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Koi No Yokan

Koi No Yokan

Deftones

par Sylvain Golvet le 24 novembre 2012

5

Paru le 12 novembre 2012 (Reprise)

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Koi No Yokan : coup de foudre imminent. Deftones avait-il la prescience du sentiment qui nous habitait avant la sortie de leur album ? Toujours est-il qu’on le sentait bien cet opus, alors qu’à priori rien n’était gagné. Sortir un album moins de deux ans après un Diamond Eyes globalement bon mais quelque peu bancal (dans sa deuxième partie notamment), le pari était risqué. D’autant que l’absence de Chi Chang pour cause de coma prolongé pouvait commencer à peser sur l’énergie ou l’enthousiasme d’une bande privée d’un de ses membres fondateurs. Et puis soyons honnêtes, quel groupe de rock arrive encore à sortir un disque important après plus de vingt ans de carrière ? Enfin sont sortis Leathers et Tempest, deux morceaux monstres, différents mais caractérisés par une même exigence d’écriture, de mélodie et de puissance, compilant tout ce que le groupe a fait de mieux depuis ses débuts.

C’est là qu’un autre doute nous assaillait : et si ces morceaux étaient tout simplement les meilleurs d’un album par ailleurs moyen ? Un phénomène malheureusement pas vraiment rare. Et puis une écoute, deux écoutes, trois écoutes plus tard… Ces deux titres restent effectivement les meilleurs de l’album. Mais ils n’écrasent en rien les autres parce qu’ils sont tous au niveau, du début à la fin (ou presque, la faute à un dernier titre dispensable), en plus d’être agencés parfaitement.

Swerve City représente à merveilles la maitrise de Deftones des différentes couches que leur son regroupe. Au sein d’un morceau assez court, au rythme soutenu de bout en bout, le son se fait à la fois agressif et doux, puissant et mélodique, une alternance de caresses et de claques. La simplicité du riff de guitare est contrebalancée par les accords flottants de la basse. La descente d’accords du pont, juste avant le solo est même assez déroutante. C’est un élément qu’on retrouve tout au long de l’album, de Leathers à Rosemary, le groupe développe un talent mélodique qui n’a pas peur d’aller aussi vers des accords dissonants (Stephen Carpenter est depuis peu adepte de la 8-cordes) alterné avec des harmonies plus classiques. À tel point qu’on ne distingue plus vraiment si un morceau est une ballade ou un coup de poing. Main de fer dans un gant de velours et/ou inversement.

C’est le son Deftones, qui tire une grande partie de son intérêt de la collision de ses influences. En gros, c’est Pantera vs Depeche Mode. Du premier, influence majeure du guitariste Stephen Carpenter à ses débuts, le groupe reproduit ce groove lancinant, via la batterie jouée constamment à fond de temps par Abe Cunningham. Mais celui-ci n’invite pourtant pas au déhanchement chaloupé car il est constamment contrebalancé par une exécution sèche et un son très clinique et précis, pas très éloigné de celui de Meshuggah finalement. Chaque coup sur la caisse claire sonne comme une bonne baffe, d’autant qu’il est souvent imprévisible. Il y aussi l’influence Depeche Mode, adorés par Moreno, ce romantisme morbide, cet amour froid jamais très loin de la mort. Sans compter les quelques touches électroniques et les motifs de claviers qui s’expriment ici ou là. (Entombed encore).

Paradoxalement, le son Deftones a beau s’homogénéiser, avec l’absence de vrai morceau trip-hop, avec moins de dynamique quiet/loud et assez peu de rap, il ne laisse jamais une impression de surplace. Un avantage probablement dû à une écriture plus mure, qui laisse infuser ses effets et ses influences de manière moins directe pour créer des morceaux plus cohérents. Ecrit quelques années en arrière, Entombed aurait sûrement été un morceau trip-hop à valeur d’intermède, comme ont pu l’être Teenager sur White Pony ou U,u,d,d,l,r,l,r,a,b,select,start (oui, oui ami gamers, il s’agit bien du code Konami) sur Saturday Night Wrist. Que nenni, on a donc là affaire à un vrai morceau de rock à la progression moins prévisible qu’elle en aurait l’air de prime abord.

Romantic Dreams, Poltergeist, Graphic Nature, autant de titres qui s’enchaînent parfaitement et laisse apparaître un album-writing aussi maitrisé que celui du mythique White Pony. Le motif paraît pourtant simple : un morceau puissant/un morceau plus calme/ un morceau puissant. C’est bien évidemment un peu plus subtil que ça, avec des variations au sein des morceaux même ou des fins de morceaux qui laissent respirer l’auditeur (l’enchaînement Rosemary/Goon Squad).

Voilà ce que donne un album joué par un groupe en plein possession de ses moyens. Car plus qu’un travail intensif, c’est bien l’expérience et la maîtrise de ses effets, de son écriture et de son exécution qui s’exprime ici. Le groupe a composé cet album en studio, par le biais de jam collectives, un aspect assez nouveau pour lui. Une méthode de travail qui n’est fructueuse qu’avec un collectif qui se connaît bien et qui se respecte. Le tout pourrait donner un album ronflant, trop sûr de lui. C’est là que l’apport du nouveau bassiste est essentiel. Sortant de l’ombre de Chi Chang, Sergio Vega bouscule son jeu. Discret sur Diamond Eyes (et on peut le comprendre) il participe ici au processus créatif et apporte ses idées sans qu’il soit mis à l’écart. Et dans le metal, un bassiste qui sait se faire entendre, c’est un bonus indéniable.

Fruit d’un parcours qui reste une exception notable par rapport à ses contemporains (Korn, Limp Bizkit,…), Koi No Yokan ne révolutionne pas la formule Deftones, il la pérennise et l’inscrit dans le marbre : « Voici le meilleur de Deftones en 51 minutes ». Ni plus ni moins.



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