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Le Plus Grand Chanteur De Tout L'Étang

Le Plus Grand Chanteur De Tout L’Étang

Gérald Genty

par Psymanu le 13 mars 2007

4

paru en octobre 2006 (Wagram)

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Gérald Genty le Belfortain publie Le Plus Grand Chanteur De Tout L’Étang, son quatrième album dont le titre résume à lui seul ce qu’il contient : c’est anti-mégalo, plein de jeux de mots, léger et bucolique.

Comment aborder un disque comme celui-ci ? Parce que quand un mec est un extra-terrestre, à part préciser que c’en est un, et que ce qu’il fait est à peu près inclassable, et puis qu’on aime ou pas, ben on se retrouve très vite à sec, parce que les mots, en plus, ça a tendance à la base à sécher vite. Gérald Genty, ça n’est pas une grande voix, ça n’est pas un grand musicien non plus. Son don à lui, c’est un assemblage tout en finesse de jolies sonorités, sur lesquelles il pose des mots toujours bien sentis, et qui ont la prétention justifiée d’être drôles à chaque fois. Il parait qu’on appelle ça du "easy listening", et c’est vrai que ça s’écoute facile comme on tire un fil dans le chat d’une aiguille : c’est parfois dur de rentrer, mais une fois qu’on y est, ça glisse sans effort.

L’album commence sur un long topo musical sur ce qui différencie son prénom à lui d’un autre qu’on a tendance à lui substituer parce qu’il est plus fréquent. Mon Prénom C’Est Gérald, Pas Gérard, donc, qu’il précise, sur fond de bossa, de sa voix douce et veloutée. Une fois que c’est bien entré dans nos cabôches, il nous emmène chez lui, en face de L’Hopital. Il décrit les gens qui y passent, les visiteurs, ce qu’il projette quant à ce qui peut bien s’y passer, de l’obsession que cela devient. Finalement, le ton n’est pas si enjoué que la désinvolture de son style laisse paraître. D’obsession il est toujours question, amoureuse cette fois-ci, sur Plaire, une ballade acoustique dont l’atmosphère peut rappeller celle du Vent Nous Portera de Noir Désir, dans son introduction, puis les Négresse Verte par la suite, parfois, si n’était tout de même le lissage electro immaculé qui caractérise le disque tout entier. Dans la peau d’une jeune fille en proie aux tourments, à l’angoisse de perte de l’être cher, et qui vire anorexique, Gérald Genty dit que c’est tant pis, que de toute façon elle préfèrerait crever que de voir s’éloigner le mec. Ça n’est évidemment pas dit comme ça, parce que Gérald n’use jamais de mots trop forts, c’est une poésie de la simplicité, presque dérisoire, mais la suggestion, c’est bien connu, fait parfois mille merveilles de mieux que la crudité du vocabulaire.

La légèreté fait son retour sur le jazzy Un Très Mauvais Steward. Tout n’est pas dans son titre, en fait, il est expliqué qu’il ferait un à peu près mauvais tout ce qu’il existe comme métier. Steward, OK, parce que la maladresse et le mal de l’air, mais aussi cosmonaute, dentiste, prêtre. Le message, en fait, c’est que finalement, il vaut mieux qu’il demeure musicien, c’est encore là qu’il est le moins mauvais, et puis de toute façon qu’on le veuille ou non, il est trop tard pour qu’il change. Il est mignon dans le rôle du mec pas aidé, un peu gauche, ça lui va comme un gant quand bien même c’est un mensonge éhonté. Et puis il sait se faire politique. Istanbul est prétexte à une diatribe à l’encontre de la mondialisation qui vire à l’occidentalisation des moeurs, ces paysages qui se font publicitaires. "Je ne suis pas sûr que le monde tourne dans le bon sens, moi j’aimais tant nos différences". Un discours simple mais ô combien précieusement d’actualité.

Après un intermède délire intitulé C’Est Pour Décorer, Hein ?, c’est L’Avion que l’on prend. Genty feint la naïveté face à la tromperie de sa nana, il joue bien les imbéciles sur une ballade à la Dream A Little Dream Of Me, on grince un peu des dents, on rit un peu jaune pour peu que ça rappelle des choses, mais finalement on sourit tout court et bien franchement. Ensuite, il y a la country et les jeux de sonorités de Du Yoyo Dans L’Ohio, qui n’a pour autre but que de régaler l’auditeur par la virtuosité de sa plume, pusique, concrètement, tout ça n’a aucun sens. Le Métro est une sorte de funk au ralenti, c’est une affaire d’amour coup de foudre dans le métro, de plusieurs coups d’affilée, d’ailleurs, forcément jamais réciproques et qui ne durent que le temps pour les belles de changer de rame. Le dérisoire des projets abracadabrants que le pauvre petit gars élabore à chacun de ces fugaces éclairs rappelle l’adolescence, et tous les plans qu’on tirait sur chaque comète, pour un regard, pour un rien. Encore une certaine gravité dans le fond du propos, sous couvert comme à l’habitude de la plus grande nonchalence. Il s’agit de la police douanière anglaise, et de la facilité avec laquelle ses représentants sortent les guns. Une histoire de parano post-attentats, ça fait froid dans le dos, lorsqu’on y réfléchit. Genty déclare ensuite sa flamme à la musique, avec Les Instruments, et la compulsion qui est la sienne d’y poser ses doigts, ça sent encore et toujours l’Amérique du Sud dans le son, et une candeur toute juvénile qui ne parvient pas à lasser. Et ce faux dilletantisme qu’on retrouve sur Il Me Reste Plus Qu’Un Jour, où même la puérilité des jeux de mot passe comme une lettre à La Poste, et pourtant c’est du lourd, mais ça prouve que quand on a de la classe, on peut faire sortir les pires horreurs de sa bouche et ça fera toujours comme des bulles de savon à l’arrivée. Caïman et Ferrari Sim sont dans le même esprit ludique que Du Yoyo Dans L’Ohio, une poésie juvénile qu’on devrait faire apprendre dans chaque école primaire, tant ça fait bosser la diction et tant ça donne le goût des bons mots.

Il est mignon, cet album. Plein du charme de son auteur. Sûr que ça détonne, dans une discographie rock, mais lorsqu’un besoin irrépressible de légèreté se fait sentir, il faut se jetter dessus, c’est comme de l’été dans les enceintes, et ça n’est pas le moindre des talents que de capturer du soleil pour le distribuer avec une telle générosité. Et de ce talent, Gérald Genty en est bourré.



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Tracklisting :
 
1- Mon Prénom C’Est Gérald, Pas Gérard (3’38")
2- L’Hopital (3’15")
3- Plaire (3’36")
4- Un Très Mauvais Steward (2’35")
5- Istanbul (3’15")
6- C’Est Pour Décorer, Hein ? (0’28")
7- L’Avion (3’24")
8- Du Yoyo Dans L’Ohio (3’57")
9- Le Métro (3’08")
10- Licence To Kill (3’12")
11- Les Instruments (3’26")
12- Y’M Reste Plus Qu’Un Jour (2’44")
13- Caïman (2’15")
14- Ferrari Sim (7’59")
 
Durée totale : 47’01"