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mercredi 15 avril 2015
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par Sylvain Golvet le 2 mai 2014
À deux heures de train de Paris, difficile de résister à la tentation de se prendre trois jours de stoner, de doom ou de sludge dans nos faces, délivrés par une sélection de groupes de qualité.
Trois jours avec trois têtes d’affiches bien différentes sur le papier : un vendredi placé sous le signe des légendes US de Spirit Caravan, un samedi accueillant les fous norvégiens de Kvelertak et un dimanche au main des expérimentaux japonais Boris. Trois approches un peu trompeuses dans les faits puisque la domination américaine sur le stoner et ses dérivés est bien ancrée : ASG, Sasquatch, Ed Mundell’s UEMG, Weedeater, Radio Moscow, Elder… Il y aura certes des exceptions mais même un groupe japonais comme Church of Misery sonne on ne peut plus américain.
VENDREDI
On commence doucement mais sûrement avec Monkey3. Les suisses nous ont sorti l’un des meilleurs albums de 2013 et apportent en ce début de festival une bonne touche de psychédélisme plutôt rare sur le reste du week-end. Doté d’un nouveau bassiste plus énergique mais moins iconique (il manque le chapeau), le quatuor déroule impeccablement son hymne Icarus qui démontre l’aisance du groupe dans les passages puissants, les moments calmes comme les parties plus trippantes. Ce qui n’est pas gâché par un son qui parait meilleur que l’année dernière dans la grande salle de l’Electric Ballroom.
Faisons un petit tour à l’Underground, la salle « moyenne » du festival pour découvrir Borracho. Le stoner qu’ils exécutent est assez basique, suffisamment entraînant pour remuer la tête mais pas suffisamment mémorable pour que le souvenir de leur set passe le week-end.
Basique aussi, le stoner de Sasquatch a cependant les honneurs de l’Electric Ballroom. Il faut dire que le groupe est ultra efficace, avec un bon gros son à l’américaine. C’est groovy comme il faut tout en restant dans la piste balisé de la composition de quatre minutes max. Un peu comme du Fu Manchu (en moins génial quand même).
Avec le même batteur, on commence à progresser vers des zones moins balisées. À la guitare, Ed Mundell (ex-Monster Magnet, ex-Atomic Bitchwax) et son Ultra Electric Mega Galactic de groupe s’y connaissent en psychédélisme et en conquête spatiale auditive. Riffs et jams sont entièrement placés sous la bannière du trip et ça tricote sec à la 6-cordes mais aussi à la basse. On ne passe pas loin de l’overdose de notes parfois mais quand on aime… Et puis le trio sait se faire plus fin quand il le veut. Merci pour le voyage.
Malheureusement nous ne profiteront pas du set de The Machine, déplacé à minuit, trop tard pour nous et nos correspondances de train. Tant pis, c’est le moment de se venger sur un peu de heavy et ça tombe bien, Horisont en a fait son affaire. On se faufile non sans mal dans la petite salle blindée du Black Heart pour headbanguer dans la bonne humeur que le groupe produit parfaitement. Plaisir d’offrir, joie de recevoir.
Gros morceau du jour : Spirit Caravan. La nouvelle reformation de l’un des nombreux projets de tonton Scott « Wino » Weinrich est forcément attendue et c’est toujours un plaisir de revoir ce dernier sur une scène, en attendant le retour de St Vitus. Le trio est en rang sur scène, la batterie d’Henry Vasquez (actuellement chez St Vitus également) au centre et les deux compères historiques de chaque côté et c’est parti pour un très bon set, non sans embûches. On commence doucement avec vingt minutes de stoner/doom emmené par le beau timbre un peu abimé de Wino, plus groovy que l’ordinaire du genre grâce à Vasquez et sa bonne et grosse frappe. Un peu trop grosse d’ailleurs puisqu’il en trouera la peau de sa caisse claire. Moment de flottement quand le batteur part en coulisse, laissant ses compagnons un peu dépourvus sur la scène. Les deux se lancent alors dans un petit jam en duo, avant de se fumer un petit spliff quémandé au public. Le batteur en profite pour jeter la peau sacrifiée dans le public, qui se demande si c’est terminé ou non. Ca serait mal connaître le groupe, bien en forme et pressé d’en découdre après remplacement de l’instrument. La nouvelle caisse claire installée, c’est reparti donc de plus belle pour une suite de set plus enjouée encore. Entre deux poussées stoner/punk, le groupe se permet aussi de calmer un peu le jeu et de se lancer dans les beaux entrelacs de Dead Love/Jug Fulla Sun. Le rappel de grande classe nous convaincra de ne pas rater les prochaines prestations du groupe à Paris et au Hellfest.
