Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Le Daim le 1er mai 2007
paru le 29 janvier 2007 (Warner/Echo)
Après Air Frais (2003), Riké remit une seconde fois le couvert en quasi-marge de Sinsemilia via l’opus solo intitulé Vivons !. Je dis bien en quasi-marge, tant il est vrai que le lascar s’est de nouveau assuré la complicité de ses potes du groupe sur ce disque : Numéro 9 et surtout Mike d’Inca qui signe tous les textes de cet opus. Mike était bien l’auteur le plus indiqué pour coucher sur papier les états d’âmes voire l’intimité de cet ami qu’il connaît depuis l’enfance. C’est précisément sur ce point, en premier lieu, que le travail de Riké diffère de l’œuvre collective de Sinsemilia : les textes sont plus personnels, plus doux et moins politisés. Par ailleurs, alors que Air Frais demeurait dans un parti-pris reggae, Vivons ! repose sur une orientation beaucoup plus pop-rock, preuve en est le single matraqué sur toutes les ondes Oublie-moi, pourvu d’un solide riff de guitare électrique et de paroles gentiment rentre-dedans (un appel à rester soi, sans concessions vis-à-vis d’une société hypocrite).
Ha ! Je m’étais laissé prendre au piège. Je m’étais dit en entendant ce titre pour le moins efficace : "Ça y est ! Il commence à durcir le ton !". C’est à ma grande déception tout le contraire. Cependant, on ne pouvait attendre du beau gosse aux dreadlocks un cynisme et une aggressivité à la Noir Désir, car ce n’est visiblement pas dans sa nature. Non, Riké contemple ses pairs et témoigne de l’existence en simple être humain, modeste, sensible, ni plus con ni plus intelligent qu’un autre. De fait, il se situe quelque part entre un Mano Solo et un Jean-Louis Aubert. Il nous parle avec simplicité -et parfois rafraîchissante naïveté- des choses qui touchent le commun des mortels, exhumant des vérités toujours bonnes à dire sur le monde et les relations humaines. L’amour qui donne des ailes (Je Vole, Plus Rien Ne Me Touche), les disputes pour rien qui finissent au lit (Corps-À-Corps, un slow de l’été qui pourrait relancer la démographie en France), le bonheur ultime d’être père (Comptine De La Petite Main), celui qu’on rêve loin de chez soi alors qu’il est à portée de main (Ma Vie Au Soleil), les instants de paix qu’il est nécessaire de s’accorder pour tenir le coup (Tranquille), l’insouciance et la force du chanteur (Je Chante). Rien de bien méchant, donc ! Riké se permet un peu plus de noirceur ou d’engagement ailleurs, que ce soit sur Oublie-Moi, Brillons (une dénonciation des conséquences du libéralisme sur l’environnement), et surtout Un Père dont le texte évoque avec beaucoup d’émotion et de finesse le drame sourd suscité par un père absent. Un texte autobiographique ? Riké ne semble pas particulièrement vouloir s’exprimer sur le sujet pour l’instant mais qu’importe, ce morceau est vraiment touchant et comme à l’écoute de tous les autres titres de ce Vivons ! chacun y piochera quelques similitudes avec sa propre expérience d’une façon ou d’une autre. N’est-ce pas là l’une des conditions de la réussite du pari de tout artiste de variété ?
Car Vivons !, avec ses structures couplet/refrain ultra-classiques, ses mélodies qui vous restent dans la tête ad vitam eternam, ses arrangements sobres et sans audace particulière, est bien un album de variété française. À l’exception de Tahani (petit instrumental situé à la fin du répertoire) tous les titres de ce disque sont des tubes potentiels de la trempe de Tout Le Bonheur Du Monde, ce hit de Sinsemilia que nous avons tous fredonnés avec joie (et au bout du compte agacement) pendant nos retours de boulot sur le périph’. La chanson française a malheureusement cet inconvénient d’être devenue un produit que l’on consomme rapidement sur place. Peut-être parce qu’elle cède un peu trop à la facilité, ne va pas suffisament farfouiller dans nos tripes, cherche à tout prix la recette qui marche, sacrifiant à la forme un fond qui se doit pourtant d’être dans ce genre un modèle de subtilité et de profondeur.
Ce second album de Riké est loin d’être désagréable à l’écoute, on y retrouve avec plaisir le timbre de voix unique d’un chanteur de qualité. Il est épaulé par de bons musiciens qui interprètent honnêtement des arrangements essentiellement acoustiques. Les fans seront ravis. Le rocker de base, lui, devra par contre faire preuve d’un peu d’ouverture d’esprit pour apprécier ce disque à sa juste valeur au risque de le ranger dans l’étagère de la petite sœur à côté des CD abandonnés de Goldman ou de Tryo.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |