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par Oh ! Deborah le 9 octobre 2007
paru en 1986 (Cherry Red)
"J’étais à l’école et j’ai pris conscience que j’étais différent de mes copains. Je n’aimais pas les choses normales, la façon normale de vivre, les responsabilités. Ca a coincidé avec la new-wave et ma vie a changé. Je suis devenu reclus, je me suis renfermé sur moi-même car je n’aimais pas sortir. Je voulais juste être dans un groupe. A part la musique, il n’y avait rien, rien, juste l’ennui." [1]. Il est un de ces personnages socialement inadaptés de l’histoire du rock. Mais bien sûr, il est unique. Et sa musique n’est rien d’autre que les rêves de son enfance confrontés à ses démons d’adulte. Des chansons de pop ensoleillée, mais pas trop.
Les débuts de Felt sont marqués par des morceaux plutôt sombres et instrumentaux. Lawrence est solitaire, et refuse de boire. Il n’a pas eu la vie facile, et même au sein du milieu musical, il n’a pas trouvé d’équivalent humain de lui même. Parce que plus désabusé, plus austère, plus désillusionné que lui, ça n’existe pas. Alors il écrira de la pop presque traditionnelle aux airs enjoués parce que "c’est trop facile d’être heureux dans une chanson". Et Lawrence en a besoin. Notamment sur Forever Breathes The Lonely word, sixième album dont on dit parfois qu’il est le meilleur. Malgré le départ de leur excellent guitariste, Maurice Deebank, l’album concentre tout ce qu’il faut pour défier le genre : des mélodies limpides et resplendissantes, une production légère, des choeurs et des refrains qui vont de soi, et une voix accrocheuse, rappelant ici celle de Lou Reed.
Avec un chant flâneur, confiant et lucide, d’une justesse irréprochable, et un orgue enchanté, ses chansons intrépides nous transportent littéralement vers la nostalgie d’un passé heureux qui aurait existé. Et finalement, comme souvent dans la pop anglaise de haut niveau, derrière la simplicité joviale apparente, existe le talent mélodique des parties de guitare ici partagées par Lawrence, Marco Thomas et Tony Willé. Les structures se succèdent énergiquement, et l’abondance des notes cristallines à la guitare n’est que trop belle. Bien sûr, tout s’accommodent précieusement avec les couleurs multiples d’un orgue débordant, tenu par un futur Primal Scream : Martin Duffy.
All The People I Like Are Those That Are Dead, celle qui se démarque instantanément au coeur de l’album, joue sur un autre registre. Plus triste, Lawrence la fredonne comme si c’était banal. Pourtant, c’est presque tragique. Ainsi, il chante "The very fact that I’m insane", "All the people I like are in the ground", "I should save myself from sin", "They are telling me that I’ll never win", comme ci c’était anodin et définitif. Mais en fait, même si les autres morceaux conservent des allures égayantes, il est souvent question de les durcir par des textes forts en poésie violente, déceptions, ennui et doléances rejetant la religion. Parce qu’on sait que le chanteur a froid dans le nord de l’Angleterre, qu’il n’aime pas le milieu ouvrier dans lequel "enfant, tu passes ton temps à te dire ’quand je serais grand, je ferai ceci ou cela...’ Et rien ne se réalise selon tes désirs.. Pas de privilèges et pire, pas d’espoirs."
Les huit morceaux qui font partie des plus pop de la carrière de Felt défilent injustement à vitesse grand V. La guitare s’envole comme ses échos fragiles et la voix de Lawrence, malgré ce qu’elle dit, nous sourit. Un moment agréable, privilégié, une écoute qui permet de reconsidérer Felt à sa juste valeur : un des excellents groupes pop des années 80.
[1] Extrait d’une interview magnifique donnée par les Inrockuptibles en 1990
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