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Fleetwood Mac

Fleetwood Mac

Fleetwood Mac

par Our Kid le 29 mai 2007

4

paru le 24 février 1968 (Blue Horizon / CBS)

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Impossible de parler de cet album sans évoquer l’origine du groupe. Fleetwood Mac s’est formé en 1967 à Londres lorsque Peter Green (de son vrai nom Peter Greenbaum) quitte la formation phare du blues britannique, John Mayall And The Bluesbreakers. Véritable pépinière de talents dans laquelle on ne compte plus les transits, Green avait intégré la troupe deux ans plus tôt en remplacement d’Eric Clapton qui changeait une nouvelle fois de famille en fondant Cream. Green laissa un excellent souvenir avec les Bluesbreakers, comme en témoigne A Hard Road. Au moment où le batteur Aynsley Dunbar quitta la formation de Mayall, Peter Green suggéra en remplacement une vieille connaissance qu’il avait côtoyée sur scène à travers ses groupes précédents, Peter B’s Looners et Shotgun Express (avec le jeune Rod Stewart au chant), un certain Mick Fleetwood. Mayall accepta et la première étape de la formation de Fleetwood Mac était constituée et avec John McVie à la basse, la section rythmique du futur groupe était déjà bien établie.

Seulement, la dite section était réputée pour ses penchants alcooliques et McVie avait déjà été viré plusieurs fois par Mayall (remplacé par Jack Bruce à l’occasion) avant d’être réintégré. Fleetwood fut, lui, renvoyé définitivement. Green saisit l’occasion d’un nouveau chamboulement de roster pour voler de ses propres ailes. Il quitta les Bluesbreakers où il fut remplacé par Mick Taylor, futur Rolling Stones.

Notre guitariste dissident contacta Fleetwood pour former un nouveau groupe avec l’idée tenace d’y amener McVie à la basse. Cependant, c’est Bob Brunning qui fut recruté en tant que bassiste malgré le forcing fait par Peter Green pour débaucher John McVie des Bluesbreakers, baptisant même son nouveau-né de groupe « Fleetwood Mac » (d’après un morceau instrumental de Green du même nom en hommage à sa section rythmique) dans le but d’aguicher McVie, en vain. Brunning s’était engagé sachant que dès que McVie accepterait de rejoindre le groupe, il lui céderait la place. Ce dernier refusa pour des motifs d’ordre financiers (il touchait un salaire régulier avec l’usine de Mayall). Quelques semaines plus tard, à l’automne, McVie changea d’idée et accepta la proposition de Peter Green prétextant que Mayall allait trop loin à son goût, musicalement parlant, dans sa direction jazzy. Finalement, Brunning dut céder sa place mais resta à la postérité grâce au morceau Long Grey Mare sur lequel il joue de la basse. Pour la petite histoire, notre pigiste officiera par la suite chez Savoy Brown avant de raccrocher et de se consacrer à l’enseignement.

Il manquait toutefois un guitariste qui fut dégoté en la personne de Jeremy Spencer qui avait la particularité d’être également chanteur et un honnête joueur de slide guitar. La formation était entérinée et donna son premier concert le 13 août 1967 au cours du Windsor Jazz and Blues Festival. La carrière de ce Fleetwood Mac est alors indissociable de celle de Mike Vernon. Producteur attitré de Decca ayant travaillé sur les albums des Bluesbreakers, il connaît parfaitement ses musiciens et voue une admiration pour Green depuis le début. C’est lui qui amène Jeremy Spencer le chanteur de par son travail : il avait enregistré en 1966 une session de démos avec un trio de Birmingham, The Levi Set Blues, et hormis le fait qu’il trouva le groupe plus que limité, il se souvint de Spencer et de sa voix ressemblant à celle d’Elmore James.
De surcroît, Fleetwood Mac va bénéficier du lancement par Vernon de son propre label, une pratique qui se développait à l’époque parmi les producteurs (Meek, Oldham, Talmy, Gomelsky...), le désormais culte Blue Horizon, le portail du blues. Avec l’aide de CBS (qui prêtait son studio de New Bond Street), l’affaire était lancée et l’heure était désormais à l’enregistrement d’un disque puis d’un album.

