Films, DVD
La Blonde Et Moi

La Blonde Et Moi

Frank Tashlin

par Milner le 10 octobre 2006

3,5

Paru en 1956 sous le titre original The Girl Can’t Help It.

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Chaque décennie depuis l’invention du concept cinématographique a eu son genre dominant, souvent en fonction des évolutions de la société et du contexte historique-politique. Mais depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale et la main mise devenue de plus en plus évidente des studios d’Hollywood, ce procédé s’est avéré encore plus bref et récurrent : on a eu des années films-catastrophes, péplums, spaghetti-westerns ou films d’horreur à la Exorcist. Dans la seconde partie des années 1950, suite à l’engouement pour le mouvement rock’n’roll émergeant, de nombreuses productions décidèrent de plonger tête baissée dans un style qu’elles espéraient être une poule aux œufs d’or.

Tiré d’un roman de Garson Kanin, La Blonde Et Moi perpétue un mode humoristique que certains ont vu comme inspiré des cartoons de Tex Avery. Ce qui n’est finalement pas étonnant lorsque l’on sait que le réalisateur du film, un certain Frank Tashlin, a fait ses premières armes dans la bande dessinée et le dessin animé dès les années 30. À l’aube des années 50, il décide de se consacrer au cinéma et de tenter le pari déjanté d’insuffler un vent cartoonesque dans ses productions (il collaborera un temps avec Jerry Lewis et concocteront de nombreux gags pour les plateaux télévisuels), relayé pour cela en France par Jean-Luc Godard qui se fera l’écho de ses productions tout en n’hésitant pas à le considérer comme la référence de la comédie américaine. Surtout, Tashlin décide de marquer une rupture avec la comédie de l’âge d’or en faisant de son film l’un des premiers produit par une Major (en l’occurrence la Fox) comportant du rock’n’roll. Certaines des plus grandes stars du rock’n’roll de l’époque apparaissent sporadiquement, venant égrener leurs tubes : Little Richard en offre trois, dont la chanson-titre The Girl Can’t Help It (reprise plus tard par les Flamin’ Groovies) ; Eddie Cochran chante un Twenty Flight Rock de haute facture ; Gene Vincent accompagné de ses Blue Caps place sa voix rocailleuse sur le standard Be Bop A Lula ; Julie London a l’occasion de faire partager son timbre de voix tout en douceâtrie sur Cry Me A River ; Fats Domino entonne son Blue Monday ; The Platters livrent You’ll Never Know, etc...

Il trousse ici une satire du show-biz et de la culture populaire de l’époque avec un comique parfois proche de l’absurde lorsqu’il s’agit de décrire les mécaniques qui se dérèglent. En effet, l’histoire du film est quelque peu rocambolesque : Tom Miller est un imprésario fini, obnubilé par les visions d’une célèbre chanteuse qui l’a abandonné, seule gloire à mettre au compte d’une carrière qui se termine le nez dans les bouteilles. Murdock, un malfrat sorti de prison, fait appel à lui pour qu’il fasse de sa protégée, la pulpeuse Jerri Jordan, la nouvelle star du rock’n’roll. Mais si le physique de miss Jordan peut faire exploser les charts, sa voix de crécelle est par contre un sérieux handicap... à moins que ce ne soit une bénédiction pour elle, qui rêve de devenir une mère au foyer modèle, et pour Miller qui s’en amourache...

C’est surtout autour du personnage de la blonde aux formes plus que prononcées (interprétée par Jayne Mansfield, sorte de Marylin Monroe du pauvre qui eut l’honneur de partager certains de ses films avec les anciens partenaires de plateau de l’ancienne amante du Président Kennedy) que le comique visuel prend vie. Beaucoup de cuisse et de lingerie, une tendance à flirter avec le mauvais goût et la transgression bien présents dans les œuvres de Tashlin. Par un humour un peu misogyne, le réalisateur s’amuse avec la censure et fait tourner ses gags autour de l’anatomie généreuse de Mansfield. L’intérêt du film est bien cette volonté de plier le cinéma des Majors à l’univers très sexuel des cartoons et bien sûr à celui de Tex Avery.

Un demi-siècle après la sortie de ce film, il serait grandement erroné de parler de film rock’n’roll. En aucuns cas, la fureur et la subversion de cette musique transparaissent dans les apparitions de ses protagonistes alors que le tourbillon s’abattait sur la culture populaire américaine. La Blonde Et Moi demeure une agréable comédie, témoin des changements radicaux qui vont ébranler les fondations du cinéma hollywoodien qui, en plus de perdre sa mainmise sur le divertissement au profit d’autres médias comme la télévision et la variété, va être considérablement influencé par ceux-ci. C’est tout le paradoxe de cette époque où la musique était plus proche de la réalité de ce temps que le film (sorte de documentaire un peu suranné des années 50) en lui-même, dans la mesure où celui-ci s’adressera plus aux souvenirs de quelques nostalgiques qu’au véritable quotidien de l’époque.



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