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par Efgé le 17 mai 2010
Sorti en 2001 (Universal / Polydor).
Comment faire lorsqu’on est à la tête d’un groupe au succès international, dont les tournées s’additionnent, dont les membres sont adulés par des hordes d’adolescent(e)s de tous les horizons, pour éviter la sortie de route, la prise de tête, et, au bout du compte, l’implosion ? Réponse : le fameux projet solo, pardi. A Camp est le side project de Nina Persson, chanteuse du groupe de pop suédois The Cardigans, auteur en 1996 de l’album First Band on the Moon, dont le single Lovefool, qui figure dans la bande originale de l’inénarrable Romeo + Juliet, a fait gémir d’extase toutes les jeunes pré-pubères qui s’imaginaient déjà faire des cochoncetés avec Leonardo di Caprio sur fond de comptine pop entêtante. Entre deux tournées mondiales, le groupe supporte de plus en plus mal l’engouement croissant rencontré « aux quatre coins du globe », comme dirait l’autre, et Nina Persson décide de faire une pause.
A l’occasion d’un long et rigoureux hiver comme les Suédois en ont le secret, elle s’acoquine avec Niclas Frisk, leader d’un autre groupe de pop suédois, Atomic Swing. Ensemble, ils composent une dizaine de chansons influencées par la musique folk américaine, dont ils sont tous deux amoureux. Le projet est remisé dans les cartons pendant quelques mois, le temps pour les Cardigans de sortir Gran Turismo, dont le son plus dur tente de prendre les fans à rebrousse-poil – raté, le succès est à nouveau au rendez-vous (cf. le single My Favourite Game). Les relations entre les membres des Cardigans se détériorent de plus en plus ; Nina a hâte de rentrer dans sa bulle, de retrouver ses racines. A Camp devient ainsi l’équivalent musical de la pause Kit-Kat.
En fait de bulle, c’est un cocon que Mark Linkous va lui aménager. Le génie qui préside aux destinées de Sparklehorse accepte la proposition de Nina Persson, grande fan du groupe, et prend en mains la production de l’album A Camp. Entre ses mains, les chansons rustaudes de Persson et Frisk (il en composera d’autres lui-même) deviennent un écrin douillet pour la voix douce, fluette et agile de Persson. Comme une couche de vernis sur du bois noble, Linkous patine ces chansons, les dépouille, pour ne plus garder que leur version fragile, osseuse, aussi délicate que poignante.
Dénudée (on aimerait bien), Nina Persson apparaît transfigurée, « polie » elle aussi par le temps. La jeune chanteuse aux longs cheveux blonds de Lovefool a mûri ; de midinette, elle devient femme (elle apparaît ainsi sur la couverture de l’album avec une chevelure noir corbeau). Ses paroles, elles aussi, acquièrent une maturité nouvelle : de son album, on retient le single I Can Buy You, ballade romantique où Persson prend les traits d’une femme « cougar » incapable de retenir son amant, même avec tout l’argent qu’elle possède ; le riff de slide guitar d’Angel of Sadness, les lourdes percussions de Such a Bad Comedown, l’atmosphère ouatée de Song for the Leftovers, la montée de fièvre de Hard as a Stone, les arrangements beatlesiens d’Algebra… Persson s’offre même le luxe de reprendre une chanson de Daniel Johnston, Walking the Cow.
En accouchant d’A Camp, Nina Persson se fait du bien – en l’écoutant, on ressent la même chose. Prêter l’oreille à cet album, c’est recevoir une caresse sur la joue, c’est se pelotonner devant un bon feu de cheminée quand la neige tombe dehors, c’est entendre la voix de votre moitié vous demander de partager une couverture avec lui (ou elle). Quelques grammes de finesse dans un monde de brutes, en somme.
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