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Les coulisses d'un évènement

Les coulisses d’un évènement

par Milner le 5 septembre 2005

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On connaissait des festivals de jazz et de folk, depuis les années 50, notamment celui de Newport. A la fin des années 60, on assiste à de grands rassemblements en plein air. Et en 2005, je me retrouve à passer une dizaine de jours dans les entrailles de la 15ème édition de La Route du Rock à Saint Malo ! A mon arrivée sur le site (le Fort de St Père), tout se passe comme si personne n’avait porté la moindre attention à ma présence. Après tout, si un responsable devait relire ma fiche d’inscription, il ne verrait d’écrit que la présentation d’un bon gars qui s’est engagé comme aide-technicien chargé de l’électricité en qualité de bénévole. Pourtant, à l’emplacement de la future scène principale, quelques tubes de ferrailles enchevêtrés sur un terrain vague à l’intérieur d’un bâtiment rappelant vaguement celui de Fort Boyard sont les seules indices de la prochaine tenue d’un festival rock de très grande classe. Jugez-en par vous-mêmes : sont annoncés en Bretagne The Cure, Mercury Rev, Sonic Youth, Yo La Tengo et The Wedding Present comme valeurs sûres, ça force le respect, non ?

Cette digression mise à part, la scène en construction attire énormément de personnel qualifié. Monteurs, escaladeurs, mécaniciens et bien d’autres professions s’apparentant aux métiers du cirque pour leurs caractères périlleux et téméraires. Bref, tellement d’activités qu’on serait fatigué rien que de les répertorier. Je vide mon verre d’apéritif à l’épine en compagnie du comité d’accueil puis, constatant l’absence totale de compétences en électricité de la part de mon ego, je décide que m’informer dès le premier soir serait un acte de fayottage inadmissible et regonfle la soirée à écouter les récits des précédentes éditions malouines...

Le lendemain matin, 9 heures, et ce jusqu’au matin du début des festivités, on y va, c’est parti ! La mission consiste à dispatcher aux quatre coins du site le câblage, les armoires électriques, les projecteurs et bien d’autres objets tous aussi chouette qu’un cachalot mais néanmoins nécessaires à l’alimentation électrique de La Route du Rock. Fournir du matériel aux différents stands annexes, câbler les coulisses VIP pour qu’un Robert Smith (par exemple) puisse -le samedi soir- surfer sur la toile pendant que Colder arpente les planches.
Bien sûr, mon nouveau job d’intermittent me permet de rencontrer des techniciens de la scène confirmés qui doivent en avoir plein à raconter. Un tel me raconte qu’il a tourné dans tous les pubs de Grande Bretagne avec Jello Biafra pendant la Coupe du Monde de football 1998 et qu’il ne faisait pas bon être Français. Un autre s’approche de moi et du haut de son mètre soixante-cinq me bourre de questions sur ce que je fais. « Il te reste quoi à faire ? » « Plus que le raccord avec l’armoire à 63 A derrière la scène » « Tu te rends compte que si tu déroulais tous tes câbles au sol, t’en aurais pour à peu près 55 Km » « Ah oui ? » « Ouais, surtout que le câblage pour The Cure est pas encore arrivé ».

C’est à peine si je commence à réaliser quel grand mathématicien ce techos aurait pu devenir qu’il est l’heure de déjeuner. Assis, raide et stoïque sur un banc, mon visage impassible derrière une barbe de trois jours, je déguste le succulent repas. Le reste de la journée se passera à l’identique de la matinée : alternance de coups de bourre et de réflexions savoureuses ( « Quand t’auras fini, tu termines de mettre les ampoules sur la guirlande dans la coulisse, et après ce sera bon, en avant Guingamp ! »). Damnation. Ils auraient pu nous prévenir à l’école des bénévoles. La journée-type s’arrête aux environs de 21 h. Après un énième repas, je prends place sur un canapé et je laisse la soirée se passer tout en sachant que si je rencontrais des artistes qui me tiennent à cœur (je dois avouer que je projette de participer aux conférences de presse avec mon collègue Alexx), je n’aurais pas trop de questions pertinentes à poser.

Pour tout vous dire, j’avais déjà anticipé les réponses. A la question saugrenue : « Euh, David, pourquoi est-ce que tu t’es fait raser les cheveux cet été ? », je m’attends vraiment à une réponse dans le genre « Ca faisait longtemps que l’idée me trottait dans l’esprit. J’en avais ras le bol de ma tête. Par contre, j’ai peur d’enrhumer facilement quand l’hiver approchera... ». C’est pas pour dire, mais quand on se retrouve devant des personnes que l’on estime énormément, il n’est pas facile de faire comme si on s’adressait au premier venu. Retour à la réalité. Le vendredi 12, à quelques minutes du coup d’envoi du festival, une dizaine d’hommes trapus vaquent très précisément à leurs tâches respectives. Tels des acteurs de films muets, ils collent des fils au sol, s’appliquent à orienter cinq ou six baffles-retours, et un petit muret de vieux amplis Orange, de part et d’autre d’une estrade où la batterie se monte, si le frisson de cette mise en place ne me scie pas tout seul. Un piano et un orgue sur la gauche, un autre piano, électrique celui-là, sur la droite. Enfin, sur le devant, trois pieds de micros fixes, que les roadies tripotent, essaient, cajolent un long moment.

Le champ n’est plus un champ. C’est, en dix fois plus grand, l’espace le plus immense que vous ayez rêvé pour peu que vous n‘ayez jamais mis les pieds à un festival en plein air. Poussiéreux, marron plutôt que vert, doucement gravillonné en son centre, avec une scène toute noire comme le nombril du monde, et derrière, le jaune-gris rassurant et éolien des champs de blé au fond qu’on ne devine même pas, mais qu’on sent. C’est maintenant le moment choisi pour devenir le festivalier que j’aurais toujours voulu être, celui qui fait de chouettes découvertes musicales et qui s’extasie devant la diversité du plateau musical représenté cette année. Il paraît que cette année, le record de fréquentations risque d’être battu. Je ne demande qu’à le croire après tous mes efforts consentis pour faire de ces trois jours un événement fabuleux...



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