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par Emmanuel Chirache le 28 février 2011
Un soir de la semaine dernière, en sortant du métro pour rentrer chez moi j’aperçois David Boring, le chanteur des Naive New Beaters. Je l’aborde, on papote divorce (sic), restos du quartier, voisins, Inside Rock, meilleur webzine du monde, interview, ce weekend, échange de mails, see ya. Pas plus compliqué que ça. Nous voici donc quelques jours plus tard assis ensemble à la table d’un sympathique bar à burgers histoire de discuter. David en profite pour me confier sa passion pour les burgers, et nous commençons l’entretien en échangeant quelques bonnes adresses internationales pour en déguster d’incomparables... Avant que le professionnalisme ne reprenne le dessus.
Inside Rock : Votre album Wallace est sorti il y a un an et demi maintenant, est-ce que tu sais combien vous en avez vendu ?
David Boring : Entre 20 et 25 000.
IR : C’est un bon chiffre, mais il y a vingt ans vous en auriez sans doute vendu le double, est-ce que pour combler ce manque à gagner les artistes sont dans l’obligation de s’ouvrir à d’autres sources de revenus, comme vous l’avez fait en vous associant avec le jeu les Sims ?
DB : Non, de toute façon, je n’ai pas l’impression que c’est en cherchant plus que tu trouveras davantage ce genre de plans. Bien sûr, si personne ne s’en occupe ça n’arrivera jamais, mais c’est rarement la maison de disque qui propose un morceau à une agence de pub, c’est plutôt l’inverse. Il faut aussi que ta musique convienne au contexte, si tu fais du heavy metal, même si t’as super envie d’être dans une pub, ce sera difficile, alors que tu pourras plus facilement être dans un jeu vidéo par exemple. Cela dit, peut-être que le tabou pub et musique commence à tomber, en tout cas aux Etats-Unis c’est beaucoup plus courant, presque trop. Même les groupes indé font de la pub, comme les Bloody Beetroots, qui ont remixé notre morceau Live Good. Pourtant, ils sont quand même alternatifs, pas trop mainstream, hé bien sur leur myspace tu trouves des pubs pour une marque de diesel ou pour des casques audio, ils s’en foutent. En France, ça peut aussi booster tes ventes... The Do, ils ont été connus presque uniquement grâce à la pub pour les cahiers Oxford. Le danger, c’est que si c’est raté ça peut faire un peu vendu, comme Yelle avec Dove. En Angleterre, j’ai l’impression que l’impact est moins fort, parce que la production musicale est plus importante, et parce qu’ils ont beaucoup plus de chaînes de télé, du coup une pub est davantage noyée dans le flot. Mais c’est sûr qu’un musicien doit trouver autre chose que la vente de disques pour gagner sa vie.
IR : Vous par exemple, j’imagine que vous ne pouvez pas vivre de la vente de vos disques...
DB : Ha non, sur les disques on ne touche pas grand chose, ce qui nous fait vivre c’est le live. La pub nous apporte surtout de la visibilité, et c’est ce qui s’est passé avec le spot pour Nokia, il a contribué à faire parler de nous. C’est vrai qu’on cherche ce genre d’opportunités, mais ça ne dépend pas vraiment de nous, il faut qu’un créa d’une agence soit intéressé par notre musique et que ça nous plaise pour qu’un projet voie le jour. Tant que ça t’amuses et que tu assumes le truc, je ne vois pas où est le problème. Avec l’affiche des Sims ou le teaser que nous avons réalisé pour eux, nous avons tout fait nous-mêmes. On s’est dits autant passer une bonne après-midi et faire ce qui nous amuse. C’est l’avenir, c’est normal, même les labels veulent se diversifier en s’investissant dans les tournées, dans l’édition de la musique, dans le merchandising. Pour l’instant, je suis content que les Naive New Beaters soient viables sans publicité et qu’on puisse vivre essentiellement de notre musique.
IR : Revenons à la musique d’ailleurs, où en êtes-vous du deuxième album ?
DB : On bosse, promis. On dispose tous les trois d’un home studio, comme ça on peut travailler chacun chez soi, ensuite on y réfléchit ensemble, et une fois que les morceaux sont bien avancés on finalise tout, chez Eurobelix ou chez Martin Luther BB King. Si on estime tous les trois que le morceau est terminé, c’est que c’est bon. Parfois...
IR : C’est long ?
DB : Ouais, voilà ! Mais par rapport à Wallace, on se met plus vite d’accord, alors je ne sais pas si ça veut dire qu’on bâcle plus ou juste qu’on se connaît mieux... Bon, on est aussi pressés de sortir le nouvel album.
IR : Est-ce qu’il sera dans la lignée du précédent ou très différent ?
DB : Déjà, nous, on a toujours essayé de faire du maxi hit...
IR : Et ça s’entend, les morceaux sont souvent très efficaces.
DB : Oui, quitte à faire de la musique, autant faire du hit international. Mais en fait on n’y arrive pas trop... alors pour le nouveau disque on a voulu sonner plus pop, pourtant le résultat est étrange. C’est de la "pop chelou". Quand on écoute nos morceaux actuels, on se dit "ha celle-là, elle est bien glauque quand même. Tiens, celle-ci aussi." En fait, ça ressemble un peu à une maquette qu’on avait sortie il y a longtemps, et qui s’appelait Fat Love. C’est le même esprit que Wallace mais d’un autre côté, c’est assez différent.
