Films, DVD
Marie-Antoinette

Marie-Antoinette

Sofia Coppola

par Kris le 7 juin 2006

3

sorti le 24 mai 2006 (Sony Pictures Entertainment)

Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte Imprimer l'article Envoyer l'article par mail

Troisième film de Sofia Coppola après The Virgin Suicides et Lost In Translation, Marie-Antoinette était plus qu’attendu, avec présentation à Cannes. Pour ce film a priori historique, Sofia Coppola décide de faire un pas en avant, tournant son film avec un budget dix fois supérieur au précédent (quarante millions de dollars pour Marie-Antoinette contre quatre millions pour Lost In Translation), et fait donc son entrée dans la cour des grands. Sofia voit grand pour son film et tourne directement à la cour de Versailles. Un Barry Lyndon moderne ?

Que nenni. La première bande-annonce délivrée est un contre-pied assez phénoménal. Tout en mouvement, l’image se déplace sur un fond sonore inhabituel, dont nous ne nous plaindrons absolument pas, s’agissant de Age Of Consent de New Order. Le tout faisant bien sûr opposition à la rigueur imposée par l’étiquette de l’époque retranscrite par le film. Ce n’est pas exactement ce qu’on attendait du film historique que nous laissait présager Sofia Coppola. Puis vint l’affiche, clin d’œil évident à la pochette punk de Never Mind The Bollocks des Sex Pistols, utilisant les mêmes lettrines et la même couleur rose éclatante, album contenant le fameux titre-phare God Save The Queen, qui n’est sûrement pas innocent vis-à-vis du personnage principal, la reine Marie-Antoinette. On connaissait le background rock de Sofia Coppola, mais on ne pensait pas qu’elle oserait l’intégration totale de ce monde dans son nouveau film. Marie-Antoinette sera rock ou ne sera pas...

Le film se déroule dans le Versailles du dix-huitième siècle et présente donc la jeune Autrichienne Marie-Antoinette arrivant à la cour de son plus jeune âge jusqu’à sa mort provoquée par le peuple français. Peu regardante de l’histoire de France, notamment au niveau chronologique, il est certain que le contexte et le décor n’est finalement utilisé que de manière secondaire par Sofia Coppola pour épauler le portrait de Marie-Antoinette. Comme dans Lost In Translation où l’idylle entre les deux personnages principaux se déroulaient au Japon, on sent bien que peu importe le lieu où se déroule l’intrigue, tout n’est que prétexte à mettre en scène un portrait de femme. Comme l’expliquait Sofia Coppola dans une interview, il s’agit du troisième volet de sa trilogie de portraits de femme. The Virgin Suicides dressait un portrait d’une femme adolescente, Lost In Translation celui d’une femme ayant la vingtaine et finalement Marie-Antoinette, celui de l’évolution d’une femme jusqu’à la trentaine.

JPEG - 78.4 ko
Sofia Coppola et Kirsten Dunst
© Leigh Johnson

Le portrait de Marie-Antoinette est soigné et travaillé. Kirsten Dunst livre un rôle de composition, parfaite dans le rôle de Marie-Antoinette, qu’elle incarne de quatorze ans jusqu’à la fin de sa vie. Ce qui est impressionnant c’est qu’elle arrive à faire s’exprimer ces différentes périodes de la vie de Marie-Antoinette sans avoir recours à des changements physiques, pas de maquillages additionnels, pas d’artifices. Kirsten Dunst parvient à nous suggérer l’évolution de la vie de Marie-Antoinette uniquement grâce à son jeu d’actrice, son attitude changeante, la maturité se lisant sur son visage au fur et à mesure du film et nous fait ici admirer tout son potentiel d’artiste si on en doutait encore. Cependant, cela ne suffit pas à relever la platitude du portrait. En effet, on n’a pas l’impression d’aller au fond des choses, Sofia Coppola ne poussant pas là où il faudrait. Son style de suggérer comme elle l’avait fait dans ses précédents films ne fonctionne pas ici car elle se fourvoie elle-même un peu dans sa réalisation. En centrant tout sur l’unique personnage de Marie-Antoinette, le spectateur parvient à récupérer des traits de personnalité, des bribes de caractère qui font que le portrait psychologique est déjà bien entamé, ce qui laisse peu de place au questionnement qui faisait le succès de ses portraits précédents. Choisissant un personnage connu dont l’histoire se révélait déjà, ces explications étaient déjà pré-établies, et fourvoie par conséquent la part de mystère et dilapide ainsi ce parfum envoûtant du questionnement humain. Se serrant trop près de son personnage, Sofia Coppola en oublie de le creuser, n’allant pas au-delà de la ligne que l’on aurait bien aimé la voir franchir. La décadence de Marie-Antoinette n’est pas poussée jusqu’à l’excentricité, la tristesse n’a pas été détournée en déprime. Sofia Coppola s’étant déjà permise de nombreuses libertés qu’on ne lui reprochera pas, elle aurait sûrement pu en prendre d’autres qui auraient permis de baisser un nouveau voile sur son personnage. Au lieu de cela, Marie-Antoinette nous parait totalement découverte, belle et encline à la compassion, mais dénuée d’intérêt pour le coup.

