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par Gilles Roland le 10 mai 2011
Paru en janvier 2011 aux Éditions Camion Blanc
Les amateurs de biographies rock le savent bien : rien ne vaut le point de vue du principal intéressé ! Certes, il est toujours sympa de se plonger dans la carrière d’un artiste ou d’un groupe quand on est guidé par un spécialiste du sujet qui compile archives et autres interviews pour étayer son sujet. L’intérêt n’est pourtant clairement pas le même. L’auto-biographie rock est une plongée en soi dans l’univers de la rock star. Au détriment d’un certain recul, le récit gagne bien évidemment en intensité et en profondeur et s’avère bien souvent savoureux. Ainsi, quand un excellent bouquin comme la récente bio d’Axl Rose par Mick Wall se trouve être un résumé précis de la vie d’une personnalité hors-normes et se révèle être très instructif, quel fan des Guns ne rêverait pas de tenir entre ses mains le pamphlet d’Axl himself ?
Girls, Girls, Girls
Vince Neil s’est donc lancé. Pas vraiment loquace (contrairement à Nikki Sixx ou Tommy Lee, mais toujours plus que Mick Mars), Vince Neil, comme Lemmy, Anthony Kiedis ou Keith Richards, s’est jeté à corps perdu dans une introspection bienvenue. Bienvenue car il s’agit précisément de Vince Neil. En effet, qui aurait envie de lire un bouquin écrit par Matthew Bellamy de Muse ? Vince Neil, lui, est ce qu’il convient d’appeler un personnage bigger than life. L’une de ces figures mythiques d’un genre, le glam rock, jamais avare en scandales, beuveries, partouzes, overdoses et autres pitreries inhérentes à la une vie de rock and roll, menée pied au plancher.
Aucune raison de ne pas embarquer avec le hurleur californien qui écrivit avec Mötley Crüe l’une des pages les plus outrancières de l’histoire de la musique électrifiée. En représentant fièrement un mode de vie sur le fil du rasoir, Mötley Crüe, ou la réunion de quatre gueules cassés, a changé à sa façon la face du monde. A coup de riffs, de refrains fédérateurs (Kickstar my Heart, Dr Feelgood, Too Fast for Love, et j’en passe), de concerts furieux et de coups de gueule, ces indécrottables gamins ont bousculé les codes établis pour mieux imposer les leurs.
Home Sweet Home
Aidé dans sa tache par l’auteur-journaliste-poète Mike Sager, Vince a donc mis ses réserves de côté et décidé de livrer sa version des faits. Des débuts dans le groupe Rockandi à aujourd’hui où Vince essaye de rendre crédible une carrière solo qui peine à exister car toujours dans l’ombre de Mötley Crüe, Tattoos & Tequila fait l’état des lieux d’une carcasse peroxydée dont l’existence sera à jamais marquée par les femmes, la mort, l’alcool et le rock.
Premier état de fait : l’auto-biographie de Vince Neil ne brille pas par ses nombreuses interventions. Alors que le livre abonde de déclarations finalement peu revanchardes des ex-épouses du chanteur, pas grand chose à se mettre sous la dent côté rock star. Un détail qui met en exergue la solitude de Neil. Solitude clairement visible dans les propos de l’homme aujourd’hui occupé à ramasser les miettes de ses frasques de jeunesse. Néanmoins et malgré les nombreuses missives à son égard, Nikki Sixx daigne parler, vers la fin du livre, pour affirmer son soutien indéfectible à son chanteur. « J’ai toujours considéré Vince comme notre emblème (…), je suis fier de lui et de ce qu’il fait ». Vince confirme (« Nikki était présent à tous mes mariages »), mais insiste bien sur les mauvais côtés du compositeur de Mötley qui ont peu à peu creusé un fossé entre les deux hommes.