Le 3 novembre sort le premier single du groupe, I Believe My Time Ain’t Long / Rambling Pony, une reprise d’Elmore James qui échoua dans sa quête d’intégrer les charts. Après une brève tournée, le quatuor entre en studio pour enregistrer un album fin novembre, sous la houlette de Vernon. Ce dernier paraît le 24 février 1968 et se révèle particulièrement frais à une époque où le travail en studio était devenu la norme. C’est d’autant plus surprenant qu’une forte pression pesait sur le groupe suite à ses concerts et à la horde de fans dont il disposait. Ainsi, les morceaux sonnent presque tous live, une direction voulue par Vernon en accord avec les quatre, avec un surprenant mélange de genres, fruit des goûts de chacun des musiciens. Très peu d’overdubs, quelques notes de piano, tout le monde joue en même temps et dans la même pièce. On ne peut faire plus spontané... Le résultat est sans appel : cet album (parfois intitulé Peter Green’s Fleetwood Mac) est une réussite sur tous les plans. Musicalement, il n’y a rien à reprocher, au contraire, on applaudit tant on sent ce feeling qui traverse les plages du disque. Peter Green fait des merveilles et appose son empreinte de bout en bout de Fleetwood Mac. Ce guitariste surdoué et sa légendaire Les Paul 59 dont il a inversé le micro aigu transfigurent les phrasés de Robert Johnston, Howlin’ Wolf ou Elmore James, la quintessence du blues, mais se révèle aussi un compositeur doué, comme l’attestent ses cinq compositions. C’est aussi un joueur d’harmonica inspiré qui l’utilise tout en finesse, procurant à l’ensemble une certaine cohérence sonore.

Mais que dire de My Heart Beat Like A Hammer , My Baby’s Good To Me, Cold Black Night, toutes de Jeremy Spencer ? On retrouve une mélancolie dans la voix et dans le piano adorable mais on a également le droit à de superbes parties de slide comme sur Shake Your Moneymaker et le guitariste gagne sur cet album ses galons de compositeur. McVie et Fleetwood assurent comme à l’accoutumée en démontrant une complicité et une complémentarité non-feinte, bref un orchestre taillé pour les joutes scéniques. Ce blues qui nous est présenté se veut typiquement britannique, à savoir dans la lignée du British Blues Boom (forcément, avec Mayall comme référent commun...) comme le pratiquait il y a quelques temps les Stones, Yardbirds, Animals, Them. Un blues électrique, de Chicago (comme semblerait le suggérer la pochette pas vraiment rurale avec le border collie, Scruff) transposé en pleine période lysergique, est-ce concevable ?

La réponse est oui : le disque se hissera à la quatrième place des listes anglaises et restera neuf mois dans ce classement, un début de rêve pour une formation de blues qui retint forcément l’attention. L’album sortit en juin chez l’oncle Sam et décrocha une honorable 198ème place. Dans la foulée, (en mai), parut un second single Black Magic Woman à succès qui poursuit l’exploration latino-blues entrevue sur I Loved Another Woman et qui offrit un tube à Santana. La suite s’annonçait terrible et les deux albums qui suivirent sont des classiques de ce blues de plus en plus lysergique. Ensuite, il y eut l ’« absence » de Peter Green due à ses errements acides, la rencontre de McVie avec Christine Perfect pour obtenir un nouveau groupe et surtout un nouveau son, plus americana, plus grand public et des disques qu’on doit bien retrouver dans tous les foyers des ricains (Rumours). Une autre époque.

Bien sûr, les puristes préfèrent ne se souvenir que de cette période 1967-1970 et ce blues miraculeux mais les contradicteurs ne manqueront pas de signaler que cette musique, certes de haute qualité, et qui se dit « moderne » est quand même similaire à ce que jouaient Stones, Animals, Yardbirds et co. quatre années plus tôt... Ces mêmes Stones qui sortaient un disque majestueusement satanique et foutraque ou ce bon vieux Clapton qui s’envoyait en l’air avec Cream et ses pédales wha-wha. Fleetwood Mac semble donc hors propos pour certains mais considérons tout de même que pour un premier album, l’auditeur est servi et c’est peut-être cela le plus important.



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Tracklisting :
 
1- My Heart Beat Like A Hammer (2’57”)
2- Merry Go Round (4’07”)
3- Long Grey Mare (2’14”)
4- Hellround On My Trail (1’59”)
5- Shake Your Moneymaker (2’55”)
6- Looking For Somebody (2’50”)
7- No Place To Go (3’20”)
8- My Baby’s Good To Me (2’50”)
9- I Loved Another Woman (2’55”)
10- Cold Black Night (3’16”)
11- The World Keep On Turning (2’28”)
12- Got To Move (3’19”)
 
Durée totale : 35’49”