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mercredi 15 avril 2015
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par Sylvain Golvet le 1er juillet 2008
Paru le 23 juin 2008 (EMI, XL Recordings)
“With a buzz in our ears we play endlessly “, “Avec un bourdonnement dans les oreilles, nous jouons inlassablement”. Le titre de ce cinquième opus sonne comme un beau programme, une déclaration d’indépendance simple ainsi qu’un éventuel indice sur son contenu. Sigur Rós se serait-il laissé aller au larsen ? Les quatre musiciens avaient de toute évidence besoin de changement. C’est donc pour la première fois hors d’Islande que le groupe choisit d’enregistrer avec Flood (Nine Inch Nails, PJ Harvey, U2) à New York, à Abbey Road ou même à la Havane. Une volonté d’ouverture logique, alors que le DVD Heima mettait fin à une cycle, l’occasion pour le groupe de rendre hommage à son pays.
Sans aller jusqu’au virage à 180°, la joyeuse frénésie qui préside au Gobbledigook inaugural surprend et assez vite réjouit l’amateur de Sigur Rós tant cette nouvelle optique jette un vent d’air frais (ou chaud pour ces nordistes) sur leur univers pour le faire entrer avec succès dans celui de la pop. Une démarche poussée plus loin encore avec un deuxième morceau euphorique puis un troisième plus délicat, assez proche de la pop moderne d’OK Computer. Une première partie d’album terminée par Við Spilum Endalaust qui lorgne ici plutôt du côté d’Arcade Fire (Rebellion (Lies)) avec les mêmes arrangements classiques appliqués au format pop.
Soit quatre morceaux assez cohérents, homogènes, un vent d’air frais salvateur et ensoleillé pour un groupe qui aurait pu s’enfoncer dans le pompiérisme ou la neurasthénie complaisante. Mais comme terrassés par tant d’énergie déployée (sont pas habitués les p’tits gars), Festival met rapidement un frein à cette course effrénée pour retomber sur les anciennes bases du groupe : rythme ralenti à l’extrême, atmosphère éthérée comme provenant d’une grotte ancestrale puis montée progressive vers des eaux plus tumultueuses remuées par une batterie frénétique et des cuivres puissants.
Un schéma poursuivi plus loin avec Ára Bátur, avec malheureusement bien moins de succès. Sur neuf minutes s’enchaînent une complainte au piano assez mièvre puis une facétie orchestrale bien trop pompeuse pour cacher l’évidence : l’abus de violons et de chœurs ne fait pas la symphonie. Et le morceau échoue là où le No Cars Go d’Arcade Fire (encore eux) réussissait le grand écart pop vs orchestre, faute de vraie écriture. C’est donc là le point de rupture de cet album, le reste n’étant que rarement passionnant. Est-ce le fait d’avoir voulu toucher du doigt le monde de la musique classique ? En tout cas les morceaux suivants se retrouvent engoncés dans une sorte de solennité minimaliste proche des œuvres d’artistes de musique dite contemporaine comme Arvö Part ou Gavin Bryars. Une piste intéressante certes, rien n’est interdit, sauf que se lancer ainsi dans un univers à mi-parcours n’est peut-être pas une preuve de cohérence. D’autant que la piste envisagée est loin d’être particulièrement travaillée et surtout se révèle ennuyeuse au possible. Les Islandais ont alors perdu l’auditeur qui se retrouve le cul entre deux chaises, pour ne jamais vraiment le retrouver.
Subissant le même syndrome que leur compatriote Björk depuis plusieurs albums maintenant, Sigur Rós nous livre donc un album en demi-teinte, construit sur une opposition mal agencée et contre-productive comme deux albums distincts mis ensemble à la va-vite. Faut-il y reconnaître un certain manque de recul ? C’est en effet en un temps record que l’album fut enregistré, mixé et lancé dans le commerce, révélant les deux revers de la médaille que représente cet opus : la fraîcheur de l’un contre la complaisance de l’autre. Allez hop, la moyenne !
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