Un jour, un trio français décide d’enregistrer un album dans le but de lui donner une toute autre dimension sur scène, le nerf de la guerre pour tout artiste qui se respecte. En voilà une idée qu’elle est bonne surtout si la musique proposée est harmoniquement très riche et les performances instrumentales sont d’autant plus efficaces qu’elles sont souvent discrètes et jamais gratuites.

Le long de dix titres instrumentaux, # 1 sera un objet reconnu, voire familier pour beaucoup d’oreilles : aucun étonnement, seulement une vieille recette : faire tenir de vieux discours à de nouveaux langages. Les vieux discours, ce sont les emplois du thématisme et de la tonalité. Bon nombre de morceaux sont composés sur un thème, un vrai thème, développé, puis réexposé : une suite de soli, presque de vrais soli où chaque musicien devient repérable et s’en donne à cœur joie. C’est le cas sur le second morceau (We Leave The Ranch) où des trompettes mariachis donne une sonorité western, telle une association instrumentale avec Calexico et Gravenhurst. Ou alors The Bluesman Championship, une petite merveille où se rencontrent une perfection et une diversité dans l’emploi des instruments assez sidérantes. Deux cents quarante secondes qui semblent plus encore que le reste de l’album ouvrir au groupe d’enthousiasmantes perspectives musicales.

Un bémol cependant : la dernière plage sonore (Swinging On A Dead Horse), d’inspiration progressive sonne presque superflu, comme si elle n’était là que pour combler l’espace d’une piste au demeurant fort long (presque vingt-deux minutes). Mais rien que pour l’écoute de Interlude et El Matador, ce disque suit un chemin de nostalgie lumineuse loin des introspections impudiques comme des éclats vides de sens.

L’atmosphère générale est pourtant à la mélancolie, malgré cette mixture détonante de folk hybride habité par des sonorités graves et pourtant très rêveuses. Une musique qui s’égare dans une sensibilité à fleur de peau et qui parvient à happer progressivement l’auditeur dans un univers entre deux eaux, dans une tradition proche de celle de la composition de bandes-sons cinématographiques du tout début des années 00, mais également d’une manière si singulière et novatrice qu’on ne peut s’empêcher de penser qu’un jour peut-être, Crëvecoeur réussira à se faire entendre bien plus loin que dans le simple cercle d’initiés amateurs d’hymnes sombres.