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par Oh ! Deborah le 26 mai 2009
paru en 1984 (New Rose)
J’ai jamais été fan des albums acoustiques. Bien souvent, je préfère l’électricité, le studio, les arrangements (aussi sobres et discrets soient-ils). Et puis là, sans que personne ne s’y attende, Johnny Thunders balance les balades acoustiques les plus belles et dépouillées qui puissent exister. Et par la même occasion son meilleur album solo.
Dandy rock d’origine italienne à la dégaine décadente ; grand guitariste au jeu reconnaissable entre mille (influençant au hasard Steve Jones ou Slash) ; réputé pour être le pire junkie que le mouvement punk ait engendré ; pionnier du punk avec ses Dolls et Responsable d’un des plus grands classiques du genre (LAMF). Bref, à la fois talentueux, romantique, classe et borderline, Johnny Thunders (John Genzale Jr) figure parmi les plus beaux mythes rock’n’roll. Comme on en fait plus (inutile de chercher). Puisqu’il devient bon ton de renier les mythes (on aura décidément tout entendu) réduits parfois à de vulgaires clichés même quand ils sont authentiques et doués, j’arrêterai là ces qualificatifs.
Débutant sa carrière solo avec l’excellent So Alone (1978), Johnny poursuit son parcours chaotique et chargé d’infortunes (too much too soon [1], ou encore born too loose [2] comme il dit) et s’applique à donner des concerts en Grande-Bretagne et à Paris, seul avec sa guitare sèche (non, non c’est sans comparaison on vous dit). Ce qui donne lieu à ce magnifique Hurt Me, où Thunders opère seul et se livre. Assurément, des chansons acoustiques (folk, blues, mais punk dans l’âme) de cette pureté et intensité émotionnelles sont extrêmement rares. Ceci est notamment dû à cette voix totalement stupéfiante, telle que Johnny ne l’avait jamais révélée auparavant... déclinant son timbre vers des tons androgynes, suaves, claires, enregistrés et mis en lumière de façon éclatante, magique.
Reprenant ses propres compos ainsi que deux morceaux de Dylan (Joey Joey, It Ains’t Me Babe) et un des Dolls (Lonely Planet Boy), Thunders alterne passages onctueux et soubresauts impulsifs, arpèges et riffs rêches, murmures chatoyants et classe suprême. Seuls quelques éclairs d’une guitare électrique viennent s’immiscer le temps d’illuminations lointaines sur Sad Vacation et Hurt Me. Au centre de l’album, un instrumental (Illagitammate Son Of Segovia) presque aussi puissant qu’une chanson des Who. Faisant preuve de sa légendaire et nonchalante désinvolture, Thunders semble laisser couler ses sentiments naturellement. Et ce de façon aussi sincère qu’impériale. Du début à la fin - pour ne citer que les plus belles : Joey Joey, I’m a boy I’m a girl, Hurt Me, I’d Rather Be With The Boys, She’s So Untouchable (déchirantes), Diary of a Lover (qu’on verrait bien transformé en slow pour bal de promo), You Can’t Put Your Arms Around A Memory (hymne imparable et mélodique issu de So Alone) - tout ici prête aux sentiments simples liés à la nostalgie, aux instants privilégiés qu’on aurait perdu, aux passions, à la sensualité. Un album grand comme son compositeur libre et écorché, situé quelque part entre insolence et mélancolie pure.
[1] nom du deuxième album des New York Dolls, publié en 1974
[2] "Né trop désoeuvré", single phare de LAMF, à ne pas confondre avec "born to lose" (né pour perdre)
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