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mercredi 15 avril 2015
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par Gilles Roland le 21 juin 2011
Le groupe : entité à plusieurs têtes souvent régie par la plus grosse de toutes. Une définition qui sied à merveille à la plupart des formations qui furent, sont et seront. Les Foo Fighters ne dérogent pas à la règle. Du moins d’un premier abord. Car oui, les Foo Fighters sont avant tout le vaisseau de Dave Grohl, ancien batteur de Nirvana et accessoirement type le plus cool du monde. D’un premier abord seulement, car à regarder de plus près l’architecture du combo américain, on s’aperçoit vite que les années ont eu raison des clichés et que désormais, le poids lourd du rock est aussi issu de l’alchimie de tous ces acteurs. Un aspect que l’on peut lire en filigrane dans l’excellent documentaire Back and Forth...
Les Foo Fighters sont aujourd’hui des mastodontes de l’industrie musicale. Chaque sortie d’album est un événement, ainsi que chaque tournée et leurs hits sont devenus des hymnes de stade. Pour s’en convaincre il suffit, faute de pouvoir assister à l’un de leur gig, de jeter un œil aux images du monumental live à Wembley. Un live qui restera l’un des moments clés dans l’histoire du groupe et qui est plus que jamais souligné dans le documentaire comme le résultat d’une somme de rêves de gosses.
Power chords et grunge pop
Impossible de nier le rôle prépondérants des Foo sur la scène contemporaine. Antithèse du rock trendy et branchouille, la bande à Grohl apparaît plutôt comme l’évolution des influences qui animent ses membres. Le punk, le hardcore, le hard, la pop, le grunge bien sûr ou le blues, c’est tout cela à la fois et bien plus. Dave Grohl étant, comme indiqué plus haut, un mec super cool, il est impressionnant de le voir frimer avec la fine fleur de la scène hardcore de la côté est et de frayer avec Lemmy de Motörhead, le tout avec une aisance qui force le respect et l’admiration. A l’instar de Lemmy, Grohl apparaît comme le gus que tout le monde apprécie. Lui dans son coin fait sa sauce et mixe, volontairement ou non, des effluves issus de ces jams et de ce qu’il écoutait quand il était gamin. Depuis le premier album, le groupe a affirmé son style et se positionne au carrefour de plusieurs ramifications du rock. Des ramifications qui se jettent toutes dans le même vase pour accoucher dans la jouissance de morceaux en forme de constats définitifs. Mais je m’égare.
Back and Forth retrace donc en long en large et surtout en travers l’histoire d’un groupe en phase avec son époque, mais pas trop. Survivant d’une uniformisation du rock un poil bourgeoise, les Foo Fighters font de la résistance et imposent avec joie et fureur leur idée du rock. Une idée que les membres actuels et passés exposent ici. On retrouve le capitaine du navire bien sûr, mais aussi Pat Smear, le sympathique acolyte déjà dans Nirvana, Taylor Hawkins le frère, Nate Mendel, le bassiste de toujours, fidèle adjudant aussi discret que doué, Chris Shiflet, dernier embauché et fervent représentant de la fibre hardcore mélodique du groupe, ou encore Butch Vig, le producteur du Nevermind de Nirvana mais aussi du dernier Wasting Light. On regrette par contre l’absence de Josh Homme ou de Jack Black, acteurs pourtant importants de la saga Foo Fighters, mais ce n’est finalement qu’un détail.
Back and Forth débute en toute logique aux côtés d’un gamin perdu suite au suicide de son frère d’arme, une légende notoire du music business. D’une démo enregistrée par Grohl en marge du monstre Nirvana, devenue le premier album des Foo Fighters, au dernier disque en date, le groupe a su conserver une certaine simplicité. Ainsi, une grande partie du film se voit consacré à l’élaboration de Wasting Light dans le garage du Dave. Un making-of qui prend parfois des aspects de réunion de famille tant par la présence des familles à proprement dites de chacun des membres (avec baignade collective dans la piscine de Grohl) et des membres de la fratrie des Foo Fighters, musiciens inspirateurs et autres potes de l’ancien temps à l’image d’un Krist Novoselic charismatique et flegmatique, venu enregistrer la basse sur le monumental morceau I Should Have Know (qui parle bel et bien de Kurt et Nirvana).
Histoire d’un groupe, Back and Forth est aussi le premier véritable témoignage d’un homme. Dave Grohl accepte de revenir sur Nirvana mais aborde aussi avec pudeur les crises qui ont émaillé l’évolution de son groupe. Des crises que l’image insouciante et positive du label FF aurait tendance à camoufler mais qui sont bel et bien présentes. Ainsi, il est conté comment le départ de Pat Smear a entrainé une réaction en chaine qui ne prit fin qu’avec l’arrivée de Chris Siflet, ou encore comment Taylor Hawkins, le batteur flamboyant, failli perdre la vie à la suite d’une overdose. Sujet sensible au possible qui mit un temps en péril la sortie du film suite au ressenti d’un Taylor Hawkins peu enclin à exhumer cet épisode douloureux de son histoire personnelle.
Et si un détail ressort de ces tragédies, c’est bel et bien la personnalité de Dave Grohl, qui a toujours pensé dans l’intérêt du groupe (à part peut-être, quand, lassé des ratés qu’accusait l’enregistrement de One by One, il revint à ses premières amours en allant jouer des futs au sein des Queens of the Stone Age). Un point qui ressort particulièrement au moment de l’éviction de William Goldsmith, le premier marteleur des Foos. Même chose quand Grohl, appuyé par les autres membres, décide de mettre un terme au contrat du guitariste Franz Stahl (ex-Scream tout comme Grohl). Ce dernier se livre d’ailleurs sans retenue et sans aigreur en qualifiant ses deux années passées au sein du groupe, comme les deux plus belles de sa vie.
Les musiciens ne manqueront pas, lors de ces moments, de rapprocher leur propre expérience de celle de Foo Fighters. Ceux qui se sont fait virer sans raisons apparentes de leur groupe trouveront ainsi en Franz Stahl un écho pertinent. Et c’est aussi pour cela que Back and Forth est un si bon documentaire. Il pénètre la matrice d’une formation et s’intéresse à l’alchimie qui anime ses membres. Un groupe, avec ses tensions, ses joies, ses peines, ses succès, ses flops, ses hits, ses clips, ses trophées et ses travers. Un groupe pas si différent du votre, si ce n’est la popularité et le nombre d’albums écoulés.
Back and Forth offre un aspect inédit d’un combo finalement assez discret quant à son anatomie profonde. Certainement moins fun que le film sur Lemmy, Back and Forth n’en est pas moins indispensable et offre la vision salvatrice d’un groupe qui s’impose plus que jamais comme l’un des sauveurs du rock à l’heure où Lady Gaga et de nombreux autres fléaux s’abattent sans pitié sur nous quotidiennement.
Pour finir, il serait injuste de ne pas glorifier l’admirable travail du réalisateur James Moll, qui, sans excès de zèle ni effets encombrants filme avec pudeur et justesse les confessions des Foo Fighters. Mention spéciale au générique de début en forme de collage de photos d’enfances, rythmé au son de quelques influences majeures du groupe.
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