Sur nos étagères
Having A Rave Up

Having A Rave Up

The Yardbirds

par Thibault le 7 juin 2011

5

Paru en 1965 (Epic), réédité en 2007 (Repertoire).

Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte Imprimer l'article Envoyer l'article par mail

Après des années de fouillis, de galère et d’aventures la discographie originale des Yardbirds est enfin parfaitement rééditée par le très bon label spécialisé Repertoire. On peut désormais se procurer à un prix défiant toute concurrence d’excellentes remasterisations, depuis le premier live de 1963 avec Sonny Boy Williamson jusqu’au dernier album Little Games avec Jimmy Page sorti en 1967. Et cerise sur le gâteau Repertoire met également à disposition une superbe compilation d’enregistrements radios, les BBC Sessions, qui offre un panorama très large et très complet de l’œuvre de l’une des formations les plus importantes des années 60, et qui constitue la porte d’entrée idéale à la musique des Yardbirds. Cependant, pour tous ceux qui souhaitent aller plus loin on ne saurait que conseiller chaudement l’écoute de cette réédition d’Having A Rave Up, qui reste la grande œuvre du groupe, la plus vive, la plus intense et la plus aboutie. Il faut savoir qu’à l’origine ce disque était une compilation destinée au marché américain avec une face A qui présentait les meilleurs singles de la période fin 65 début 66 et une face B qui rassemblait les quatre meilleurs morceaux du Five Live Yardbirds sorti en 1964 lorsqu’ Eric Clapton était encore guitariste (il fut remplacé par Jeff Beck dans le courant de l’année 1965). Ici sont rajoutés plusieurs raretés et prises alternatives, le single Shapes of Things ainsi que deux sessions d’enregistrements du début de l’année 1966. En tout ce n’est pas moins que trois différents visages de la musique des Yardbirds que l’on peut observer dans cette réédition et donc pratiquement toute leur évolution depuis 1964 jusqu’au printemps 1966, soit peu avant l’enregistrement de Roger The Engineer.

Les six premiers titres compilent donc les singles Evil Hearted You (et son solo de slide-guitare mémorable), I’m A Man et Heart Full Of Soul ainsi que leurs face B tout aussi brillantes, à savoir Still I’m Sad, Mr. You’re A Better Man Than I et The Train Kept A Rollin (un des trucs les plus fantastiques du rock à mon humble avis). Six chansons qui montrent un groupe à la recherche du tube parfait, du single idéal qui les aurait rendu célèbre dans le monde entier comme (I Can’t Get No) Satisfaction l’avait fait pour les Rolling Stones. Ici les Yardbirds recherchent l’efficacité avant tout mais ne tombent pas pour autant dans la pop sucrée formatée, les morceaux ont un schéma classique (couplet / refrain / couplet / refrain / solo / refrain) mais sont très électriques et très novateurs. Les Yardbirds jouent un blues nerveux, concis et fulgurant, aux riffs imparables et aux solos tétanisants (à écouter celui de Mr. You’re A Better Man Than I merveille de force et de distorsion).
Parallèlement la face B originale (les quatre superbes titres Smokestack Lighting, Respectable, I’m A Man et Here ‘Tis) témoigne d’un concert au Marquee Club de Londres où le groupe cherche l’intensité en priorité et où il transforme des reprises de bluesmen en morceaux sauvages et surexcités. Ici le format pop est pulvérisé et fait place à des solos d’harmonica compulsifs, à des duels guitare tigresques entre Chris Dreja et Eric Clapton, à des breaks catapultes propulsés par de féroces envolées de la basse et de la batterie. Magique.

Quand aux bonus ils nous entraînent dans les coulisses des Yardbirds. En plus du single Shapes of Things, d’une excellente chute de studio (New York City Blues) et de deux versions différentes de Here ‘Tis pas inintéressantes on trouve une formidable réadaptation de The Train Kept A Rollin (Stroll On) pour les besoins du film Blow Up. Cette prestation est l’un des rares enregistrements du groupe avec la paire Jimmy Page/Jeff Beck (ça fait saliver hein ?) et donne une idée de ce qu’aurait pu faire les Yardbirds si Beck n’avait pas claqué la porte peu de temps après. Et last but not least les deux sessions (les pistes 13 à 18) de début 1966 sont absolument fascinantes. Pour comprendre leurs enjeux il faut parler rapidement du manager du groupe, Giorgio Gomelsky [1]. Au fur et à mesure des concerts et des singles Gomelsky prend conscience que ses poulains peuvent devenir un très très grand groupe, aussi forts que les Stones ou les Beatles. Il impose alors au groupe des séances en studio dans le but de préparer un véritable album qui aurait scellé la légende des Yardbirds. Et afin de tirer un maximum du talent des musiciens il leur impose également de composer leurs propres chansons, tout en réclamant constamment des nouveaux singles. Une pression trop forte au goût du groupe qui le remercie peu de temps après ces sessions. Celles-ci montrent les Yardbirds en pleine évolution, interdits de reprises mais mis en confiance par l’ingénieur du son ils partent d’une base blues classique pour aller vers des solos stridents et des compositions de plus en plus audacieuses. De ces sessions au son qui préfigure le hard rock quelques morceaux seront récupérés, réarrangés dans une tournure plus pop et constitueront les premières moutures de Roger The Engineer, qui sera composé uniquement de titres originaux.

Ajoutez à cela un son impeccablement dépoussiéré et resplendissant et vous obtenez un must-have du blues rock, qui synthétise parfaitement tous les aspects d’une époque d’un groupe aussi crucial que Cream ou les Who puisque de sa cuisse sortira un monstre du hard, Led Zeppelin.



[1Pour la petite histoire Giorgio Gomelsky fut le tout premier manager des Stones, vite balayé par l’ambition conjuguée de Andrew Oldham et Brian Jones ! Merci à celui qui m’a filé l’info, il se reconnaitra.

Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n'apparaîtra qu'après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom



Tracklisting :
 
1. Mr. You’re a Better Man than I (3’17")
2. Evil Hearted You (2’33")
3. I’m a Man (2’36")
4. Still I’m Sad (2’57")
5. Heart Full of Soul (2’27")
6. Train Kept a Rollin’ (3’25")
7. Smokestack Lightning (5’38")
8. Respectable (5’35")
9. I’m a Man (4’31")
10. Here ’Tis (5’08")
 
BONUS TRACKS :
 
11. Shapes of Things (2’24")
12. New York City Blues (4’17")
13. Jeff’s Blues (3’02")
14. Someone to Love (2’22")
15. Someone to Love (4’16")
16. Like Jimmy Reed Again (3’02")
17. Chris Number (2’21")
18. What Do You Want (3’09")
19. Here ’Tis (3’48")
20. Here ’Tis (4’04")
21. Stroll On (2’44")