Heureusement, se dit-on, il nous reste l’univers rock que Sofia Coppola nous a concocté. Finalement, même pour cela, on en sortira avec un avis mitigé. Pourtant tout est fait pour nous plaire, à nous amateurs de rock. Dès le début, l’ambiance est lancée, les lettrages punk, comme ceux sur l’affiche, sont réutilisés sur le punky Natural’s Not In It des Gang Of Four lors du générique. Ca commence très très bien. Dans la première partie du film on peut voir la très rock’n’roll Asia Argento. Petite copine idéale du rockeur car à tendance soft-trash mais assez classe et qui se veut underground, Asia Argento campe la compagne du roi Louis XV, une Christine Deviers-Joncourt du XVIIIème siècle. Pour rajouter à cette ambiance anachronique, on peut citer pêle-mêle les parties arrosées carburant au tabac inhalé tel de la poudre blanche d’aujourd’hui, ou bien le groupe Phoenix jouant pour la reine en tenue d’époque. La bande originale est excellemment bien fournie, on ne peut pas le nier, avec The Cure, The Strokes, Siouxsie And The Banshees ou bien New Order et fait saliver. Malheureusement, tout ne convient pas, quand dans Lost In Translation, la scène finale s’achève sur un Just Like Honey des Jesus And Mary Chain et nous attrape aux tripes, ici lorsque Marie-Antoinette par exemple s’enfuit en pleurant sur What Ever Happened ? des Strokes, le moment n’est pas bien choisi, la musique n’est pas adéquate. Sofia Coppola s’est faite plaisir avec une ambiance et une musique à elle, mais tout n’a pas été choisi avec discernement, le trop-plein nuit à la cohérence finale du film.

Sofia Coppola ne réalisera pas, à notre plus grande tristesse, le hat-trick parfait avec Marie-Antoinette. Une réalisation parfaite, des images belles, mais avec une histoire plate qui rendent le film un peu longuet. Le propos n’est pas assez bien tenu et n’est pas exploré comme il aurait pu, comme Sofia Coppola aurait pu et comme elle l’avait déjà fait lors de ses deux précédents films. Il en résulte néanmoins un film somme toute plaisant et très appréciable avec certaines scènes géniales. On repense à celle, impeccable, où Marie-Antoinette se laisse aller avec ses amis à leurs excentricités dans les jardins de Versailles sur Ceremony de New Order. Mais tout n’est pas assez cohérent et n’happe pas le spectateur. On entend dire que les critiques n’ont pas aimé Marie-Antoinette parce que justement il s’agit du troisième Coppola. Au contraire, aux vues des libertés prises et de l’univers anachronique imposés par Sofia Coppola, c’est bien parce qu’elle s’appelle Sofia Coppola que ce film n’a pas été plus descendu, voire même parfois encensé... Un autre réalisateur qui aurait osé cet embriquage de son univers à celui plus baroque de Marie-Antoinette, n’aurait sûrement pas été aussi bien épargné par la critique. Retenons au moins les bons côtés, Kirsten Dunst est splendide et Sofia Coppola s’essouffle mais n’abdique pas, la bande-originale est jouissive. Sinon pour le reste...

JPEG - 61 ko
Marie-Antoinette et un éventail...
© Sony Pictures Entertainment


Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n'apparaîtra qu'après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom