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mercredi 15 avril 2015
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par Yuri-G le 19 juillet 2011
Paru le 20 août 2002 (Merge)
Spoon, groupe subtilement retors. Chacun croira d’abord qu’ils jouent de la pop et du rock costauds et sans grande nuance. En entendant la voix braillarde de Britt Daniel, les premiers accords de guitare se placer, on est prêt à cataloguer sans recul. Mais une réponse moins évidente est évidemment la bonne. Sous ces contours, on perçoit très vite de petits trésors. Kill The Moonlight en constitue la preuve. Cet album est sûrement le plus étrange et le plus prenant de leur discographie (bien que ce ne soit pas pour autant le meilleur). Il possède quelque chose de très direct, et tout à la fois des effets sinueux.
Au rang des influences, notons : la new wave, pour la manière de jouer sec et rapproché. La nervosité de leurs mélodies rappelle peut-être les Pixies, puisque le nom revient souvent lorsqu’on évoque le groupe. Enfin l’esthétique répétitive dont jouissent la plupart des titres, via un piano pressé comme un instrument d’hypnose, peut se réclamer de certaines oeuvres du minimaliste Philip Glass. Le plus important : leur musique sonne. Oui car la plupart des acteurs du revival post-punk, auquel on pourrait les inclure, sont à ce point homogènes ; leur conformité à ce qu’ils imaginent être les dogmes du genre - guitare frénétique sur laquelle on danse, batterie convulsive sur laquelle on danse - tellement répandue, que la production et l’instrumentation de Kill The Moonlight deviennent estimables. Sans compter qu’ils sont réussis, ils relèvent d’une vraie approche.
Le groupe excelle en deux points. Une écriture concise (sens mélodique économe mais plutôt redoutable). Et la mise en place d’une atmosphère opaque, créative, en particulier grâce à la production. Deux perspectives se partageant les douze titres de l’album. On se laisse aussi bien entraîner par l’évidence des refrains et de l’énergie, que captiver, sans rupture de ton, par des détails plus complexes, emplis de tension et de brume. L’équilibre constitue la réussite et le charme de l’entreprise.
Ainsi, de Small Stakes aux boucles de clavier pressantes comme un Suicide, à la douce ode psychée Vittorio E., Spoon vise à part égale entre entertainer et arty. Les mélodies frappent avec précision (le single The Way We Get By rentre en tête tellement vite). Piano ou guitare, en quelques accords appuyés tout est dit. Et c’est bien ce qui nous plaît. Pas de surenchère. C’est à leur finition que les titres doivent force et singularité. À telle boucle surgie de nulle part, telle rythmique spectrale, tel flottement dans l’harmonie qui ajoutent de l’inattendu. Bref, on pourrait encore insister... que ce groupe est parfaitement soudé, que chacun dans leurs rangs, ils impressionnent par leur consistance, que ce soit la batterie raide et puissante, ou les griffures de guitare placées pile où il faut. Cependant, pas la peine de verser dans la démesure.
Il s’avère juste que Kill The Moonlight pourrait être le modèle de ce qu’est censée procurer toute oeuvre pop-rock dans la moyenne. Des mélodies limpides, un son communicatif mais qui ne renie pas l’exigence et l’originalité. Honnête, finalement. C’est bien en raison de la désertion cruelle d’albums de cette trempe, qu’aujourd’hui il nous attache.
Article initialement paru le 19 mai 2008.
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