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mercredi 15 avril 2015
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par Lazley le 5 décembre 2006
sorti le 21 août 2006 (Roy Music/Capitol)
"Aaah, foutue France ! Hexagone bancal, bestiole acariâtre, patrie du mollasson musical couronné, de l’amalgame kilomètrique ! Quand, mais QUAND donc cesseras-tu de contracter mariages blancs, pots-de-vins barbouzes et chèques en bois avec le rock...?"
Vous avez déjà entendu ça, non ? Bon, peut-être pas exactement en ces termes, mais on vous a déjà causé du vide intersidéral français en matière de binaire, isn’t it ?
Je vous parle pas du "rock français" (la vache, quel terme ridicule !), cette cochonceté qui nous a donné Téléphone (Stones édulcorés pour lycéens mimis) ou Noir Désir (mix gerbant du Gun Club et de saturation grungy plombé par des textes à dormir debout). On va aussi éviter le sujet de la "nouvelle scène rock parisienne", because j’ai pas trop de temps à perdre avec des hyperméchés biberonnés aux sixties (gare au rot, les enfants ! Vous pourriez bien saloper vos jolis costumes !). Et NON, je vois pas pourquoi on disserterait sur ces baudruches type Asphalt Jungle (sans commentaires...), Bijou, Little Bob Story, Stinky Toys, Starshooter...
Et quand il ne s’agit pas de gentils succédanés (oui, Patrick, OUI, on sait que tu aimes combiner le chic mod avec un destroy décadent...), on atterrit sur le terrain des orfèvres pop d’hier (Dutronc, Polnareff, Gainsbourg) et d’aujourd’hui (Burgalat, Air), d’où se sont échappés les trublions AS Dragon, le temps d’un premier effort pêchu, constellé de bombes à live sur orgue saturé. Alors ? Mézigue et des tas d’autres, étions franchement désappointés de voir peiner nos confrères gaulois à se réapproprier pour de bon, et à leur sauce, un héritage rock qui écrase tellement plus souvent qu’il ne propulse.
Jusqu’à ce qu’on tombe, en glougloutant sur le web, un de ces soirs désoeuvrés d’août comme le caniar en vomit tant, sur un ch’ti extrait musical. 30 secondes de barouf qui décolle la tête de sa paume-reposoir improvisé. Ça Me Vexe, que ça s’appelle. Manquant de se planter les gencives sur le clavier, on se précipite sur le lien, qui titre "Mademoiselle K". Deux jours plus tard, l’album Ça Me Vexe tourne dans le mange-cd à en faire péter les rotatives. Inlassablement, on remet la galette au début, tentant de piger ce qui se passe avec ce groupe.
Pourtant, l’introductif Reste Là ne paye pas de mine : comptine étouffée aux choeurs sautillants, augurant une popinette décomplexée, caressante...
Enfin, s’il n’y avait pas ces textes kamikazes, interpellant le corps avant le reste. Là réside le plus frappant des atouts de Katerine Gierak, chanteuse-guitariste surbouillonnante : ce songwriting mêlant inexplicablement bris de vie lourds de conséquence, attaque frontale et pirouettes de mots jusqu’au boutistes. Sautant sans filet d’une cruauté jouissive (Crève) à des introspections d’une candeur désarmante (Jalouse), la demoiselle donne plus dans une écriture protéiforme et toujours fraîche que dans le rentre-dedans putassier si fréquent chez les andouilles du vers choc/générationnel. Chaque phrase semble se mouvoir dans un no man’s land ronceux, griffant jusqu’au sang l’auditeur habitué à Anaïs (bien fait !). Ici, le quotidien, loin de constituer une fin abrutissante (pas de nazeries type "aaah, mon labrador vient de mourir, la langue rosie sur le tapis safran que m’avait offert mon ex", MERCI !), sert de prétexte à d’authentiques estocades verbales ("est-ce que ça vous a plus/est-ce que vous reviendrez ?" sur Final, plus une oeillade espiègle qu’une supplication). "Regarde toi, regarde un peu comme tu balances/ t’oses même plus faire de choix, t’as le cul qu’est devenu rance", jette Katerine sur Le Cul Entre Deux Chaises. Depuis quand n’as-t-on pas entendu un tel mélange de ferveur et de dérision (deux notions si difficilement compatibles dans la langue française chantée) ?
On peine à s’en souvenir...
D’autant que l’album ne nous en laisse pas le temps. Déjà la voix de Katerine rattrape ses mots, vallonne entre morsure amusée (À L’Ombre), suaves élans bluesy (Fringue Par Fringue), et frôlements étranges (Grimper Tout Là-Haut). Et pas la moindre pause en vue ; pourquoi surjouer, quand les cordes vocales glissent sur celles de Jeanne ou Eléonore (les deux guitares préférées de Katerine, Jazzmaster et SG antédiluviennes...) avec une facilité déconcertante ? La miss ne chique pas à la rockeuse hip : tout juste emprunte-t-elle quelques bouts d’intonation à PJ Harvey (qui de toute façon n’en fout pas lourd depuis cinq ans), mais pas de quoi hurler au pompage éhonté. Régurgiter ses influences n’EST PAS le credo de Mademoiselle K ; une leçon à méditer pour beaucoup de congénères francaouis.
C’est tout ? Oooh que non ! Parce qu’il ne faudrait pas oublier que l’on cause ici d’un groupe, et pas de "Katerine & ses boys". Précisons que l’intensité pulsante de morceaux comme Ça Sent L’Été doit autant à Pierre-Antoine "Peter" Combard(guitare), Pierre Louis "Pilou" Basset (basse), et David Boutherre (batterie, choeurs) qu’à Katerine. Soyons clairs : l’album entier donne dans la texture guitaristique, parti-pris plutôt rare en ces temps de drum’n’bass primaire. Sur Ça Me Vexe (la chanson), Katerine et Peter déchiquètent la rythmique dansante en mégaphonant quelques embardées s’entortillant sur des kilomètres de scoubidous barbelés. L’atmosphérisme cyclique du guitariste enrobe les gimmicks acérés de la chanteuse, quand les rôles ne s’inversent pas (Final, et son leitmotiv arpégé plus mise à feu que mélopée lancinante). Quant à la section rythmique, la qualifier d’ "efficace" serait franchement insultant (d’abord, ça veut dire quoi "efficace" ? Qu’elle nettoie vite et bien dans tous les recoins ?). Un bondissement racé, une saine altercation 4-cordes/fûts plutôt, prête à faire craqueler les planchers des scènes de France et d’ailleurs (le groupe est allé se faire les crocs en Chine l’été dernier).
Rien de rien à jeter sur ce premier effort, donc ; l’attente risque de se faire cruelle d’ici le prochain, les enfants ! Si ça "nous a plu" ? Pour sûr, les gars !
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