IR : Et c’est quoi une journée de boulot pour David Boring ? tu te lèves à 8h du mat’ ?
DB : (rires) Salaud ! j’avoue que j’ai un problème avec le sommeil et je me lève toujours tôt, autour de 8h30-9h. Si à 10h je suis encore au lit, je culpabilise ! Ma mère est insomniaque, du coup j’ai beaucoup regardé William Leymergie quand j’étais ado... Bon, le matin, chaque membre du groupe fait ses petits trucs de son côté, puis on se retrouve autour de midi, et on se quitte le soir. La journée, on se pose sur le canap’, on écoute nos trucs et on fait "ha ouais pas mal... t’as une autre bière ?" On dirait pas comme ça mais c’est productif quand même.
IR : Wallace a plutôt reçu des bonnes critiques, alors question très importante pour un critique, est-ce que vous lisez ce qu’on écrit sur vous ?
DB : Grave ! Déjà, de 11h30 à midi, on fait un check sur Internet, on googlise notre nom, on regarde tout. Parce qu’on se kiffe, d’abord, et ensuite on aime qu’on parle de nous. C’est vrai qu’on a eu de la chance, on n’a pas eu de critiques trop dures. Parfois on nous a comparé à du PQ, mais c’était quand même une bonne ambiance.
IR : A propos de bonne ambiance, vous êtes passés à Taratata. Ce n’est pas évident d’y être invité, comment vous avez fait ?
DB : Bah Nagui, c’est mon père. Non, mais apparemment Nagui adore notre titre Wow Now et il voulait absolument qu’on joue celui-là. D’ailleurs je me suis planté dans les paroles, je croyais avoir reconnu un pote dans le public et ça m’a déconcentré, j’ai dû refaire une seconde prise. On avait aussi fait un duo avec Yelle, c’était marrant.
IR : Maintenant, on va parler un peu de David Boring...
DB : Ha, bâtard !
IR : Tu es chanteur américain, mais beaucoup de gens s’interrogent sur l’origine de ton accent...
DB : C’est un accent éclectique, c’est vrai. Ma mère est vietnamienne, et elle ne parle pas très bien français. Mon père, lui, vient du Maroc, donc il n’est pas non plus au top. Ayant personnellement grandi aux Etats-Unis, ça n’a pas facilité non plus ma logique linguistique interne. Attention, ça ne veut pas dire que je ne parle pas d’autres langues, j’adore les langues étrangères. Je parle un peu chinois et très bien l’espagnol, parce que j’ai vécu en Argentine. Allez, je vais me dévoiler : la première fois que j’ai chanté, c’était en espagnol, j’ai fait une serenata pour une fille qui m’avait largué. Je suis allé sous son balcon avec des amis habillés en mariachi. J’avais prévu la totale, un bouquet de fleurs, une chorégraphie millimétrée, mais ça n’a pas marché.
IR : Quel romantique... tu écoutes quoi en ce moment ?
DB : Un peu de tout, j’ai beaucoup écouté Lykke Li récemment, parce qu’elle va bientôt sortir un disque. Je kiffe son premier album, grave. Un peu Lilly Wood & The Prick j’avoue, parce que ma copine adore. Du hip hop aussi, Theophilus London, Tinie Tempah, c’est assez cool. Un groupe de rock un peu seventies qui s’appelle Harlem Hippies. Et puis Crystal Fighters, il y a des très bons morceaux. Ce sont des Anglais qui se la jouent Espagnols, ça part dans tous les sens, electro, world, rock, etc. C’est un groupe que j’aime bien en ce moment. Sinon, j’ai découvert un groupe génial, c’est peut-être la honte de le découvrir aussi tard, c’est The Grass Roots. Quand j’ai entendu leur chanson I’d Wait A Million Years, les paroles m’ont rappelé un morceau qu’on avait laissé tomber, et j’ai trouvé ça vraiment moderne, avec des sons super bizarres, une sorte de synthé au début qui casse la tête. Celle-là, je me dis que ce serait marrant d’essayer de la reprendre, tu valides ?
IR : Ha oui, j’adore les Grass Roots et j’ai écrit un bouquin sur les reprises, donc je ne peux que vous encourager.
DB : J’aime l’idée de donner une lecture plus actuelle à un morceau. Si tu écoutes les Grass Roots, les chansons sont bien, mais l’esprit est très sixties, donc si tu n’aimes pas ça, tu vas dire "oui, c’est un truc de hippie", et tu vas passer à côté de quelque chose. C’est dommage. En tout cas, si t’as une idée de reprise, tu me le dis, hein.
IR : Ok, ça marche. Tout à l’heure, tu m’as dit que tu n’achetais pas beaucoup de disques, j’imagine que tu télécharges... Est-ce que tu as une position vis-à-vis du piratage ?
DB : Avec les Naive New Beaters, on a une position assez claire : il faudrait sectionner la main de ceux qui téléchargent. Comme ça on marque un grand coup, et ensuite on réfléchit à un truc intelligent. Non, sérieusement, on a toujours copié des cassettes pour se les refiler. Aux Etats-Unis, les ventes de disques n’existent presque plus, tout est digital. Et puis il y a des trucs qui m’échappent : pourquoi pourrait-on écouter en streaming, mais pas télécharger ? C’est curieux. De toute façon, il y aura toujours des gens pour faire de la musique, ça c’est sûr. Il va juste falloir trouver d’autres supports, d’autres façons de faire, c’est tout.
Inside Rock remercie chaleureusement David Boring.
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