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par Emmanuel Chirache le 17 novembre 2009
Paru en octobre 2009 (Discograph)
Cela fait bien longtemps que vous n’écoutez plus de hip hop... trop racoleur, trop gangsta, trop pareil. Et pour danser, vous mettez Rhianna. Bref, vous êtes tellement désespéré que, l’autre jour, vous vous êtes surpris en train de chercher votre Prose Combat de MC Solaar. Heureusement, la sortie du nouveau disque de Beat Assailant va vous sauver la vie au moment même où vous vous apprêtiez à pousser le bouton "Play" pour lancer la Concubine de l’hémoglobine. Beat Assailant, c’est une des meilleures choses qui soient arrivé à notre hip hop national depuis plusieurs années, d’ailleurs ce n’est même pas un Français qui rappe. Il s’agit d’Adam Turner, chanteur originaire d’Atlanta en Géorgie venu s’expatrier à Paris. En 2001, il rencontre le producteur Maxime Lebidois le bidouilleur, spécialiste de l’electro et du jazz, avec lequel il réalise un excellent disque construit à partir de trois bouts de ficelle et une poignée de samples. Intitulé The Hard Twelve, le résultat accouchera du formidable single I Like Cash, diffusé en boucle sur Nova. Pour la suite, Beat Assailant s’offre un vrai groupe et tourne le dos à l’electro. Imperial Pressure se veut résolument funky et rock, porté par la guitare et les cuivres.
C’est dans cette même optique seventies que s’inscrit ce nouvel opus, même si des touches d’electro et de jazz (cf. le libidineux Rhyme Space Interlude) subsistent toujours. Le concept, lui, a évolué vers une espèce de fantasme rétro-futuriste, ou comment s’approprier la science-fiction vue par ces années-là. On se souvient en effet des délires de Parliament et de son Mothership, vaisseau spatial inspiré par Star Trek, ou encore des innombrables films de SF qui sortaient à l’époque. Ne vous étonnez donc pas si d’étranges bruits (sirènes, tic tac ou sonnerie de réveil) parsèment ici ou là les chansons. Et pas de panique si le "bip-bip" d’une alarme vous fait chercher partout votre montre ou votre portable, c’est bien votre CD qui produit ce son inquiétant... Voilà pour l’idée directrice, qui nous mène du fantastique morceau-titre à l’excellent Spaceship en passant par le groovant Underground Railroad. Plus encore que sur Imperial Pressure, la guitare impulse le riff et le rythme durant tout l’album, soutenu à l’aide d’omniprésents cuivres, puissants et hyper funky. Des cuivres accompagnés par des chœurs qui rappellent instantanément un groupe mythique dont l’influence s’entend partout, notamment sur Get your Life on Track : les Earth Wind And Fire ! Il faudrait bien entendu citer tout ce que le funk et la soul des années soixante-dix comptent de grands noms pour achever le tableau, Kool And The Gang, Isaac Hayes, Stevie Wonder, Chic, etc. Tous ces artistes, Beat Assailant en offre une synthèse moderne et rafraîchie, auquel il ajoute un chant rap et une énergie rock. Il y a aussi de la musique de film sur Space Rhyme Continuum, par exemple avec l’excellent Spy et ses réminiscences du thème de James Bond composé par le génial John Barry.
On l’aura compris, ce disque groove comme jamais, balance des riffs diablement funky exécutés à la wah-wah, envoie du synthé clavinet à la Stevie Wonder, fait vibrer les cuivres et les cordes comme au bon vieux temps du funk’n’roll. En dépit de morceaux de très haute qualité tels que Spy, Fire, Get Your Life On Track ou Spaceship, il ne manque finalement à l’album qu’un single définitif pour s’imposer comme un incontournable du hip hop. Il s’en faut de peu que Role Model ne joue ce rôle (pour rester dans la veine de son titre), car le morceau approche la perfection grâce à ce mélange de guitares et de cordes ouvertement inspiré par le Kashmir de Led Zeppelin. En fait, le problème principal de Rhyme Space Continuum provient plutôt du flow d’Adam Turner. S’il brille par ses assaut répétés et son énergie, il pèche surtout par son uniformité tout au long des quinze pistes du disque. Un défaut heureusement tempéré par les nombreux chœurs ainsi que la présence des deux invités Uncle B. et Ope Smith qui participent aux chansons. Au final, l’auditeur restera sur sa faim mais aura bien apprécié le repas.
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