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Patchanka

Patchanka

Mano Negra

par Milner le 14 mai 2005

paru en 1988 (Boucherie Productions / Virgin Records)

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Incontestablement, jamais aucun groupe n’avait autant brassé de styles musicaux avant l’apparition de la Mano Negra. De surcroît en France, fille facile des horreurs synthé toc qui sévissaient depuis le milieu des années 80, sans que personne ne se sente assez fort pour inverser le cours de l’Histoire. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé (Bérurier Noir, The Dogs, Parabellum, Ludwig Von 88 voire Indochine) mais aucun d’entre eux ne paraissait suffisamment armé pour fédérer la jeunesse gauloise orpheline du premier grand groupe immensément populaire, Téléphone.

Face à ce dilemme, la Mano Negra - dont le noyau dur était constitué de Manuel Chao, Antonio Chao et Santiago Casariego - ambitionnait alors de monter sur pied un collectif qui laisserait place à toutes les influences culturelles et musicales, tant dans les textes que dans la musique. D’un point de vue musical, la Mano Negra est aussi anachronique que pouvait l’être les Stray Cats dix ans plus tôt. Séduit pourtant par l’ambitieux projet, le label indépendant Boucherie Productions signe le groupe début 88 et le trio aidés de plusieurs musiciens recrutés dans Paris sortent leur premier album, Patchanka.

Ce premier effort représente bien plus qu’un groupe essayant de devenir les nouveaux Clash. Ce n’est ni plus, ni moins que la musique d’un groupe devenant The Clash (toutes les directions musicales empruntées par le gang de Brixton dans le triple album Sandinista ! se retrouvent ici contenues en un seul album) mais continuant malgré tout à trouver leur propre voie (Indios De Barcelona, Lonesome Bop). La bonne humeur communicative du combo (fond sonore souvent digne d’une soirée dans un stade de football) et la présence de cuivres trouvent leur place sur le morceau d’ouverture Mano Negra et transcendent le titre Killin’Rats en une merveilleuse fusion de hip-hop et de rock tandis que le traditionnel skiffle Rock Island Line devient une sorte de laboratoire musical où différents courants musicaux sont expérimentés mais réduits à des échantillons tout au long des trois minutes que durent le morceau.

Tandis qu’en studio, l’époque croit en de nouvelles sonorités en abusant allègrement de gadgets sonores synthétiques pour singles de quatre minutes calibrés, la Mano Negra ne s’embarrasse pas de tant de zèle et cherche à recréer les doux et subtils sons des années 50 et de les rendre disponibles aux auditeurs d’aujourd’hui, si bien qu’on retrouve sur Patchanka des morceaux précis et concis (trois minutes maximum), rien de très complexe, si ce n’est le contenu des compositions qui ferait presque office de sur-qualité. Quant au flamenco-punk Salga La Luna, il prouve, s’il en est nécessaire, que Manu Chao reste encore la digne incarnation de Joe Strummer tant son filet vocal et son énergie déployée condense la virtuosité d’un groupe qui jouait comme si sa vie en dépendait. Le sommet de l’ensemble reste encore aujourd’hui son premier tube, Mala Vida, qui allait sévir dans un hexagone en manque de secousses festives.

Dès 1988, la Mano Negra se retrouve justement autour du monde sur les scènes de festivals ou de salles en Autriche, Espagne, Hollande, Danemark, Allemagne, mais aussi en Amérique du Sud, au Pérou et en Equateur. Face au succès soudain, le groupe signe alors un contrat avec la major Virgin Records, de façon à faire connaître leur musique à travers le monde, quitte à être montré du doigt par le milieu rock underground qui voit ce contrat comme un acte commercial avant tout. Mixture unique où rock, punk, funk, reggae, flamenco, folk, be bop, rap et chanson se côtoient, la démarche visionnaire est comparable à celle de leurs collègues rosbifs de The Specials mais avec un contenu littéraire flirtant plus avec Aux Armes Et Caetera de Gainsbourg que Graceland de Paul Simon.



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Tracklisting :
 
1- Mano Negra (1’44")
2- Ronde De Nuit (2’55")
3- Baby You’re Mine (2’55")
4- Indios De Barcelona (2’34")
5- Rock Island Line (3’03")
6- Noche De Accion (2’45")
7- Darling Darling (1’46")
8- Killin’ Rats (2’24")
9- Mala Vida (2’53")
10- Takin’ It Up (3’40")
11- La Ventura (2’28")
12- Lonesome Bop (2’57")
13- Bragg Jack (2’32")
14- Salga La Luna (3’34")
 
Durée totale : 38’47"