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Lost In Weybridge

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Lost In Weybridge

John Lennon

par Our Kid le 25 mai 2010

4

paru en 2003 (Lennons Records)

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Entre 1966 et 1968, les Beatles n’ont pas de rivaux sur la planète pop : Brian Wilson mis en camisole de force, les Stones découvrant que le LSD c’est super si on veut faire un album mais oubliant de le rendre écoutable, le champ était libre pour les gars de Liverpool qui ne se firent d’ailleurs pas prier. Coups sur coups, ils publient Revolver, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, tournent un moyen-métrage, s’envolent sous différents horizons, sortent le monumental « double blanc » au milieu de singles mémorables (Paperback Writer, Penny Lane/Strawberry Fields Forever, All You Need Is Love, Lady Madonna et Hey Jude). Bref, l’âge d’or de la formation.

Pendant ces deux années, le rôle de leader glisse de Lennon vers McCartney, du Beatle en sommeil vers le Beatle ultra-actif, à l’origine - rappelons-le - de « l’album-concept » Sgt. Pepper’s et du film Magical Mystery Tour. John, pendant cette période, se fixe physiquement dans un quartier huppé de la banlieue londonienne avec sa famille, installe un petit studio à l’étage qu’il remplit de guitares, de pianos, de mellotrons, de bandes en tous genres et d’un magnétophone. Il se fait également placer un téléviseur qu’il regarde avidement, allongé sur son lit la plupart du temps. On l’a compris : la fin des tournées entraîne chez lui une phase de léthargie importante qui le fait vivre en total reclus, confiné en permanence à son domicile. Mais, au fait, qu’est-ce qu’il y fabrique le Lennon au juste, en terme de musique ? C’est justement la réponse qu’apporte ce bootleg en regroupant différentes pistes, ébauches de chansons qui figureront pour la plupart sur des enregistrements des quatre ou du seul Lennon. On se souvient des compilations officielles Anthology 1, 2 et 3 qui, même si elles ne proposaient pas de morceaux inédits comme elles le prétendaient, offraient en revanche un témoignage unique sur la façon dont travaillaient les Beatles en studio et les différentes tournures prises par leurs morceaux, nous montrant en fin de compte, ni plus ni moins, qu’un mode d’emploi pour composer des morceaux à la Beatles !

Avec Lost In Weybridge, cela va même plus loin : on découvre le morceau avant qu’il ne soit présenté au reste du groupe ! Évidemment, la plupart des morceaux sont constitués de la ligne mélodique, avec des paroles plus ou moins choisies (cf. He Said He Said). On y distingue la voix de Lennon - pas encore doublée - accompagnée d’une guitare acoustique ou d’un piano, voire un mellotron. Parfois, on découvre la genèse de morceaux comme Hey Bulldog, à travers des instrumentaux (She Can Talk To Me) dont la version défnitive ne diffère que légèrement de la première mouture, signe que John l’endormi dispose toujours d’un fort pouvoir de persuasion auprès de ses trois compères. À ce titre, des morceaux comme Julia n’ont pas varié d’une note entre leurs conceptions et la livraison finale.

Le Beatle à lunettes n’a, toutefois, pas composé que des merveilles. L’enregistrement comporte également son lot de morceaux oubliés (She’s Walking Past My Door, A Case Of The Blues, Stranger In My Arms...) et également les pénibles pistes destinées aux projets qu’il mena conjointement avec Yoko Ono, à partir de l’automne 1968, soit Two Virgins et consort. Yoko, justement, devient omniprésente sur la seconde moitié des pistes présentées par le bootleg, avec, au programme, une interview où elle rit bêtement à propos de Two Virgins, une autre où John présente au journaliste sa rencontre avec Yoko sous les rires bêtes de sa muse, un duo vocal à propos de la désillusion provoquée par la Mahareshi sur Lennon (tiens, elle était du voyage ?), un autre duo obscène dans lequel les amants se livrent à une énumération de choses cochonnes essentiellement basées en-dessous de la ceinture. Le comble du comble représente tout de même un extrait d’une répétition d’un morceau pour Two Virgins ! L’Américaine y apprend à chanter, à tenir une note deux secondes et à ne pas rire (bêtement...). Vous l’aurez compris, pas franchement indispensable.

Lost In Weybridge est accompagné de bonus (trois au total) qui n’ont, malheureusement, pas de liens directs avec le Beatle à lunettes parfois barbu. Jugez-en plutôt : un enregistrement daté de 1980, mettant en scène John et son fils Sean (cinq ans à l’époque), dans lequel l’aîné montre comment faire du « boucan » avec une guitare électrique, innondant la piste de larsens, pour le plus grand plaisir du gamin (A Nice Noise Aka Sean’s “Loud”). Le second bonus propose un morceau de Julian Lennon, premier enfant de son père et de Cynthia Powell, datant de 2000 et intitulé Don’t Let Me Down - sans rapport avec la face B du single des Scarabées Get Back - et interprété seul au piano. L’ultime bonus proposé est le résultat d’une parodie organisée par deux comiques britanniques et destinée à illustrer les déclarations qu’avaient faites Lennon en 1971 à propos de son ex-groupe, de ses ex-amis (en gros : « Les Beatles étaient des salauds, la musique que fait Paul est de la merde, Yoko est moi avons plus d’importance que Dieu, les Beatles et Elvis » - ce genre de choses...). Le résultat est saisissant et le comique qui interprète Lennon est plus que convaincant : en plus de son accent, on jurerait qu’il a participé avec l’artiste aux séances organisées par le Docteur Janov, tant il crie.

En résumé, Lost In Weybridge constitue un témoignage fascinant sur la genèse de certains grands morceaux de Lennon et des Beatles, des morceaux rendus populaires par leur présence sur les chefs-d’œuvre que sont Revolver ou The Beatles (le fameux White Album). C’est également un portrait du Lennon entre 1966 et 1968, casanier plus que de rigueur pour une pop star, volontiers paresseux et s’inspirant de ce qu’il entend à la télé pendant les publicités (Good Morning Good Morning - Kellogg’s cornflakes, Cry Baby Cry - résultat d’un spot mettant en scène un enfant à qui un jingle l’implorait d’inciter sa mère à acheter...) pour des résultats plutôt paisibles, doux voire utopiques (Across The Universe, Julia, She’s Not A Girl Who Misses Much). On observe également grâce à ce bootleg l’importance que va prendre Yoko dans les directions musicales de John, montrant, s’il fallait encore en douter, qu’elle n’est sûrement pas étrangère au regain d’activité qui secoua subitement son futur mari, précipitant, sans le vouloir, la fin des Fab Four. Certes, des passages auraient pu être tenus sous silence, comme les expérimentations sonores du couple ou les interviews rendues inintéressantes par des explosions de rires, mais, ils contribuent au final à la carrière de Lennon, ses hauts comme ses bas. De même, derrière son sous-titre « 1966-1968 », le disque se permet des largesses temporelles en incluant un poème de l’auteur de A Cellarful Of Noise récité en direct à la télé un soir de 1965, ainsi que les bonus sus-mentionnés. Peut mieux faire niveau mémoire...
Toutefois, ne crachons pas sur Lost In Weybridge, derrière ses 34 pistes, le bootleg vaut plus que les compiles Anthology en terme d’historicité et le soin apporté à la qualité sonore du produit en font un produit indispensable à plus d’un titre, même pour les non-initiés à l’univers de Lennon et des Beatles.



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Tracklisting :

Alone With His Thoughts Making Some Freaky Noise In Kenwood :

1. The General Erection (Poem) (0’32”)
2. He Said He Said (#1) (1’13”)
3. He Said He Said (#2) (0’46”)
4. She Said She Said (1’41”)
5. Good Morning Good Morning (1’03”)
6. Across The Universe (1’30”)
7. She’s Walking Past My Door / You Know My Name (2’46”)
8. She Can Talk To Me (#1), (#2) (3’16”)
9. Cry Baby Cry (#1) / Cry Baby Cry (#2) / Across The Universe (#2) / Cry Baby Cry (#3) / Across The Universe (#3) / Cry Baby Cry (#4) (3’29”)
10. Julia (#1) (3’20”)
11. Julia (#2) (2’52”)
12. Julia (#3) (2’51”)
13. On Two Virgins Album (Interview On Underground Radio) (0’35”)
14. Two Virgins Outtake (Rehearsal With Yoko !) (1’47”)
15. She’s Not A Girl Who Misses Much (0’40”)
16. On Weybridge Tapes And Inviting Yoko (Interview) (2’19”)
17. Look At Me (3’08”)
18. The Maharishi Song (With Yoko) (3’09”)
19. I Love You, My Love (Obscene Duet With Yoko) (5’46”)
20. Oh My Love (#1) / Oh My Love (#2) (2’48”)
21. A Case Of The Blues (2’51”)
22. Don’t Let Me Down (#1) (2’55”)
23. Don’t Let Me Down (#2) (2’08”)
24. Everyone Had A Hard Year (1’39”)
25. On Freaky Music At Home And Inviting Yoko 2 (Interview) (2’40”)
26-30. Mellotron Improvisation (#1 #5) (5’58”)
31. Stranger In My Arm (3’35”)
 
Bonus Tracks :
 
32. A Nice Noise Aka Sean’s “Loud” (By Sean With His Father) (1’50”)
33. Don’t Let Me Down (By Julian) (4’41”)
34. Magical Mystery Tour (Parody) (From The National Lampoon Radio Dinner) (4’06”)
 
Durée totale : 78’57”