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Zen Arcade

Zen Arcade

Hüsker Dü

par Parano le 22 avril 2008

4

Paru en juillet 1984 (SST)

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En 1984, un double album atterri sur le bureau de David Fricke, journaliste chez Rolling Stone. Le nom du groupe : Hüsker Dü ( ???). Le label : SST (Black Flag, Dead Kennedy’s). Un double album chez les punks ? On n’a pas vu ça depuis les Clash. Mais les Clash étaient un groupe rock. Ici, on a affaire à une bande de cinglés hardcore. Des mecs qui jouent 20 morceaux en 30 minutes, sur un tempo d’enfer, en hurlant leur haine de l’American way of life. David Fricke met le premier disque sur sa platine, puis le second. Un choc. Il respire à fond, glisse une feuille sur le rouleau de sa machine à écrire, et tape la phrase suivante : « Cet album est un opéra hardcore. Une sorte de Quadrophenia trash. » David Fricke a tapé dans le mille. C’est le meilleur qualificatif que l’on puisse attribuer à Zen Arcade. Le rock a eu les Who. Le hardcore aura Hüsker Dü.

Fondé en 1979 par Bob Mould (guitare, chant), Grant Hart (Batterie, chant) et Greg Norton (basse), Hüsker Dü se fait vite un nom dans le circuit alternatif américain. On n’a rarement vu un groupe aussi féroce, aussi véloce. Et puis quel nom étrange ! « Husker du », c’est l’équivalent norvégien de « do you remember ». Mould y a ajouté des « umlauts » heavy metal. Il a trouvé ça plus intéressant que « Social Red Youth Dinasty Brigade Distorsion ». Plus mystérieux aussi. Hüsker Dü est remarqué par Black Flag. Mould, Hart et Norton signent chez SST, et sortent deux albums de punk hardcore furieux : Land Speed Record (un live) en 1981, et Everything Falls Apart, en 1983. Mais le groupe commence à se lasser des limites du genre. Il a d’autres ambitions. Il revendique un no-look, en complet décalage avec la scène punk. Peu à peu, sa musique s’imprègne d’expérimentations sonores, de riffs rock, et, pire que tout, de mélodies particulièrement inspirées. Hüsker Dü reprend les Byrds, sur scène. En 1984, le groupe franchi le pas, et sort Zen Arcade, un concept album de 23 titres.

La légende veut que cet album ait été composé dans une ancienne église reconvertie en squat, à St Paul, Minnesota. Mould et Hart se partagent les compositions, chacun essayant de faire mieux que l’autre. Le conflit créatif crée une tension salutaire pour la musique, mais dévastatrice pour le groupe. Voilà pour l’ambiance. Chaque chanson fait référence à l’histoire d’un ado fugueur, qui découvre que le monde extérieur est pire que tout ce qu’il a fuit. Mais l’intérêt de Zen Arcade ne réside pas dans cette vague trame narrative. Zen Arcade est avant tout l’album qui relie deux univers jusqu’alors incompatibles : celui de l’esthétique hardcore, et celui du format rock. Sans Hüsker Dü, pas de Dinosaur Jr, pas de Nirvana, pas de Pixies. Frank Black a d’ailleurs recruté Kim Deal avec une annonce faisant explicitement référence à Hüsker Dü. En 40 heures, Bob Mould, Grant Hart et Greg Norton couchent 23 titres sur bande. L’enregistrement coûte 3200 dollars à SST. Il en rapportera beaucoup plus, en dépit de graves problèmes de distribution. Le label s’avérera en effet incapable de fournir la demande.

Zen Arcade est un album difficile. Ça cogne, ça éructe, et ça secoue sacrément. Et puis le son a mal vieilli. Batterie sans relief, guitares compressées, le tout enregistré à l’arrache. Pourtant, c’est un album d’une richesse rare. Des tubes ? Pas vraiment. Seulement 70 minutes de pure magie, un kaléidoscope sonore, porté par les déflagrations punk hardcore, le psychédélisme rock, et le lyrisme folk. Les mélodies habiles se glissent dans chaque interstice de l’édifice. La formule a, depuis, été pillée par Dave Grohl et ses Foo Fighters. Mais les Foo Fighters sont à Hüsker Dü ce que Lenny Kravitz est à Jimi Hendrix. Bien sûr, les 23 titres de Zen Arcade ne sont pas tous indispensables. Mais ils sont tous riches et cohérents, animés d’une même fougue libératrice. On retiendra principalement les hymnes proto-grunges (Something I Learned Today, I’ll Never Forget You), les brûlots hardcore (Indecision Time, Broken Home Broken Heart), la splendide incursion folk de Grant Hart (Never Talking To You Again), ainsi que quelques titres fondateurs de la power pop (Pink Turns To Blue, Newest industry, Chartered Trips). Côté bizarreries, Zen Arcade contient son lot d’incartades psychédéliques (Hare Krsna, The Tooth Fairy And The Princess), voir bruitistes (les 14 minutes de Reoccuring Dreams). Bob Mould s’autorise même deux interludes au… piano ! (One Step At A Time, Monday Will Never Be The Same).

Avec cet album iconoclaste, ambitieux, et parfaitement maîtrisé, Hûsker Dü était armé pour conquérir le monde. Après un nouvel album, plus classique (New Day Rising, sorti en 1985), le groupe a signé chez Warner. Malheureusement, l’inspiration s’est peu à peu tarie, et une nouvelle génération a pris les choses en main. Le groupe a splitté en 1987, après avoir écrit trois nouveaux albums (Flip Your Wings en 1985, Candy Apple Grey, en 1986, et Wharehouse : Songs & Stories, en 1987). Hüsker Dü demeure un groupe culte, et Zen Arcade, un monument du rock US.



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Tracklisting :
 
1. Something I Learned Today (1:58)
2. Broken Home, Broken Heart (2:01)
3. Never Talking to You Again (1:39)
4. Chartered Trips (3:33)
5. Dreams Reoccurring (1:40)
6. Indecision Time (2:07)
7. Hare Krsna (3:33)
8. Beyond the Threshold (1:35)
9. Pride (1:45)
10. I’ll Never Forget You (2:06)
11. The Biggest Lie (1:58)
12. What’s Going On (4:23)
13. Masochism World (2:43)
14. Standing by the Sea (3:12)
15. Somewhere (2:30)
16. One Step at a Time (0:45)
17. Pink Turns to Blue (2:39)
18. Newest Industry (3:02)
19. Monday Will Never Be the Same (1:10)
20. Whatever (3:50)
21. The Tooth Fairy and the Princess (2:43)
22. Turn on the News (4:21)
23. Reoccurring Dreams (13:47)
 
Durée totale : 70:23