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Strawberry Jam

Strawberry Jam

Animal Collective

par Yuri-G le 27 novembre 2007

2,5

paru le 10 septembre 2007 (Domino/PIAS)

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Dure tâche : trouver un successeur à Feels, le merveilleux album de pop hypnotique et débridée que ce quatuor new yorkais avait commis en 2005. On trouva des présages amplement prometteurs, avec la parution quelques mois plus tôt de Person Pitch, opus solo du batteur du groupe, Panda Bear. Trip explorant les harmonies pop californienne, à travers des échos, des voix floues et irréelles, un goût pour la répétition droguée, on imaginait sans peine Brian Wilson présidant une rave africaine dans les profondeurs acoustiques d’une caverne. Très bien. Cela ne pouvait qu’annoncer un retour fort, en audace et en couleurs. Pourtant, à l’image de cette année 2007 riche en sorties brûlantes et autant de molles déconvenues, Strawberry Jam ne possède pas l’attraction irrésistible de son prédécesseur. Loin d’être le dépassement, voire l’apothéose assenés de-ci de-là, il se contente d’être un repère de petites folies plaisantes, mais sans conséquences.

Le démarrage Peacebone parait célébrer d’amusantes retrouvailles avec les cinglés. Barbouillis synthétiques et rythmes sur rebonds - garantis allégés en caisse claire - avancent avec bonheur. Un refrain de garnement aussi pétillant que précieux, semble vouloir nous émerveiller de ses mélodies en balançoire. Tout ça est assez émoustillant, quand on veut retrouver les extravagances pop du groupe à part égale avec leur faculté à jouer les illuminés, n’hésitant pas à pousser cris de Gremlins ou de corbeaux pour scribouiller leur violence primitive. Émoustillant, mais après plusieurs écoutes, jamais aussi estomaquant que les précédents Grass et The Purple Bottle. Car oui, folk psychotique, pop cannibale et envolées psychédéliques et baroques sont en retrait. Désormais ce sont des boucles de synthés qui partent en bouillie, on joue à la marelle sur les pédales d’effets, on triture, on bidouille sans prendre garde à la surcharge. Et laissant le disque se poursuivre, le problème se pose de cette production ronde et confiante, aplanissant les ossatures d’autrefois. Si tout est plus enrobé, les répétitions et boucles mélodiques au centre des chansons en paraissent bizarrement plus plates.

Cet album souffre beaucoup de l’ombre de son aîné. Alors sans trop en attendre, Strawberry Jam se révèle dans l’ensemble assez plaisant. Mais à la longue, l’enchantement est aussi susceptible de s’évaporer.

Comment expliquer vraiment cette déception ? Les mélodies sont réduites à des répétitions, des motifs insistants qui agacent sur la longueur. Feels jouait des mêmes structures mais plongeait dans une transe entêtante, fort de ses belles guitares aux reverbs liquides qui savaient prendre de la hauteur, mais ici elles sont négligées pour se concentrer sur des enluminures un peu kitsch ; échos, fouillis synthétiques, piaillements parasites et gentils claviers ringards, les détails fourmillent. Mais loin de donner du corps aux chansons, c’est la confusion et l’abrutissement qui pèsent. Ainsi l’accord usant de Unsolved Mysteries tombe un peu à plat, ou même Cuckoo Cuckoo, pianotages en boucle pour pas grand chose.

Le temps de deux titres, l’album pourrait bien nous faire croire à tout son potentiel : For Reverend Green égrène des notes enfantines, avec stridences cylindriques et compressées en aluminium rase mur. La violence est là, le chanteur s’égorge par saccades. La pureté aussi ; des petites guitares perlent comme de l’acide, portant de merveilleuses gammes pop. Ça devient épatant sans efforts. Fireworks dégage même l’émotion d’un rêve perdu. Mais passé ce stade, Strawberry Jam replonge dans ses trépignements systématiques. Même la folie d’Animal Collective semble s’être automatisée. Reste à espérer un nouveau coup de grâce.



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Tracklisting :
 
1. Peacebone (5’13")
2. Unsolved Mysteries (4’25")
3. Chores (4’30")
4. For Reverend Green (6’35")
5. Fireworks (6’51")
6. #1 (4’33")
7. Winter Wonder Land (2’45")
8. Cuckoo Cuckoo (5’42")
9. Derek (3’01")
 
Durée totale : 43’36"