18 novembre 1993. Kurt Cobain flippe dans les coulisses d’un plateau télé. En pleine tournée In Utero, Nirvana délaisse la distorsion et les hurlements, pour se glisser sur la scène du célèbrissime MTV unplugged. Le groupe n’a pas vraiment hésité avant d’accepter l’invitation de la chaîne musicale. Mais il a posé ses conditions : un set semi acoustique, une batterie, les Meat Puppets en invité, et surtout pas de Smells Like Teen Spirit. MTV a tout accepté, mais à l’heure du tournage, la tension est palpable. L’idole grunge a peur de se planter, de foirer le set. Et, surtout, Cobain est en manque. L’héroïne le tient.
Drôle d’ambiance pour un concert unique et inespéré.
La suite, on la connait : le décor mortuaire (bougies et chrysanthèmes), l’émotion, palpable, et une prestation incroyable, digne des plus grands. Quelques mois plus tard, un trou dans la tête. Et voilà l’unplugged de Nirvana devenu testament du leader torturé.

Curieusement, cet Unplugged in NY n’était encore jamais sorti en vidéo. En novembre 94, Geffen a bien commercialisé un CD audio de la prestation (élu meilleur album de musique alternative aux Grammy Awards, quintuple album de platine), mais c’est tout. Il a donc fallu attendre 13 ans pour pouvoir assister à l’intégralité de la performance, sur DVD et en dolby 5.1. Après le classic album consacré à Nevermind, et la réédition du Live Tonight Sold Out, c’est donc le troisième DVD officiel consacré à Nirvana. Autant dire rien, comparé à la pléthore de galettes « unauthorized » qui encombrent les bacs.

Lorsque Cobain arrive sur scène, il a toutes les raisons d’être inquiet. Le groupe a peu répété. Le soundcheck n’a rassuré personne. Le DVD propose d’ailleurs 5 titres des répétitions, carrément laborieuses. Difficile de croire à cet instant que le concert sera si bon. Pennyroyal Tea est massacrée, plombée par les chœurs de Pat Smear. On comprend mieux pourquoi, face au public, Kurt Cobain préférera la jouer seul. Pour se rassurer, Nirvana entame le set par About a Girl, imparable pop song tirée de Bleach. Les tubes seront rares, et la présence de Come As You Are est une exception, dans un show où les reprises sont magnifiées : Jesus Doesn’t Want Me For A Sunbeam des Vaselines, The Man Who Sold The World de Bowie, la trilogie Plateau, Oh Me, Lake Of Fire, avec les Meat Puppets, et le splendide Where Did You Sleep Last Night, de Leadbelly. Cobain a choisi de rendre hommage à ses idoles, et d’écarter toutes références au grunge. De son propre répertoire, il ne retient que quelques ballades (Polly, On A Plain, Dumb) et autres complaintes (Something in the way, Pennyroyal Tea, All Apologies). Le public, amis, fans et journalistes, aura beau réclamer quelques évidences (In Bloom, Sliver, Rape Me), Cobain n’en démordra pas.

Geffen a eu la bonne idée de nous offrir l’intégralité de l’enregistrement, qui fait la part belle aux apartés, et autres clins d’œil. Peu à peu, la sauce prend. Le groupe gagne en confiance, le public se détend. Quelques blagues fusent. Le tout transcendé par la voix éblouissante du leader blond, taciturne et pince sans rire. Ce soir là, Kurt Cobain a définitivement gagné ses galons de rock star. Son talent s’est révélé, soudain, comme une évidence longtemps cachée derrière un mur de décibels et de guitares fracassées. Plus besoin de cris et de larsens pour emballer la foule. Une guitare et une voix suffisent. Plus que le testament d’une idole, on verra dans cet unplugged la naissance d’une étoile.