Nouveautés
Radio Moscow

Radio Moscow

Radio Moscow

par Thibault le 18 novembre 2008

4

Paru en février 2007 (Alive Records)

Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte Imprimer l'article Envoyer l'article par mail

Les trois jeunes gens de Radio Moscow ont tout pour plaire. Ils portent des jeans déchirés de plombier (mais aucun ne s’appelle Joe, dommage, ça aurait été bon pour la promo), des t-shirts crasseux, des chemises de bûcheron [1], ont les cheveux longs et gras, connaissent leurs disques d’Hendrix, MC5 et Led Zeppelin sur le bout des doigts. Ils sont produits par Dan Auerback, chanteur et guitariste des très bons Black Keys. Leur premier et unique album [2] n’est même pas distribué en Europe, mais cela n’empêche pas le power trio de faire escale dans chaque pays du vieux continent, jouant partout où on l’accepte, le plus souvent gratuitement. Et si leur album est sorti il y a déjà plus d’un an et demi, on le dévore toujours avec la voracité d’un trader déchu qui aurait trouvé un ticket restaurant pour le Flunch de Wall Street.

Car si le CV du groupe est alléchant, la puissance et l’intelligence de ses compositions forcent le respect. Contrairement à beaucoup de groupes qui peinent à s’émanciper de leurs influences, Radio Moscow montre dès son premier effort le potentiel de grandes choses. Évidemment, on pense à Cream et Hendrix tout au long de cet album, mais chaque titre porte les germes d’un style qui ne demande qu’à s’épanouir. Il faut dire que le guitariste Parker Griggs est impressionnant. Le jeune homme a créé son premier groupe à seize ans et a enregistré seul la démo qui a attiré Dan Auerback. Radio Moscow peut être considéré comme son œuvre entière. En quatre ans sur les routes, accompagné par différents bassistes et batteurs se relayant (aujourd’hui la formation s’est stabilisée avec Zach Anderson et Cory Berry), le guitariste a eu le temps d’affiner ses compositions, de rechercher le son. L’enregistrement même de l’album montre cette maîtrise ; sans batteur fixe lors de son arrivée aux studios, Parker Griggs règle le problème en enregistrant lui-même toutes les parties de batterie. Après tout, pourquoi s’embarrasser avec de foutus détails ?

Ainsi, tous les morceaux sont d’une précision chirurgicale. Pas de place pour le bœuf, tout est écrit, découpé et soigné, et ceci dans un format qui évite le bavardage (seulement un titre au dessus de cinq minutes), tout en faisant la part belle aux intros, breaks, solos, ponts et autres réjouissances. Le tout avec concision et nervosité (Griggs est un fanatique des fameuses compiles Nuggets, d’où le son garage, mais puissant, de l’album). Pas de répit, après une introduction qui vous prend sans ménagement par le col, Frustating Sound décoche immédiatement deux riffs intrigants, le premier coulant et nonchalant, le deuxième nerveux, acéré. Deux couplets plus loin, le morceau s’envole et se termine dans un solo strident étourdissant. Une telle richesse dans un seul morceau montre l’étendue du talent de compositeur de Griggs (qui signe tous les titres) ; ici pas de drive mollasson sur deux notes et trois rythmes par une section rythmique autiste. Au contraire, basse et guitare se répondent par riffs entrecroisés et/ou subtilement décalés, donnant du mordant à chaque titre. A la batterie, Griggs cavale et se vautre dans des cassures de rythme et accélérations infernales (jetez vous sur le terrible instrumental Lickskillet, au final foudroyant, tout en transe et télépathie). Et quand il sort les guitares acoustiques, c’est pour un blues au bottleneck torride, un Deep Blue Sea magistral, tour de force lancinant et hypnotique. Et même si la musique du groupe est essentiellement instrumentale, Griggs se révèle être un chanteur et songwriter plus que respectable. Si ses textes présentent moins d’intérêt que ses parties de guitare, l’homme sait composer des chansons dignes de ce nom. Illustration avec le dément Timebomb ; les lyrics n’ont rien d’extraordinaire en elles-mêmes (Just Leave Me Alone / Can’t You Let Me Be / You Can Control Yourself /And You Don’t Control Me) mais chaque mot est dit avec rage et ferveur, le tout enveloppé dans une mélodie imparable et des riffs et breaks à dynamiter les pyramides de Gizeh.

Nous l’avons déjà dit, cet album montre surtout le potentiel de Radio Moscow. Ils savent jouer, connaissent leurs classiques et commencent juste à s’en émanciper. On perçoit dans le jeu de Griggs l’esquisse d’une signature et d’une patte musicale. C’est bien là l’apanage de ceux qui ont du talent, et comme le chante si bien Mick Jagger, le temps est de leur côté. Les trois de Radio Moscow peuvent faire d’excellentes choses s’ils continuent sur cette voie. D’autant plus qu’ils peuvent compter sur Dan Auerback et son label Alive Records pour les tirer vers le haut. On attend la suite de pied ferme, et on en profite pour diffuser la bonne parole.



[1Je lutte activement pour la réhabilitation de ce vêtement, soit dit en passant.

[2Mais un second est en préparation et devrait sortir dans deux mois.

Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n'apparaîtra qu'après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom



Tracklisting :
 
1. Introduction (1’19")
2. Frustrating Sound (3’55")
3. Luckydutch (4’40")
4. Lickskillet (4’55")
5. Mistreating Queen (4’32")
6. Whatever Happened (3’20")
7. Timebomb (3’17")
8. Deep Blue Sea (5’39")
9. Ordovician Fauna (2’01")
10. Fuse (3’13")
 
Durée totale : 36’00’’