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par Emmanuel Chirache le 20 mars 2007
En temps ordinaire, entre les Plastiscines et un huitième de finale de Ligue des Champions, j’aurais choisi le foot. Seulement voilà, j’avais promis à Inside Rock d’y aller, alors j’ai raccroché les crampons et pris le RER sous une pluie torrentielle pour accomplir mon devoir de chroniqueur. Des Plastiscines, je connaissais moins la musique, hormis le fameux Shake, que l’histoire : banlieue ennuyeuse et bourgeoise, nouvelle scène parisienne, Rock & Folk, Naast en couv’, article de Ungemuth, "la révolution dans les caves", rebelote un mois plus tard avec les filles, interview de Manœuvre et tout le tralala. Tout ça, je savais. Du coup, j’étais franchement impatient de découvrir quelle réalité se cachait derrière ce barnum qui fleurait bon le microcosme parisiano-parisien.
Voilà comment je me suis retrouvé à la Boule Noire, dans le quartier de Pigalle, tandis que Juninho et ses copains prenaient la pâté. J’entre donc, et là un doute m’étreint à la vue de la population. Ce n’est pas le concert des Plasticines. Non, ce serait plutôt un concours local de franges ou le championnat du monde des Converses. À moins que ce ne soit une réunion de l’Amicale des porteurs de lunettes à verres rectangulaires. En fait, j’ai trouvé : c’est le festival international des têtes à claques, et la palme d’or va être coriace à attribuer. C’est bien simple, le jemelapètomètre grimpe jusqu’à 9 sur l’échelle d’Eudeline. Un gamin de 10 ans a la touche du chanteur des Franz Ferdinand, des fillettes de 15 ans arborent chemisier et foulard à têtes de mort, un type très hype parle bien fort du disque qu’il est en train d’enregistrer et de la nana qu’il vient de "pécho"... Pour oublier, je commande un godet de vin rouge et me l’enfile aussi sec. La Boule Noire commence à se remplir gentiment, j’imagine que les Stooges ont fini leur petite affaire chez Denisot. Et puisque Iggy et ses faire-valoir sont désormais l’alpha et l’oméga de la branchitude rock, chacun a sagement attendu la fin de leur passage pour se pointer, si c’est pas mignon.
Puis les Plastiscines arrivent. Or, non seulement ces filles ont oublié d’être moches, ce qu’on savait déjà, mais en plus... elles assurent. Oui, les Plastiscines assurent ! OK, il y a des fausses notes, et alors ? Les paroles sont parfois légères ? Vous vous foutez de moi, vous avez écouté celles de Yellow Submarine ou Tutti Frutti ? Tout ça, on s’en fout. La vérité, c’est que ces petites poupées savent jouer du rock’n’roll, et du bon. Tout de suite, Alchimie dépote et me laisse sur le cul. Bon sang, j’étais venu là pour me moquer, "haha, la révolution dans les caves, elle est bien bonne !", et je prends une claque. Pendant Shake, je constate à quel point la version live surpasse en intensité et en force la version studio. Au fil du set, les filles se concentrent et s’affirment encore davantage. Marine, la guitariste, plaque maintenant ses accords avec une sacrée assurance. Caroline, la nouvelle batteuse, tient le rythme de main de maîtresse, tout comme Louise à la basse. Avec ses doigts fins et sa silhouette longiligne, cette dernière possède d’ailleurs une allure singulière qui la démarque. Dans le genre, Katty n’est pas mal non plus. À l’aise au chant comme à la guitare, elle occupe l’espace de la scène avec un certain charisme, en tout cas sans timidité ni fadeur.
La Règle Du Jeu, (Zazie Fait De La) Bicyclette, Mister Driver, les morceaux s’enchaînent à une cadence infernale, toujours avec autant de plaisir. Le single Loser porte le coup de grâce. Il faut le reconnaître, les Plastiscines savent aussi écrire des chansons. Lost In Translation et Under Control confirment la chose de fort belle manière, dans un déluge de bruit et de fureur. Enfin, la reprise du These Boots Are Made For Walking de Nancy Sinatra achèvera de convaincre les plus sceptiques. Car là aussi, nous avons été bluffés. Pour être honnête, j’en souriais d’extase, vous savez, du genre : "wouah, c’est bien. Et c’est bien que ce soit bien." Ami lecteur, toi qui détestes sans doute les Plastiscines, il faut le voir pour le croire. Juger sur pièce. Je sais, c’est dur à entendre, mais les Plastiscines, c’est bien. Pire que tout, l’inédit All Alone s’avère un très bon morceau qui annonce de beaux lendemains pour le groupe.
Une fois le concert terminé et les lumières rallumées, j’aperçois une femme qui parle anglais à un père de famille en prenant des notes. Mon flair me dit qu’il y a de la journaliste dans l’air... Je l’interpelle alors et lui demande pour qui elle travaille. « Pour le Sunday Times », me répond-elle. En effet, les Grands-Bretons viennent de découvrir la compilation Paris Calling et ils semblent très intrigués par la scène parisienne. La journaliste veut connaître mes impressions. Je lui raconte que j’étais venu avec des préjugés, mais que j’ai été agréablement surpris par autant de fraîcheur et de peps. « En Angleterre aussi, explique-t-elle, nous avons des préjugés sur le rock français. Mais ce que j’ai vu ce soir est vraiment différent. Ces filles sont très jeunes et pleines d’énergie, c’est formidable. » Hé oui les mecs, même les Anglais s’y mettent. Si vous voulez l’humble conseil d’un ancien dubitatif, prenez un billet pour les Plastiscines et allez vous payer une bonne tranche de rock. Au fait, si au passage vous pouviez coller deux-trois mandales de ma part aux gravures de mode qui écument la salle, ce serait sympa.
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