Livres, BD
Cash, Une Vie (1932-2003)

Cash, Une Vie (1932-2003)

Reinhard Kleist

par Sylvain Golvet le 28 décembre 2010

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Paru en 2008 (dargaud), 226 pages.

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Il y a deux manières de raconter la vie tourmentée de Johnny Cash. La version romancée, presque hollywoodienne, telle qu’on peut la voir dans Walk The Line, bon film par ailleurs, avec un récit construit, mais à la réalité toute relative. Ou la version factuelle, celle des biographies, comme celle que Cash à lui-même écrite en collaboration avec Patrick Carr ; à laquelle s’ajoute Wikipedia ou les stories que l’on peut trouver ici ou là sur le net (bientôt une sur Inside ?). Mais il y a un média qui permet l’alliance de ces deux approches, qui permet de lier l’histoire et son évocation visuelle, c’est la bande-dessinée. Ça tombe plutôt bien, Reinhard Kleist est auteur et dessinateur de BD.

Un dessinateur plutôt doué d’ailleurs, et même assez reconnu, notamment dans son pays l’Allemagne où il a reçu de nombreux prix pour ses ouvrages inspiré de Lovecraft, ou sa série de polar Berlinoir. Ses sujets sont assez variés, son trait aussi d’ailleurs. Ici, s’épanouissant dans un noir et blanc tranché, Kleist développe un style très dynamique, inspiré par les dessinateurs de comics, avec des personnages très expressifs mais avec sa personnalité propre. Surtout, on sent que Kleist prend un plaisir à assurer la mise en images de ces épisodes. Car Kleist aime les images, il croit en leur pouvoir d’évocation, notamment lors d’épisodes critiques, comme cette rencontre entre Johnny Cash et le fantôme de son frère, ou cette scène de manque qui trouve ici une belle illustration visuelle. Rien que pour les yeux, cet album est déjà un plaisir.

Pour son récit Kleist n’a pas voulu trancher sur sa nature réaliste ou romancée. Dès les premières pages, Johnny Cash se rend à Reno pour y tuer un mec et le regarder mourir. Cette histoire, directement issue de Folsom Prison Blues, n’est bien sûr jamais réellement arrivée à Johnny Cash. Mais Kleist ne s’interdit rien dans son récit, mêlant les points de vue. Bien que suivant principalement et chronologiquement la vie de Cash, et outre les incartades inspirées de ses chansons qui sont parsemées ici et là, il s’attarde également à plusieurs reprises sur l’histoire de Glen Sherley, chanteur de country emprisonné à Folsom pour braquage. Cet homme profita de la venue en 1968 de Cash à Folsom pour lui offrir sa chanson Greystone Chapel. Cash l’interprétera devant lui ce jour-là avec un plaisir qu’on peut vérifier sur disque. Kleist en fait d’ailleurs le climax de cet album, un très beau moment où la main de Cash rencontre celle de Sherley, geste qui sera d’ailleurs immortalisé par un photographe présent sur place, et qui témoigne de l’influence et du respect que le chanteur a pu inspirer au fil des ans.

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Johnny Cash et Glen Sherley
©Jim Marshall

On retrouve aussi bien sûr les moments-clés de la vie de Johnny Cash, ainsi que les gens importants qui l’ont croisés. Son frère, June Carter bien sûr, deux personnages primordiaux, mais aussi Sam Phillips, Dylan ou même Rick Rubin, dernier homme à avoir assisté à ses derniers sursauts de génie. Cela donne à cet album un récit aussi émouvant qu’on puisse s’imaginer l’être la vie d’un homme qui ne s’est pas ménagé. Biographie pédagogique de Cash mais aussi très bonne histoire de BD en elle-même, ce Cash, Une Vie, par son amour du récit et ses choix visuels correspond à merveille à la phrase de L’Homme Qui Tua Liberty Valence : « When the legend becomes fact, print the legend. » Kleist lui n’en avait pas fini avec la musique américaine, puisqu’il dessina en partie une biographie sur Elvis paru en 2007 chez Petit à Petit. Un artiste à suivre par ici.

Article publié pour la première fois le 10 février 2009.



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