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par Sylvain Golvet le 19 mai 2008
Quand on va voir pour la première fois sur scène un artiste qu’on a admiré des années durant, notamment pour sa propension à créer des univers à la fois fascinants et dérangeants, on ressent forcément une petite appréhension, réaliste ou non, quand bien même on aurait eu l’occasion de vérifier le caractère exceptionnel de ses concerts via des vidéos ou autres disques live. Nick Cave n’échappe pas à la règle ce soir-là, lui qui vient défendre son quatorzième album (souvenez-vous) à l’exécution plus pop-rock mais pas moins débridée.
La première partie insipide voire insupportable (et à vrai dire encore anonyme pour moi à l’heure actuelle. Quoi ? The Lurid Yellow Mist, me dit-on ? Ah bon…) permettra au moins de se placer correctement et d’apprécier aussi bien le spectacle sonore et visuel à venir. Puis c’est l’entracte, l’arrivée des retardataires, l’extinction des lumières, un ou deux pas de côté pour éviter la tête du mec devant, et les Bad Seeds montent sur scène, Nick Cave est là, en chair et en moustache : c’est parti !
Et ça commence fort, au sens premier du terme. Le son est puissant, la basse est profonde, avec deux batteries s’il vous plait, et ce Night of The Lotus Earters démarre de manière plus convaincante que sa version album et permet de rentrer dans cette ambiance mêlant tension et relâchement jouissif qui sera un peu le fil rouge du soir. Mais également la classe puisque suivront Dig, Lazarus, Dig !!! ou l’ultra cool Red Right Hand dont le son de cloche est toujours aussi marquant. Car oui, entre deux morceaux de ce dernier album interprétés avec une fougue admirable (Midnight Man, remuant), c’est quelques vieilleries qui sortent de-ci de-là, et de retentir l’orage de Tupelo, suivi plus tard par Deanna repris en cœur par le public, plutôt trentenaire ce soir. Des passages plus calmes aussi avec un Jesus Of The Moon poignant ou Nobody’s Baby Now, moments qui nous permettent de mieux apprécier la grande voix du Cave.
Bon, on aurait aimé que ce soit la grande classe de bout en bout, une maîtrise totale du spectacle par les Australiens, en vue de plonger le spectateur dans un ravissement collectif. Pourtant, l’esprit qui règne sur scène est plutôt dédié à l’approximation, au mépris d’une certaine prestance. Ainsi, on s’étonnera de voir le gars Cave se planter quasi-systématiquement lorsqu’il s’agit de jouer quelques notes sur son orgue. Et même s’il est difficile de ne pas se marrer quand il essaiera d’ôter sa veste entre deux couplets, mais avec le bras restant malheureusement bloqué dans la manche lui faisant magnifiquement planter le morceau, cela reste dommage pour la prestance.
Plus gênant et tout au long du concert, outre le son vaguement dégueulasse mais avec les voix pour une fois en avant, c’est l’exécution instrumentale qui laisse en fait à désirer. Certaines parties sont pas loin du bruit gratuit, tous n’étant pas systématiquement calé, tout comme le maître de cérémonie, qui a du mal à rester juste lors qu’il joue la puissance. Mick Harvey, le meilleur musicien du groupe, se fait quant à lui plutôt absent. Mais surtout on se demande encore l’utilité de Warren Ellis, qui outre l’avantage de faire sensation avec sa dégaine de chercheur d’or, passe son temps à triturer sa mini-guitare et à sortir deux vagues sons de son violon. Ce qui met en évidence le réel manque de ces Bad Seeds, celui d’un soliste digne de ce nom, surtout quand on évolue dans ce genre de terre blues.
Tous ces reproches sont probablement le revers la médaille d’une vivacité intacte après tant d’année. La fin du concert sera donc bouillante, avec un climax lors de Papa Won’t Leave You Henry, magistral et mettant la salle sur le cul. Le rappel ne sera pas en reste, la salle tremble probablement encore des coups de boutoir d’un Hard On For Love apocalyptique. Et Stagger Lee en deuxième rappel, rappellera justement quelle fabuleuse machine à histoires sont ces trublions des antipodes.
Allez sans rancune Nick, on t’aime quand même. La preuve, la salle applaudit à tout rompre et a du mal à partir. Comme quoi, t’as bien remporté l’affaire…
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