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mercredi 15 avril 2015
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par Our Kid le 2 septembre 2008
paru en 1996 ; réédité en 2004 aux éditions Allia, 507 pages
Qui ne connaît pas The Doors de nos jours ? Qui n’a pas dansé sur les tubes des Beach Boys ? Qui n’a pas plané avec The Byrds ? Qui n’a pas cru devenir fou en écoutant Zappa ? Et que dire de Love ? Bref, ces groupes qui nous parlent toujours autant et qui incarnent une Amérique mythique, ensoleillée, libre et parfois contestataire sont en fait le pur produit d’une seule et même ville : Los Angeles. Jouissant d’une réputation plus que flatteuse, la mégapole a de tous temps traîné son lot d’artistes et de musiciens en quête du succès et d’une bonne part de rêve, surtout. Élevés aux productions hollywoodiennes, les artistes ont su trouver dans la cité des Anges un espace propice à l’expression de leur art. C’est ainsi qu’entre le début des années 1940 - l’émergence de l’activité cinématographique - et la fin du XXème siècle, la géante californienne peut désormais se targuer de disposer d’un incroyable patrimoine musical.
C’est cette accumulation pléthorique de talents qui fait l’objet de Waiting For The Sun - inspiré d’un album de The Doors - un ouvrage mis en place par Barney Hoskyns, journaliste musical britannique plus connu pour son travail avec les Américains de The Band (il a rédigé la première biographie du groupe) et qui travaille également pour MOJO. L’objectif est simple : il s’agit de dresser le panorama musical de la ville en mettant en scène ses différents acteurs (groupes, managers, public, le cinéma, les groupies, les compagnies musicales...), en étudiant les liens entre eux, les évènements marquants, les succès ou encore les échecs. On est loin des encyclopédies qui répertorient en un classement alphabétique les principales formations en dehors de tout contexte. Ici, à Los Angeles, il y a la volonté de devenir le pendant occidental de New York, de rester un paradis sur Terre mais aussi de ne pas se laisser faire de l’ombre par la remuante voisine du Nord, San Francisco. L’ouvrage se présente donc traversé d’un fil directeur, ce qui permet une lecture agréable, fluide avec un suivi : on a le sentiment de se trouver en face d’une biographie, celle de la Los Angeles musicale. Les anecdotes sont légions, évidemment, entretenues par les plus bavards de ses habitants (Kim Fowley, Arthur Lee, David Crosby...) et qui contribuent au mythe angelno. À l’instar du pays de l’Oncle Sam ou de la Californie, l’histoire de Los Angeles est bercée par les succès les plus foudroyants mais aussi par les échecs les plus cuisants. L’ascension des Doors est un récit de notoriété publique aujourd’hui, la formidable épopée des Beach Boys fait l’objet d’une véritable littérature mais on n’oublie pas non plus les stars déchues de la fin des années 1950, James Dean et les déjantés notoires qui ont participé à l’explosion musicale de la ville (le bon vieux Phil Spector et ses flingues en studio...), Brian Wilson, les Freaks en tous genres, les Hell’s Angels, les dangereux illuminés comme Charles Manson et sa « famille », pour ne citer que les plus célèbres. L.A. comporte son lot d’inconnus, de passagers d’un jour qui ont façonné son histoire, au point de faire de la ville un véritable creuset musical. Le cool jazz, la surf music, le folk-rock, le rap « West Coast » ne sont pas nés et ne pouvaient pas naître ailleurs qu’en Californie du Sud.
Terre de contrastes, Los Angeles est aussi une suiveuse mais qui ne se contente pas de recycler. À ce titre, il est flagrant de noter comment la simple vision du film A Hard Day’s Night des Beatles a contribué à mettre sur place en un temps record une scène pop et à attirer une industrie avide de succès dans le milieu des années 1960. On découvre qu’à cette époque tout ce qui est ou sonne anglais est accueilli à bras ouverts, voire plus puisque c’est également avec l’arrivée de musiciens de la « British Invasion » que naissent les premières groupies. Terre d’excès, Los Angeles la luxueuse est le Paradis, tout y est permis : ce ne sont pas Jim Morrisson, Dennis Wilson, Eric Burdon ou Gregg Jakobson qui diront le contraire. Le temps des tragédies n’a pas épargné la cité des Anges : la tuerie d’Altamont lors d’un concert des Rolling Stones, les ravages de l’héroïne durant les années 1970, sans oublier la barbarie de Manson le fou...
Bien que basé principalement sur les années 1960 (environ la moitié de l’ouvrage), Waiting For The Sun s’attache également à présenter les périodes de déclin artistique de la ville (à partir de 1975 jusque vers le milieu des années 1980), même si le récit ne dispose pas de la même intensité que durant la décennie dorée. L’avantage de cet ouvrage réside également dans le fait qu’il se présente avec des illustrations, permettant de se faire une idée plus précise d’un groupe, d’un club, d’une séance en studio avec Jack Nitzsche, un plus inestimable.
Finalement, et c’est Hoskyns lui-même qui en parle le mieux : "Mon intention profonde avec Waiting For The Sun, c’est une étude de l’interaction typiquement californienne entre la lumière et l’obscurité, ou entre le bien et le mal". Vous voilà prévenus.
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