Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Oh ! Deborah le 9 septembre 2008
Single paru le 10 novembre 1980 (Polydor).
Steve Strange a eu la malheureuse idée de parfaire son visage d’un maquillage grossièrement conceptuel, dont personne n’ose se souvenir. L’attirail s’accompagne d’un esthétisme cabaret néo-romantique peaufiné entre deux clubs londoniens, écumés par cet ancien punk reconverti en pierrot vraiment triste. Le genre qui s’accroche à un idéal « tendance » mais qui décidément, en Bowie d’un niveau moindre, ne demeure qu’un envieux des strass et des paillettes. Portier et membre assidu du Blitz, boîte branchée de Londres, Steve Strange est admiratif de Kraftwerk, du style et de l’architecture allemande. Il y va de son look dépareillé, avec vestes militaires, t-shirts multicolores et toques russes ou casquettes de marins. Il accueille chaque soir, les « Blitz kids », une faune extravagante composée de goths, de punk gays ou encore de clowns aux déguisements criards et asymétriques.
Des gros plans sur des figures qui en deviennent déformées. Elles jaillissent des clips has been au possible, et rient aux éclats dans les couloirs de cabarets berlinois. Des torses imberbes, des coiffures extrêmement 80’s. Un cauchemar ridicule me direz-vous. Ou un univers aussi navrant qu’il est touchant, poussé vers un extrême peu intelligible aujourd’hui, où se profile une émotion insolite, belle comme sinistre. J’opte pour cette dernière appréciation. De ce marasme glam-chic artificiel, il y aura un seul single interplanétaire, Fade To Grey, synth-pop désuète et nuageuse (avec des textes en français tout à fait beaux) quasi inégalée dans le genre. Sûrement parce qu’à l’époque il existait encore des gens qui songeaient à mettre une espèce d’âme et une vraie mélancolie dans un hit mainstream.
Même si ma préférence va vers les mélodies magiques du single The Damned Don’t Cry, c’est Fade To Grey qui présente le plus d’intérêt ici. Il est le grand moment de gloire éphémère et le petit chef d’œuvre d’un groupe mort-né. Tout être humain non sourd ou faisant preuve de curiosité pour les trucs tragi-comiques a déjà entendu quelque part Fade To Grey (même samplé), sans parfois trop savoir qui l’a écrit/interprété. Ce single est composé par Christopher Payne (du groupe de Gary Neuman) et Billie Currie (Ultravox) avec des paroles écrites par Midge Ure (The Rich Kids, groupe de Glen Matlock, et Ultravox). Les autres membres fondateurs de Visage ne sont autres que Rusty Egan (The Rich Kids) et trois ex-membres de Magazine (John McGeoch, Dave Formula et Bary Adamson). Pour accompagné le tube qui est chanté (en playback bien sûr) sur une multitude de plateaux-télé, des chorégraphies maladroites sont exercées par deux jeunes femmes (dont celle qui chante en français) et Steve Strange lui même. Chapeaux larges et costumes disgracieux mais avant-gardistes sont souvent de mise et inspireront nombre de couturiers. Serait-ce donc de la faute à Visage si nos aîné(e)s ont troqué leur look moche de hippie pour un look moche composé de jupes larges et d’épaulettes informes ? Certainement.
La chanteuse présente pour ce single s’appelle Brigit Arendt et vient du Luxembourg. Une inconnue dont le visage fait penser à celui d’Uma Thurman doublé d’un air froid à la Nico. Son chant parlé, impassible, évoque une certaine absence, en même temps qu’une assurance, qui se marient parfaitement aux sirènes étranges et abstraites de Fade To Grey.
Un homme dans une gare isoléeUne valise à ses côtésDeux yeux fixes et froidsMontrent de la peur lorsqu’il se tourne pour se cacherSens la pluie comme un été anglaisEntends les notes d’une chanson lointaineSortant de derrière un posterEspérant que la vie ne fût si longue. (textes repris ensuite en anglais)
Le titre intraduisible Fade to Grey “s’estomper en gris”, “se décolorer”, “disparaître” etc. est traduit ici par “devenir gris”. A la fois dance et planant, rétro et précurseur, Fade To Grey fait naïvement rêver. Ses textes, ses mélodies, sa texture vaporeuse, ouvrent en toute modestie des esquisses de poésie. Il est un des meilleurs singles (et pour ainsi dire, un des plus sérieux) parmi les tubes commerciaux de l’époque. Il apparaît au moment de l’éclosion synth-pop, dérivé new-wave à la mode (Human League, Soft Cell,...), et donne naissance au mouvement nouveaux-romantiques, au Blitz même, avec des groupes comme Spandau Ballet ou Ultravox.
Fade To Grey est directement numéro 1 en Allemagne et en Suisse, numéro 6 en Australie, 8 en Grande Bretagne et bien classé un peu partout. Depuis il a été repris et remixé des centaines de fois, notamment et forcément par le groupe Nouvelle Vague. Lorsqu’on écoute l’original aujourd’hui, et même si on était pas né à l’époque, la nostalgie est grande, Fade To Grey ayant pour toujours en lui un charme millésimé, fragile mais intacte, et une musicalité enveloppant une sorte de substance précieuse et romantique.
Vos commentaires
# Le 21 octobre 2011 à 22:01, par Stéphane En réponse à : Fade To Grey
# Le 23 octobre 2011 à 12:53, par Deborah En réponse à : Fade To Grey
# Le 10 juin 2012 à 00:24, par mag En réponse à : Fade To Grey
# Le 10 juin 2012 à 13:42, par Deborah En réponse à : Fade To Grey
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |