas mieux tomber.



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Tracklisting :
 
1- 64 (2’41")
2- Dream (5’40")
3- Sally (5’49")
4- Gibraltar (4’31")
5- Alleviated Sigh (3’46")
6- Éléphant Bleu (5’50")
7- Watch My Bones (4’56")
8- Taxi Brousse (4’45")
9- Djenné (3’56")
 
Durée totale : 39’14"