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mercredi 15 avril 2015
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par Parano le 12 mai 2009
paru en novembre 2006 (Éditions Delcourt) ; 352 pages.
Pourquoi faire une chronique de Black Hole sur Inside Rock ? Parce que les Inrocks en ont parlé ? Parce que l’auteur, Charles Burns, a grandi à Seattle ? Parce qu’il a dessiné une pochette d’album pour Iggy Pop (Brick By Brick) ? Non, plus simplement, parce que cette BD, sculptée à l’encre de chine, se nourrit des mêmes frustrations adolescentes que ce bon vieux rock’n’roll : passage douloureux à l’âge adulte, découverte de la sexualité, mutation du corps, angoisse et ennui.
Publié en 12 numéros entre 1995 et 2005, Black Hole a récemment été relié en un unique et superbe volume. La narration brosse le portrait d’une génération étrangère au rêve américain, au milieu des 70’s. Celle de Burns ? Probablement. Une génération frappée par une étrange épidémie, « la crève », transmise par simple contact sexuel, et qui semble ne toucher que les ados. Ceux qui sont atteints subissent toutes sorte de mutations, horribles ou grotesques, irréversibles. Les adultes sont étrangement absents de cette histoire et le lecteur n’en saura pas davantage sur le mal mystérieux, qui s’impose comme une fatalité, et plonge ses victimes dans la marginalité. Charles Burns dépeint avec justesse les préoccupations des teenagers, effrayés par la sauvagerie du monde, et pourtant avides de découvertes. Le mystère (amour et sexe), la routine (le bahut, les potes), l’évasion (la fumette, la fugue), se mêlent rapidement à l’horreur et à la mort : les freaks, touchés par la maladie, vivent reclus dans les bois, se nourrissant d’ordures, et sont la cible d’un mystérieux tueur.
Les références au cinéma d’épouvante, entre Halloween et Blue Velvet, sont évidentes. Dans Black Hole, la monstruosité des corps met en évidence la cruauté d’une société totalement aliénée, où la compassion, l’amitié et le désir sont muselés ou impuissants. Le graphisme est superbe, la noirceur du trait soulignant magistralement l’horreur des corps mutilés, des chairs putréfiées, et la rondeur des formes traduisant l’innocence juvénile des personnages. Charles Burns a su introduire une sensibilité assez inhabituelle dans ce genre de récit, qui séduira un public étranger aux comics américains, parfois très glauques. À Hollywood, les producteurs ont vite flairé la bonne affaire et on parle d’une prochaine adaptation cinématographique. Une forme de consécration pour l’auteur de Black Hole, qui publie ses planches aux États-Unis et en Europe depuis 1981, et a longtemps collaboré avec Art Spiegelman pour la revue Raw. À condition, bien sûr, que le résultat soit à la hauteur de l’original.
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