SAMEDI
On commence la journée dans l’espace réduit du magasin Vans de Camden où sont organisés des sets gratuits plus ou moins acoustiques, où l’on retrouve les très sympathique The Earls of Mars, appréciés lors du Doomed Gatherings parisien. Pas acoustique pour un sou, leur set nous confirme le bien qu’on pense de leur mélange de metal, de cabaret et de folk électrifié. L’évidence nous frappe alors, écouter The Earls of Mars c’est comme si John Hurt nous chanterais du Tom Waits avec System of a Down en backing band.
Atmosphère plus musclée à l’Electric Ballroom et pourtant il n’est que 15h mais cela n’empêchera pas Anciients de nous balancer en pleine face du sludge aussi technique que gras. C’est un peu fouilli par moment, comme leur grand frère de Mastodon sur scène, mais c’est bien puissant et plutôt audacieux par moment.
Audacieux, ASG peut l’être aussi sur disque, amenant au stoner une touche de pop et de punk très bien dosée, réalisant l’alliance parfaite de l’audace et de l’efficace (là où un Sasquatch est beaucoup plus conventionnel). On aurait aimer retrouver un peu de cette audace sur scène mais le groupe a décidé d’y aller en force pendant tout le set. Pas de place pour quelques incursions acoustiques ou pour un peu de relief, les morceau s’enchaînent sans répit. Tant pis, profitons tout de même de la force et du métier du quatuor qui ne démérite pas, loin de là. On est juste toujours plus exigeant avec nos chouchous.
Le stoner psyché allemand, c’est la garanti d’un contenu solide, parfaitement exécuté sans s’interdire une certaine finesse pour amener une belle dynamique. À l’instar de My Sleeping Karma ou de Colour Haze, Samsara Blues Experiment ne déroge pas à la règle et nous balance ses longs morceaux épiques comme s’il les improvisait au fur et à mesure. Tout est évidemment très écrit et l’exécution ne souffre d’aucun défaut, agrémenté par la voix puissante du chanteur. Le voyage dans la tête du jour.
Le petit message laissé par les loustics de Weedeater sur la table de merch ne laisse pas de place au doute : « We REALLY need drugs ! » Les stoneheads en chef sont là pour faire la fête et c’est exactement ce qu’ils vont nous donner. Musicalement on est sur du post-Sleep plutôt bien exécuté, avec une fougue et une lourdeur non négligeables. Et visuellement c’est encore mieux : Dave Collins harangue régulièrement la foule, effectue quelques pas de danse et sort les yeux des orbites. Côté guitariste c’est plus calme. Côté batteur par contre c’est la fête. Placé au centre de la scène, c’est le Weedeater Drum Circus Show. Travis Owen passe son temps à faire mouliner ses baguettes, se bat avec un charley rebelle et finit par le jeter derrière lui (avant que les techniciens ne lui fixe au sol). Il faut dire que jouer du charley avec le pied n’est pas très recommandé. Puis pendant cinq minutes son défi sera de faire rebondir une baguette lancée sur le sol pour la rattraper ensuite. Tout en assurant une rythmique bien lourde et puissante. Bref, une heure quinze de bonne humeur bien communicative et qui fera pogoter plein de monde dans la joie et l’allégresse. Well done.
Pour cause d’impératif personnel, on ne verra qu’une petite demi-heure du set de Kvelertak. C’est assez pour se rendre compte que la réputation de bêtes de scène des Norvégiens n’est pas usurpée. Ca se démène bien sur scène et le chanteur fait évidemment le spectacle, entre masque de chouette et visite SUR le public. Malgré la présence de trois guitares le son reste net et clair et on a vraiment l’impression d’avoir affaire à un groupe de hardcore qui se serait mis au heavy metal. Le public est évidemment déchaîné et peut se mettre à hurler sur les refrains tout à fait composés pour. C’est déjà l’heure de partir, la séance de rattrapage sera pour le Hellfest.
DIMANCHE
Un dimanche consacré au blues et ses dérivés heavy (hors Boris, un peu à part). Quand les italiens de Black Rainbows marie son blues de psychédélisme et le fait durer lors de jams assez épiques il est dans son élément, sans lésiner sur l’énergie grâce à une reprise très convaincante et rallongée du Black to Comm de MC5. Et surtout, SURTOUT, Black Rainbows fera retentir les premières sonorités de cowbell du week-end ! Ouf, on a failli attendre.
Lonely Kamel oeuvre plutôt dans le rock n’ roll high energy. Eux aussi sont convaincant grâce notamment à un son bien massif et des musiciens à l’exécution parfaite. Classique et carré.
Radio Moscow est aussi un groupe « classique », on ne peut plus hendrixien dans son concept, à savoir délivrer des morceaux de pop électrifiés agrémentés de saillies de guitares fuzz aussi nonchalantes que virtuoses. C’est toujours un peu le même morceau (la composition n’est pas toujours leur point fort), la présence scénique est un peu légère, mais le son compense assez.
Petit détour par le Black Heart où l’on découvre les petits jeunes de Bright Curse. Je dis jeune parce que ça se sent un peu, notamment dans le jeu qui souffrira de quelques approximations (le batteur rate quelques transitions, le bassiste oublie certains plans,…) aussi dues au trac. À côté de ça le trio n’est pas dénué d’ambition et nous offre quelques compositions qui ont l’audace de surprendre l’auditeur, tout en mixant des influences piochées chez Graveyard ou Truckfighters. C’est la sympathie qui l’emporte au final et on essaiera de suivre leur carrière.
C’est à l’étage de l’Electric Ballroom qu’on s’installe pour suivre Elder (ô veillesse ennemie). Peut-être pas la meilleure des idées puisque le son du set sera un peu limite, la faute à un mixage de basse particulier qui oublie de laisser de la place aux sons médiums de l’instrument. Etant donné l’importance de celui-ci chez le trio, c’est un peu dommage (même s’il parait que dans la fosse c’était très correct). Cela va cependant s’améliorer au fil du set qui nous convaincra à l’arraché grâce au fabuleux Dead Roots Stirring, toujours aussi épique.
C’est parti pour le groove from Japan ! Church of Misery déboule tout fuzz et rock n’ roll en avant. Pose à la Robert Plant, léchage de Flying V, basse porté au mollet, pas de doute les japonais sont les rois de la pose. Heureusement que ça envoie bien derrière. La formule est certes répétitive, elle marche par son énergie. Aucun répit dans le boogie, si bien qu’on se prend à mimer des soli homériques tout le long du set par mimétisme. C’est souvent bon signe.
Boris fait un peu figure d’ovni de la programmation, surtout en position de tête d’affiche. Le groupe inclassable oeuvre dans des genres aussi variés que le sludge, l’ambiant, l’électro-pop et j’en passe. Evidemment ce soir le set est plutôt axé dans la lourdeur. Cela commence donc sur un morceau sludge doom plutôt minimaliste mais assez convaincant. Le trio, perdu dans la fumée envahissant la scène se fait discret, sauf le batteur au look de méchant de X-Or, hurlant des « whooo » plutôt impromptus et heurtant son gong entre les morceaux. On quitte la salle en court de set, lors d’un morceau d’ambiant pop pas inintéressant mais pas assez captivant pour nous retenir.
On termine le week-end avec une dernière couche de gras étalée sur nos tympans par Kongh à l’Underworld (trop peu fréquenté au court des trois jours). C’est sludgy, lourd et ça ne lésine pas sur les basses. Le son est un peu brouillon mais la démarche est plutôt dans le ressenti hypnotique. Instant parfait pendant le changement de tête d’ampli du bassiste, le duo guitare/batterie revisite le Dragonaut de Sleep pour le bonheur des derniers festivaliers survivants.
Dans l’ensemble cette édition sera placée sous le signe de la valeur sûr et de la lourdeur. Moins de surprises que lors de l’édition précédente peut-être. Nous sommes probablement fautifs puisque l’on n’est loin d’avoir vu tous les groupes se produisant ce week-end, que l’on a consacré principalement à la salle principale de l’Electric Ballroom. Mais il nous aura manqué peut-être l’humour des allemands de Dÿse ou le psyché de Naam pour ne citer que deux exemples originaux de l’édition 2013. Dans l’ensemble la programmation était dominée par les américains. Rien de plus naturel quand on considère les origines du desert rock mais il est surprenant de ne pas y avoir trouvé plus de formations scandinaves, françaises ou anglaises au vu de la vitalité actuelle de ces scènes. Une histoire de calendrier probablement.
Quoiqu’il en soit, avec Sleep en tête d’affiche de l’édition 2015, ça ne changera peut-être pas mais on ne crachera pas sur un nouveau voyage à Londres. See you there.
(Merci au festival pour l’accréditation)
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