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par Psymanu le 26 septembre 2006
paru en 2006 (Enrage Production)
Tagada Jones, c’est une affaire qui marche, la brochure nous le balance d’entrée en pleine figure. Ça vend, ça s’exporte, ça enchaîne les concerts qui déménagent. Et puis c’est dans la place depuis 1993, ça compte cinq albums, ça a du vécu, donc. Leur cuvée de l’année 2006 s’intitule Le Feu Aux Poudres, on est prévenu.
Une violente monotonie. Treize titres, plus quatre bonus (dont une rencontre avec La Phaze, quand même), c’est long quand c’est toujours pareil. Le truc, c’est que ce qui passe très bien sur une vieille cassette keupon, parce que le côté « à l’arrache » fait partie du truc, tourne rapidement à l’épreuve auditive quand on sent derrière un véritable effort de production, venu lécher et donc adoucir la musique et son propos. Le Feu Aux Poudres est un disque vigoureux, mais très vite épuisant. À se vouloir radical, il en devient raide et hermétique. Tous les thèmes y passent. Ça commence par de l’écologie, sur Cargo. On est déjà fixé sur le style, qui, donc, ne bougera plus : guitares sursaturées, chant monocorde au maximum de ce qu’un corps humain peut produire comme décibel. Puis la folie et son traitement (Thérapie), l’affirmation que Tagada Jones et ceux qui le veulent bien vont tout renverser (« Main dans la main, peut être jeunes et cons, main dans la main, c’est sûr nous y arriverons, ..., le futur est à nous », mon Dieu...). La société en prend plein la face, la misère mondiale aussi, avec véhémence, et c’est évident que le paysage audio français manque de ce genre de comportement, d’envolées enflammées, mais bon sang quelle naïveté dans les paroles ! Et ça plombe tout. Même la chanson féministe banlieusarde, Cauchemars, alors qu’elle adopte l’angle intéressant du discours à la première personne (Niko, toute virilité dehors, en position féminine, donc) tourne presque au risible.
Ce qui compromet l’affaire, notamment, c’est ce décalage entre l’agressivité du ton et la naïveté confondante de certaines paroles. D’autant qu’aucun second degré ne vient à la rescousse pour rendre le tout plus attachant, ou pour au moins soulager le malaise dans lequel on se trouve plongé. En fait, l’impression donnée par les paroles de ces tentatives de brûlots est celle d’un gars qui aurait ouvert le premier journal venu, et se serait appliqué à écrire une petite histoire sur chacun des articles. Et la perception de ce procédé, justifiée ou non, en plombe tout l’effet. On se dit même qu’on a déja entendu plus violent dans pas mal de tubes rap pourtant ultra radio-diffusés. Ça ne sent pas le vrai, ça paraît écrit de loin, l’émotion ne transparait pas.
Et puis, le projet d’ensemble repose sur un demi-mensonge. Tagada Jones paraît se poser en révolutionnaire, or il ne révolutionne rien, n’apporte rien de très neuf ni musicalement, ni dans le propos. Mais même ça, ça ne serait pas grave si, et c’est un comble, leur punk-rock-métalloïde ne sonnait pas totalement édulcoré dans son exécution. Il n’y a pas de folie, aucun excès, aucun dérapage donnant au moins l’illusion d’un don de soi absolu. Là non plus ça ne sonne pas "vrai", ça sent la posture, en lieu et place de la spontanéité, qui est pourtant l’essence-même du rock keupon.
Vous l’aurez compris, Le Feu Aux Poudres est un album raté. Peut être (sans doute) aurait-il déja beaucoup gagné à être plus court (en terme de nombre de chansons, en tout cas), car la concision, est, on le sait d’expérience, garante d’efficacité. Et puis, nul doute non plus qu’en live, le doigt levé très haut et la bière dégoulinant, l’ensemble prenne toute sa dimension. Sur un disque froid, dans un si bel emballage qui vante... les ventes, désolé on n’y croit pas une seconde.
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