Le bouquin, via les propos souvent acerbes et aigris de Neil, vient effectivement confirmer la piètre santé d’un groupe uniquement soudé par l’argent des producteurs et les attentes du public. L’égoïsme a pris le pas sur les rancœurs. Vince parle surtout de lui, semble se foutre des problèmes de santé pourtant sérieux de Mick Mars (toutes proportions gardées) et jette un œil distant sur les addictions de Nikki Sixx ou sur les tribulations porno-romantiques de Tommy Lee. Une chose est claire : c’est Vince contre les trois autres. Vince n’est jamais au courant de rien (mais Vince n’a pas besoin des autres) et ne fait qu’honorer les termes d’un contrat en daignant encore se montrer avec ses trois camarades. Évoquant une carrière solo en plein essor (sans pour autant passer sous silence les débuts catastrophiques de cette dernière), ses salons de tatouages et ses bars, comme autant de raisons de se considérer aujourd’hui comme un être accompli, Vince Neil veut donner l’image d’un homme reconstruit. Un businessman qui, à l’instar d’un Gene Simmons, semble se réfugier derrière le costume trois pièces de l’entrepreneur pour justifier ses choix et illustrer une maturité nouvelle.
Malgré ces efforts, il est quand même difficile de ne pas retenir ce qui constitue précisément le corps du livre, à savoir les frasques de Vince. Son amour pour les blondes pulpeuses et les fêtes hollywoodienne tenant, vous vous en doutez, une part importante d’une histoire qui ne laisse pas de place à l’ennui.
Wild Side
Deuxième état de fait : le récit de la vie de Vince Neil est passionnant (cqfd pour tout bon amateur du rock and roll way of life). Les anecdotes ne manquent pas et on peux louer Neil de ne pas éviter les sujets difficiles. Ainsi, Tatoos & Tequila (titre du livre mais aussi du dernier album solo du gus) aborde avec une grande émotion le décès de Skylar, la petite fille de Vince, mais évoque aussi l’accident de voiture qui couta la vie au batteur de Hanoi Rock qui eu comme seul tort de monter à bord du bolide de Vince alors que celui-ci était complètement bourré. Un accident à peine évoqué dans l’impressionnante biographie de Mötley Crüe, The Dirt, qui se voit ici détaillé par son acteur principal ainsi que par certains intervenants extérieurs.
The Dirt justement ! En quoi Tatoos & Tequila est-t-il indispensable quand on a déjà lu The Dirt, qui pour rappel retraçait la carrière de la formation glam à travers les récits croisés de ses quatre membres ? Dans le cas de Vince Neil, c’est simple. Affirmant qu’il fut quelque peu tenu à l’écart de l’élaboration de The Dirt, Neil décide ici de se livrer sans retenue. Au risque de passer pour un malade, un abruti, un cœur de pierre ou un alcoolique partouzeur ravagé, l’homme se raconte sans se faire de cadeaux, ni essayer d’éviter l’évocation de l’incontournable valse des beuveries et cures de désintox. En cela, les tentatives pour se mettre en valeur via ses accomplissements commerciaux peuvent même apparaître émouvantes car elles constituent le garde fou d’un homme qui a salement cramé sa chandelle par les 2 bouts (et par le milieu comme le disait Sammy Davis Jr).
Alors bien sûr, Vince Neil n’est pas Lemmy (ni Keith) et sa prose est simple, directe. Contrairement à Kilmister, (Motörhead : La Fièvre de la ligne blanche, également aux éditions Camion Blanc, est absolument indispensable), Neil manie très peu l’ironie et ne cache pas son peu d’aisance à se prêter à un tel exercice (même épaulé par un écrivain confirmé). Le style est donc assez épuré et c’est très bien comme ça. Très bien car tout à fait approprié. L’ensemble se lit très vite. Parfois drôle, souvent triste, étonnement immersif, Tatoos & Tequila est à l’image de son auteur. « Je n’ai jamais été très bavard. Je ne suis pas du genre prise de tête, juste un petit surfer californien qui carbure à la Heinz 57. C’est moi. »
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