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mercredi 15 avril 2015
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par Emmanuel Chirache le 10 avril 2012
Un coming out est toujours difficile à faire. "Papa, maman, voilà, il faut que je vous dise quelque chose. Je fais semblant d’écouter des trucs branchés et super cool, mais en fait... j’aime bien Dick Rivers". On en est là. Avouer aimer Dick Rivers alors qu’on a la trentaine, c’est subir le regard interloqué de ses contemporains, surtout les plus jeunes, qui écarquillent les yeux comme pour s’assurer que c’est bien vous qui êtes là, en train de tenir ce langage. Hé bien, oui, je suis allé à un concert de Dick Rivers, et j’ai pris mon pied, ça vous défrise ? Pourtant, c’est évident.
Tout d’abord, parce que la musique est bonne. En général, les détracteurs de Dick Rivers n’ont pas ou presque écouté le moindre morceau chanté par lui, que ce soit un titre de sa période yéyé ou une chanson plus récente. C’est bien dommage, car d’une part ses reprises des sixties sont d’une tenue impeccable, largement au-dessus de ses rivaux de l’époque, voire supérieures aux originales. On pense à son formidable Tout se passe dans les yeux (Treat Her Right de Roy Head) ou à son classieux Tout ira très bien (It’s Gonna Be All Right de Gerry & The Pacemakers), qui swinguent et montrent une véritable dévotion au rock’n’roll, chose qui aujourd’hui reste la marque de fabrique du chanteur. Certes, la voix de Dick Rivers décalque encore beaucoup celle d’Elvis, mais le style est là. D’autre part, les chansons plus récentes, notamment des albums Mister D (2011) et L’homme sans âge (2008), ont été écrites sur mesure pour son timbre de crooner par des compositeurs bourrés de talent, à savoir Joseph d’Anvers et Oli Le Baron.
Désormais, les cordes vocales de Dick ont vécu, elles ont bu, bien fumé, beaucoup chanté, aussi. Du coup, les graves s’atteignent chez lui avec une facilité déconcertante, ce qui convient bien à son nouveau répertoire. Mais le plus important est ailleurs. Car voir Dick Rivers en concert, c’est surtout se payer une tranche de rock’n’roll, un instant certes nostalgique si on a connu cette période faste, cependant tout aussi touchant quand on est un simple enfant de baby-boomers. Comment ne pas se sentir un brin ému devant ce parterre d’aïeux rockers, blousons en cuir parfois estampillés "Hell’s Angels" sur le dos, arborant bananes grisonnantes et t-shirts floqués ’Dick Rivers’ achetés au stand de merchandising quelques minutes plus tôt ? Introduit au public par Didier Wampas, Dick Rivers réussit même la prouesse de faire lever tout le monde quand il arrive, c’est la folie dans les déambulateurs ! Plus sérieusement, on sent que le moment est à la fois solennel et réjouissant : tout le monde est heureux d’être là, comme une grande famille qui se réunit.
Mieux, rien n’indique que la soirée va se passer sous les glauques auspices de la nostalgie et d’un bon vieux temps ressassé éternellement. Non, le groupe va en réalité faire du dernier album le fil conducteur du concert, qui commence par des morceaux qui claquent bien, comme Automatic et Reverse ! Il faut dire que les musiciens qui accompagnent Dick sont de fantastiques rockers, avec une dégaine comme on les aime. D’un côté de la salle, il y a Oli Le Baron, ex-guitariste de pointes comme Jean-Louis Aubert, mais surtout un gratteux d’enfer au look de Guns N’ Roses : sa veste de mauvais goût aurait salement rendu jaloux Axl Rose et son chapeau haut de forme n’est pas sans rappeler le Slash des grandes heures. Dans le fond, on aperçoit deux excellents saxos en costards, Mathias Luszpinski et Jean-Marc "Chiffo" Labbe, ainsi que Bruno Rodrigues, un jeune batteur épatant aux faux airs de Dave Grohl... Au bout de quelques chansons apparaît un dernier zigoto. Une figure, un môssieur comme on dit. Fute en skaï, bottes de cuir, lunettes à verres fumés, boucles d’oreille géantes, la vision de ce quinqua est hallucinante. Soudain Mickey Blow, c’est son nom, s’approche du public, écarte les jambes comme s’il allait monter un cheval et fait péter le solo d’harmonica. Yeah ! C’est pour des moments pareils qu’on aime le rock’n’roll.
Entre deux morceaux, Dick raconte une anecdote savoureuse, parle de "son ami Neil Diamond" ou de "son ami Alain Bashung", imite (mal) Francis Cabrel et vante les mérites de la vraie "caountry". Un concert à l’ancienne, quoi, où l’artiste ne fait pas semblant d’être tout seul dans la salle, où la notion de musique "en public" prend enfin tout son sens. Tout est fait pour offrir un show à la hauteur de l’événement. Ainsi, le groupe passe à l’acoustique le temps d’une session plus intime mais toujours aussi rock : ballades (La ballade de l’échographié), blues (Johnny), et reprises (Hound Dog du King) sont au rendez-vous de cet intermède rafraîchissant. Et puis, il y a ces moments délectables où le chanteur quitte au petit trot la scène pour rejoindre les coulisses et changer de costume dans la plus pure tradition elvisienne. Pendant que Dick se prépare, Oli Le Baron tient la baraque et envoie une cover démoniaque du Dancing With Mr. D des Stones, prouvant par la même occasion qu’il a aussi une putain de voix. La star de la soirée revient peu après avec un costard en argent incrusté de pierres précieuses. Las Vegas style, quand tu nous tiens... Le concert se finit sur un medley des vieux tubes et le classique seventies Maman n’aime pas ma musique, qui remise aux oubliettes l’ancienne version FM.
A l’arrivée, Dick Rivers a pondu sans prévenir un authentique show rock, dansant, éclectique et varié, musicalement impeccable, qui a eu le mérite de ne pas verser dans la ringarditude yéyé (à l’exception de Faire un pont) ! Prière de l’appeler désormais Mister Dick ’Fucking’ Rivers.
Vos commentaires
# Le 10 avril 2012 à 20:53, par Thibault En réponse à : Dick Rivers
# Le 12 avril 2012 à 19:59, par Eric FUSIS (dickosovo) En réponse à : Dick Rivers
# Le 15 avril 2012 à 10:23, par Serge SCIBOZ En réponse à : Dick Rivers
# Le 16 avril 2012 à 18:54, par Laurent En réponse à : Dick Rivers
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