Concerts
Joan Baez

Le Grand Rex (Paris)

Joan Baez

Le 11 octobre 2011

par Aurélien Noyer le 12 octobre 2011

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Après ses deux concerts en mars, Joan Baez était de nouveau à Paris pour un concert au Grand Rex. Que peut-on dire là-dessus ? Légende du folk, blah blah blah, droits civiques, blah blah blah, Vietnam, blah blah blah, Sarajevo ? Pourquoi pas... Ça a le mérite d’annoncer ce qui était prévisible : le concert était un festival de protest-song...

... ce qui, en soi, n’est pas un problème. Mais dans les faits, c’est là qu’est sans doute une des faiblesses de ce concert. L’art de la protest-song est difficile et peut donner des résultats très aléatoires, certaines chansons gardant leurs qualités à travers le temps, d’autres se démodant presque instantanément. Prenons par exemple les deux chansons chantées en français : le Déserteur de Boris Vian (chantée a cappella) et Parachutiste de Maxime Le Forestier. Quand la première garde une certaine charge émotionnelle en adoptant le point de vue du déserteur, la seconde apparaît désormais comme un anathème presque aussi violent que ce qu’elle entend dénoncer (il m’a même semblé entendre que quelqu’un l’a huée). De même concernant les chansons en anglais : il est difficile de ne pas considérer Imagine autrement que par le prisme d’une naïveté dépassée... même Blowin’ In The Wind, dont la forme interrogative lui permet de mieux résister au temps, commence à ressembler à une image d’Épinal figée à la pertinence déclinante. Seule God On My Side garde peut-être son ironie amère et parvient à dépasser le contexte des sixties.

Néanmoins, on en arrive à un autre problème du concert : l’interprétation des chansons. Si God On My Side reste une chanson ironique, Joan Baez la gâche un peu par excès de sentimentalité et adoucirait presque les moqueries de Dylan envers le plouc endoctriné jusqu’à en faire une complainte pour un prolétaire sous-éduqué et victime du système. Heureusement, c’est la seule fois où l’interprétation de Joan Baez produit ce genre de contre-sens.

Pour autant, le côté "best-of du folk sixties" du concert, s’il a visiblement fait plaisir au public présent (inutile de m’étendre sur la moyenne d’âge), a poussé la chanteuse à reprendre des chansons dont elle n’a pas su tirer une interprétation à la hauteur. Ses deux reprises de Leonard Cohen (Le Partisan et Suzanne) manquent tellement leur cible qu’on aurait du mal à les qualifier autrement que par l’atroce adjectif "jolies" alors que Cohen lui-même, bien que moins impressionnant vocalement, en donnait il y a encore deux ans des versions intenses.

Finalement, on retiendra surtout la reprise de Don’t Think Twice, It’s Alright au cours de laquelle Joan Baez s’est amusée à imiter Dylan (ce que la salle a accueilli avec un sourire poli... contrairement à votre serviteur qui trouve toutes les imitations de Dylan hilarantes [1]), l’intervention sympathique d’une chanteuse française (mais chantant en espagnol) à la technique vocale remarquable et surtout la superbe Diamonds & Rust qui constitue sans doute le summum du concert.

Pour autant, qu’on ne se méprenne pas... J’ai bien conscience que l’accumulation de critiques pourrait donner l’impression d’un mauvais concert. Ce n’était pas le cas. Mais s’il était très agréable, il n’était rien de plus que cela... et peut-être ne fallait-il rien attendre de plus. Mais il est difficile de faire abstraction de l’aura qui entoure Joan Baez depuis les années 60 et des capacités d’interprétation qu’elle a maintes fois démontrées. Or ces deux choses étaient trop souvent absentes lors de ce concert pour que le sentiment qui domine à la sortie soit autre chose qu’une légère déception vis-à-vis d’un moment agréable, mais sans doute vite oublié.


Vos commentaires

  • Le 12 octobre 2011 à 15:06, par Céline Bé En réponse à : Joan Baez

    Pour voir un public plus jeune, Nonoo, il aurait fallu venir au concert de la fete de l’Huma. A coté des communistes sexagénaires, on comptait un grand nombre de jeunes venus puiser dans la musique de Baez une inspiration pour les combats actuels. Un peu de douceur lyrique pour nous porter autrement en ces temps de protest-violence. Peut-etre son choix de reprises était ce jour là un peu moins vieillot. Par exemple : Manhattan-Kaboul. Ca ne marchait pas mal - quoiqu’un peu long. Quand aux questions d’aura, je ne te suis pas. Joan Baez dégage toujours suffisamment pour garder aupr`s d’elle des milliers de gens sous une pluie battante. Mais je suis un peu niaise en la matière : elle m’a eue quand elle nous a comparé au public de Woodstock en début de représentation.
  • Le 12 octobre 2011 à 15:13, par Aurélien Noyer En réponse à : Joan Baez

    Peut-être était-ce effectivement une question d’environnement. La jolie salle du Grand Rex n’est pas le meilleur endroit pour avoir envie d’aller faire la révolution. Et si je savais à peu près où j’allais au niveau des thèmes des chansons, je trouve que même parmi les protest-songs, il y en a de plus pertinentes que celles jouées hier soir.

    Pour le charisme de Joan Baez, je ne le nie pas dans l’absolu. Il se trouve juste que je ne l’ai pas vu hier soir.

  • Le 12 octobre 2011 à 21:34, par Thibault En réponse à : Joan Baez

    Joan Baez qui chante du Renaud à la fête de l’Huma. O_ô
    Ca me donne envie de relire "Il Faut Tuer José Bové", ça.

    http://www.alternatives-paloises.com/IMG/jpg/bove3.jpg

  • Le 13 octobre 2011 à 13:03, par Céline Bé En réponse à : Joan Baez

    Incrédule, va.

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