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par Kris le 29 mai 2006
paru en 1997 (Jeepster)
Tout fraîchement signé sur leur label Jeepster Records, Belle And Sebastian sort son second album nommé If You’re Feeling Sinister en fin d’année 1997. En pleine Spice Girls mania où Oasis, Blur et The Verve agitent le public anglais en cette année, un petit vent de nostalgie et de mélancolie souffle d’Écosse.
Après un premier album paru l’année d’avant, Tigermilk enregistré en trois jours et diffusé à uniquement un millier d’exemplaires en vinyle, Stuart Murdoch, chanteur et leader du groupe, profitait de sa récente signature chez Jeepster pour enregistrer un album de plus grande envergure. Et grand bien fût pour Murdoch et son groupe. If You’re Feeling Sinister sonne dès son premier titre The Stars Of Track And Field comme très naturel et authentique. Le chant de Stuart Murdoch se révèle simple, fragile, mais néanmoins frais car portant sans forcer une voix agréable au timbre granuleux. Malgré cela, Murdoch laisse transparaître une articulation approximative laissant deviner comme un inconfort, un mal-être qui se révèlera au fil de l’album. Le son de Belle And Sebastian est d’une simplicité, voire une humilité tout à fait singulière. Absolument pas tape-à-l’oeil, les Écossais préfèrent la douceur de l’acoustique, la suavité des cuivres, le pouvoir de pénétration implicite de l’harmonica. Cet album en appelle directement à la pop-folk des sixties, on a l’impression d’écouter un album quelque peu en dehors des normes, en dehors des bonnes périodes. Très mélodiques, tous les titres constituent un petit recueil d’entrain et de plénitude, des ballades acoustiques pour solitaires au grand coeur.
Cependant, si on en restait là, Belle And Sebastian et son If You’re Feeling Sinister ne resterait qu’une bande originale pour soirée calme et paisible. Mais en se plaçant à un degré différent, on sent sous-jacent à ces compositions sublimes une certaine mélancolie, une tristesse palpable, un décalage évident entre la mélodie pop, entraînante et les paroles, le ton, le chant de Murdoch. Les thèmes des chansons sont le plus souvent légers et mélancoliques, sans pour autant basculer dans le miévreux ni dans le pathos. Cette association entre mélodie sobre et efficace, et chanter de charmantes poésies légères est ce qui demeure le caractère le plus singulier et le plus prenant de cet album de Belle And Sebastian. Ce décalage provoque ce sentiment de retour à la frêle adolescence, cette période où tout est mélangé, une découverte, un terrain neuf où tout s’entremêle, où des sentiments se croisent et s’expriment en même temps. Une instabilité, une fragilité exquise se dégage de If You’re Feeling Sinister, tout le paradoxe de l’adolescence trouve une voix, ce que transcrit parfaitement Belle And Sebastian. L’exemple le plus parlant est le superbe Get Me Away From Here, I’m Dying où sur une mélodie accrocheuse et rythmée, se superpose la voix mutine, le texte sur le mal être, la sensation répandue d’être mal dans sa peau. Belle And Sebastian exprime à merveille cette insécurité juvénile, ce besoin de montrer une bonne image de soi alors que ça va mal à l’intérieur ; leurs chansons se situent au même niveau, sur des rythmes et des ballades rondement menées, attirantes, Murdoch chante la mélancolie et à travers sa voix sont transmis ses doutes et ses peurs, ses interrogations et ses craintes.
Tout en retenue et en élégance, l’album tangue, suivant toutefois la même ligne directrice d’une musique dépouillée, variant de la ballade sauvage toute en humour et en clins d’oeil (Like Dylan In The Movies) à la chanson sur la solitude (The Fox In The Snow) en passant par la chanson enlevée presque tubesque (Mayfly).
If You’re Feeling Sinister est un chef-d’œuvre de la pop nineties, touchant grâce à une justesse incroyable l’auditeur. On se surprend à se croire en train de lire le journal intime d’un(e) jeune adolescent(e) en pleine découverte de la vie. Une pop poétique prônant une légèreté et une naïveté affichées, c’est un voyage vers la simplicité. Belle And Sebastian a tout au long de l’album su parler de la manière la plus simple à la chose la plus complexe de chaque être humain, son coeur. Chapeau bas.
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