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par Sylvain Golvet le 18 janvier 2011
Paru le 10 mars 2008 (Constellation)
Les Canadiens du label Constellation ont déjà eu droit de cité en ces lieux, que ce soit via un portrait du label lui-même ou par la critique d’albums de leur groupe-phare qu’est Godspeed You ! Black Emperor. Giom a même évoqué le cas Silver Mt. Zion grâce à leur participation au dernier album de Vic Chesnutt, le magnifique North Star Deserter. Sauf que Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra & Tra-La-La Band, dernière dénomination en date de cette entité à sept têtes, mérite bien mieux que le statut de backing band. D’abord side-project de membres de GY !BE, dont le chanteur et leader Efrim Menuck, il est vite devenu un des leaders de Constellation, avec des albums d’abord minimalistes pour petit à petit s’étoffer en instruments et en membres, et livrer au final quatre opus tous aussi intéressants.
La musique de Silver Mt Zion est paradoxale. A la fois folk et punk, riche et dépouillée, son approche du son est très directe. Souvent enregistrée dans les conditions du live à l’Hotel2Tango de Montréal, elle profite de la réverbération naturelle de ce lieu, tout en laissant libre court aux imperfections. Il en résulte une sincérité surprenante et happante, étirée sur des longueurs peu communes, bref un mélange qui toucherait le plus frigide des auditeurs. Puis avec This Is Our Punk Rock… et Horses In The Sky, c’est le chant qui prendra de l’importance, cette chorale improbable qu’est le Tra-La-La Band, en fait les musiciens du groupe poussant la chansonnette. Qualifié de post-rock, on est en fait plus proche du folk symphonique, du punk à violon. Un truc unique quoi.
On retrouve sur ce cinquième opus toute la rage du groupe. Une force non contrôlé qui est rarement enregistré sur disque, qui dépasse tous les traitements sonores pour délivrer une énergie brute. Celle-ci passe souvent par le chant déclamé d’Efrim accompagné par les chœurs du groupe enregistré avec ses imperfections (les détracteurs reprochent régulièrement au groupe la fausseté de celui-ci), mais qui profite d’une spontanéité rare. Les paroles sont même scandées et répétées une bonne dizaine de fois, comme pour les évacuer définitivement dans un esprit cathartique.
C’est même probablement leur album le plus brutal. Les attaques de batteries et de guitares du morceau-titre sont lourdes, comme si chaque coup porté avait pour but de frapper les consciences de chacun. Tout comme l’assaut de guitares ininterrompues de 1,000,000 Died To Make This Sound (ce titre !), chevauchant jusqu’à plus soif les couches mélodiques. Mais comme le veut la règle, un son n’est brutal que s’il est précédé du plus grand silence. Et le groupe la connaît bien et malgré tout ce chaos, ces 60 minutes ne sont pas dénuées de repos, mais les moments de répit, dont plusieurs parties chantées en canon, respirent eux aussi un désespoir énorme, telle la voix d’Efrim qui se répercute seul dans la réverbération du studio, autant de moments de fatigue avant de repartir à l’attaque (on ressent tout le poids du monde sur les épaules d’Efrim sur Black Waters Blowed). Pourtant l’espoir peut aussi pointer le bout de son nez et la magnifique comptine BlindBlindBlind fait résonner une certaine joie contrastant avec le reste. Placé en fin de disque, ses arpèges hésitants prennent progressivement une généreuse assurance et laissent à penser que tout ce petit monde n’est pas si déprimé et misanthrope, et du coup nous non plus. Et l’on s’époumonera avec eux comme quoi « some hearts are true ! ».
Toujours aussi désespéré sur l’état du monde, de plus en plus vindicatif, Silver Mt. Zion laisse parler sa colère avec ses guitares, ses violons et sa batterie, incandescents et rageurs. Les quatre longs titres de leur cinquième ouvrage enfoncent le clou de leur discographie et rassurent quant à leur effervescence artistique. Pas le disque idéal pour décompresser ou se détendre, mais au final, une belle oeuvre unique et intègre.
Article publié pour la première fois le 18 mars 2008.
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