Pochettes
Yanqui U.X.O.

Yanqui U.X.O.

Godspeed You ! Black Emperor

par Sylvain Golvet le 18 janvier 2011

paru en novembre 2002 (Constellation)

Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte Imprimer l'article Envoyer l'article par mail

Bien qu’étant un groupe totalement instrumental, Gosdpeed You ! Black Emperor n’a jamais caché son engagement et ses idées, notamment via ses pochettes. Faisant de celle-ci, pour leur dernier album en date, ce Yanqui U.X.O. de 2002, quasiment un tract alter-mondialiste, les Canadiens remettent en cause l’intégrité de l’industrie du disque en montrant les liens qu’entretiennent les grandes maisons de disques avec l’industrie de la défense, constructeurs d’armes, mines antipersonnelles, bombes à fragmentation. Le « U.X.O. » du titre est l’abréviation d’« Unexploded Ordnance », c’est à dire les bombes qui n’ont pas explosé lors de leur « atterrissage ». Le « yanqui » renvoyant bien sûr au terme Yankee. Bref, une accusation à charge.

GY !BE est considéré comme l’un des plus dignes représentants du post-rock, terme qui ne veut en soi rien dire. Post-rock, mais de quel rock ? Et post par rapport à quoi ? Pour être plus précis, on résumera leur musique comme bande-son idéal pour la fin du monde, alternant plages ambiantes agrémentés de bandes-sons de discours ou de dialogues de films et montées instrumentales puissantes, toutes en feedbacks de guitares et en violons incendiaires. [1] Les neufs musiciens sont aussi les fers de lance du label québécois Constellation [2] qui a fait de son indépendance son cheval de bataille, pour en revenir à une production de disques moins basé sur le profit qu’axé sur la volonté d’offrir au public une musique sincère et sans intermédiaire. Ainsi comme pour tous les disques de Constellation, la pochette de ce disque se présente sous un packaging cartonné, réalisé avec soin, et qui dénote une volonté (sûrement illusoire) d’offrir à l’acheteur un exemplaire unique. Le 500 premiers exemplaires vinyles de F#A#∞, premier album de Godspeed..., contenait même un penny canadien qui par leur soin avait été tordu par le passage d’un train. En tout cas, le tout donne l’agréable impression, pour l’édition CD, de tenir une version réduite de la pochette vinyle.

Que voit-on sur la pochette de ce Yanqui U.X.O. ? Une image, provenant probablement d’un stock-shot de l’armée américaine, nous montre le début de la chute de trois bombes tout juste sorties de l’avion. Cette image nous renvoie immédiatement à celles que nous avons si souvent vu du Vietnam, dernier conflit américain médiatisé sans réel contrôle des images où les images triomphantes (à défaut d’être triomphale) de l’armée américaine se mêlaient à l’horreur des vrais combats. En tout cas, le visuel est très iconique, d’une force assez évocatrice et faisant sens immédiatement dans l’esprit de l’auditeur. Mais le plus intéressant, pour une fois, se trouve à l’arrière.

Plutôt que de reprendre les habituelles notes de pochette reprenant les noms des morceaux et autres line-up et lieux d’enregistrements (qu’on retrouve à l’intérieur, faut pas pousser quand même), GY !BE nous propose un charmant schéma manuscrit liant les grosses majors du disque aux fabricants de bombes et autres fournisseurs en matériel des armées du monde entier.

JPEG - 101.9 ko
Le schéma accusateur
Cliquez pour agrandir

Ces affirmations accusent donc directement Sony, AOL Time Warner, BMG et Vivendi Universal. Vérifié par mes soins et même si cela n’est guère étonnant, on se rend en effet compte que par le jeu des filiales et des participations financières, ces quatre énormes pourvoyeurs en biens culturels produisent indirectement mais avec leur argent des armes, des munitions, des machines de guerre, etc. On retrouve donc des noms qui à nos oreilles ne sont pas en odeur de sainteté, tels E.A.D.S ou Total Fina-Elf. L’accusation peut paraître simpliste, et elle l’est. On sait bien que la volonté du producteur de disque n’est pas de tuer des enfants en Afghanistan. De même, doit-on accuser l’artiste qui signe sur une maison de disque, ne sachant pas les activités du groupe auquel celle-ci appartient ? Mais elle met le doigt sur le fait qu’aujourd’hui, de part la globalisation des échanges et des finances, tout le monde est plus ou moins impliqué dans ce foutoir. Et le groupe est probablement conscient du fait qu’en proposant ses disques dans les grandes chaînes de distribution, il contribue à cet état de fait. Et libre à l’auditeur de ne pas se faire envahir par ces considérations politiques en ne laissant parler que la musique et en mettant de côté toutes ces notes de pochettes militantes.

Entre tract politique et bel objet cartonné, cette pochette de disque résume bien l’esprit frondeur mais sincère de ce groupe atypique. Je vous laisse donc avec la description du disque que l’on peut trouver sur le site de Constellation. C’est une sorte de profession de foi qui résume bien l’esprit du disque.

U.X.O. is unexploded ordnance is landmines is cluster bombs. Yanqui is post-colonial imperialism is international police state is multinational corporate oligarchy. Godspeed You ! Black Emperor is complicit is guilty is resisting.

JPEG - 146.1 ko
Cliquer pour agrandir

Article publié pour la première fois le 12 juin 2007.

la pochette de Yanqui U.X.O.


[1Plus de précisions ici

[2Plus de précisions

Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n'apparaîtra qu'après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom