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par Sylvain Golvet le 10 juin 2008
Seize ans après leur premier concert parisien à l’Elysée Montmartre, huit ans après leur dernier passage sur le sol français, RATM se reforme et revient à Bercy, sans raisons apparentes si ce n’est celle de surfer sur l’incroyable notoriété que le groupe a réussi à garder intacte au fil des ans. Pourtant à un prix certes assez peu socialiste, les places de ce soir sont parties en un quart d’heure à peine, et la fosse comme les gradins sont pris d’assaut par une horde de jeunes fans, finalement plus si jeunes que ça. Les t-shirts du Che sont de sortie, les tracts politiques un peu moins, puisque la plupart des personnes qui sont là ce soir, même s’ils partagent les mêmes idéaux politiques, sont surtout là pour se prendre dans la figure la machine à groover la plus puissante du monde.
Par contre, il est clair que peu de monde est venu spécialement pour Saul Williams, tant l’accueil du public parisien à son égard sera indifférent, voire limite hostile. Faut dire que le gars Williams arrive sur scène avec une belle crête à plume, accompagné par un clavier magicien, et un DJ déguisé en Dr Alban (rappelez-vous l’Eurodance, de sinistre mémoire…). Ce qui n’aide pas au respect. Mais c’est surtout l’option musicale adoptée par le rappeur qui déconcerte le public venu voir du rock. Williams jouera ce soir un répertoire plutôt axé électro-rap, pas inintéressant mais plombé par une balance exécrable transformant le tout en bouillie. Dommage, car cet artiste inventif mérite mieux. Imperturbable et avec une présence scénique assez impressionnante, Williams finira son set sur une reprise de Declare Independance de Björk sous les sifflets des bas du front de la salle. Puis on aura le droit à une heure d’attente, pas moins, avant d’entendre l’Internationale (sic) puis le célèbre « Hello, we’re Rage Against The Machine from Los Angeles, Califiornia ! ».
Ce que l’on est en droit d’attendre d’un concert de RATM sera admirablement retranscrit ce soir. Une puissance instantanée, de l’énergie très communicative (ça bouge beaucoup dans le public), des tubes et des slogans à reprendre en cœur. Et puis RATM, ce sera toujours mieux que la somme de ses composantes, entre un Audioslave un peu moisi et une arlésienne d’album solo de Zach toujours dans les cartons. Et dès ce Testify introductif, c’est la folie, ça saute, ça pousse et ça slamme malgré les hallucinantes interdictions placardées à l’entrée de la salle. L’énergie du groupe est intacte, Zach rappe et hurle comme toujours, la section rythmique assure et Tom Morello reproduit à merveille les attaques millimétrées qui l’ont rendu célèbre. Même si ce dernier n’est pas un technicien ultime, son style innovant fait toujours une grosse impression surtout quand il se permet d’en rajouter dans le style, comme quand il se met à jouer à une main, buvant un peu d’eau de l’autre, assurant impeccablement son riff. Un son réellement explosif, au sens premier du terme quand il fera tomber littéralement des bombes avec sa six-cordes lors de Calm Like A Bomb.
S’ensuit une playlist un peu balisée, pas follement originale et reprenant les succès de leurs trois premiers albums, de Bulls On Parade à Bombtrack ou autres Born Of A Broken Man. Gros frisson pour Know Your Enemy et son final dantesque tout comme Bullet In the Head. Puis une pause (relative) avec le dansant Renegades Of Funk d’Afrika Bambaataa, baisse de régime volontaire pour la montée en puissance de la deuxième moitié, enchaînant Guerilla Radio, Calm Like A Bomb, Sleep Now In The Fire et mettant tout le monde sur les rotules. Et puis, on aura beau relativiser, ridiculiser leur archaïsme politique, quand lors du break assassin de War Within A Breath, Tom Morello brandit sa guitare, monte sur ses retours, et se découpe en ombre chinoise sur l’énorme étoile rouge du fond de la scène, un frisson nous parcourt l’échine, porté par l’énorme cri rageur de Zach sonnant la fin du set, en attendant le rappel.
Un rappel explosif, mêlant Freedom et le mythique Killing In The Name, repris en cœur par 17 000 personnes, juste entaché par le bref forfait de l’enceinte de droite, mise à mal par autant de puissance. Un bref regard dans la foule nous offre le spectacle des trentenaires qui se sont donnés comme avant, maintenant tous soufflants et repliés sur eux-même. Beau et triste à la fois (et drôle aussi). C’est déjà fini.
En 1h20 à peine, les Rage ont donc offert une prestation controversée. Certains pourront appeler à l’arnaque (même setlist que la précédente tournée, pas un mot pour le public), d’autres la verront comme une récompense à leur rêve de voir le groupe-phare de leur adolescence jouer pour eux une nouvelle fois. On appréciera aussi l’absence de discours politique, forcément un peu démago devant une salle acquise à votre cause. Car au final, si la musique de RATM n’aura fait monter personne sur les barricades, n’aura jamais lancé de Grand Soir, leurs prestations explosives et leurs chansons puissantes et qui n’ont pas pris une ride, auront toujours le mérite de remuer musicalement la fibre de révolte de ses auditeurs, quand bien même cette révolte est circonscrite aux chambres d’étudiants ou aux salles de concerts. Une preuve que l’utopie peut être puissamment groovy.
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