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mercredi 15 avril 2015
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par Psymanu le 11 octobre 2005
Les Faces, les sous-Stones, les joyeux chevelus imbibés jusqu’à la moelle. Rarement un groupe aura respiré et inspiré une telle joie de jouer ensemble. Ca fleurait bon la déconne entre potes, et la débauche obligatoire. Mais les Faces, c’était surtout une sacré machine à faire du rock’n roll, et en cela A Nod Is As Good As A Wink ... To A Blind Horse constitue sans doute leur apogée. Oh, rien de très sérieux, hein, rien de bien méchant. La brutalité ou même la profondeur, ils auraient pas su faire, de toute façon. D’ailleurs ça ne s’invente pas, y a qu’à voir le titre : faut tout de même pas avoir un sens aigü de la communication pour savoir qu’on ne vise pas la crédibilité avec ça, et que niveau marketing c’est le zéro absolu. Mais le disque, lui est très bon.
Ca commence fort avec un Miss Judy’s Farm toussé par un Rod Stewart dont la voix, si elle n’est déjà plus tout à fait ce qu’elle était avec Jeff Beck, est des plus réjouissantes. Tout est déjà là, les envolées de Kenny Jones à la batterie, le piano bar fou de Ian McLagan, les doux vocaux et la basse de Ronnie Lane, et, bien sûr, le pas encore Rolling Stones Ron Wood, à son meilleur, tous avec ce style un peu cradingue et totalement imparfait qui les rendait tellement humains.
Lane, d’ailleurs, était un sacré chanteur lorsqu’il ne tentait pas de nous la faire « à la Dylan ». Il le prouve sur You’re So Rude et sur la superbe balade au spleen léger qu’est Debris mais moins sur Last Orders Please, néanmoins sauvé par le réjouissant contraste entre le piano subtil de McLagan et la lourdeur voulue des frappes du gars Jones. Caractéristique qui constituait un peu leur marque de fabrique, d’ailleurs, ce côté virevoltant et bourrin à la fois, cette absence d’académisme.
Mais pour ce qui est des ballades, Rod Stewart n’avait aucun équivalent, et c’est bien lui qui sauve Love Lives Here de la banalité en l’enduisant de cette soul si particulière que seules les aspérités de son timbre de voix pouvaient créer.
Les Faces avaient cette capacité de savoir se réapproprier chaque morceau qu’ils reprenaient, et, tant bien que mal, parvenaient à les emplir de ce fluide qui signait chacun de leurs faits d’armes. Les mauvaises langues diront qu’ils étaient techniquement bien infoutus de reproduire un morceau à l’identique, les autres dont je suis répondront qu’on s’en fiche. Ici, c’est au tour de Chuck Berry de se voir piquer son Memphis Tennessee, qui, après un départ paresseux, finit en joyeux bordel, « à la Faces ». Si l’original n’est pas oublié, leur version est suffisamment réussie pour gagner sa légitimité.
Et puis, c’est tout de suite après que la machine s’emballe définitivement, avec Too Bad et That’s All You Need, deux bijoux électriques assénés avec une conviction qui force le respect, et qui donnent une juste idée de la patate déployée par ce groupe sur scène. Ron Wood y est particulièrement à son avantage et répond de façon impeccable à chacune des sollicitations de son déjà égomaniaque leader. Lors du morceau final, il se décide même à prendre un sacré solo, s’énerve, tord et distord diaboliquement, prouve qu’il peut être le patron lorsqu’il le veut, non mais. Une clôture en forme de « revenez-y » tant l’enchaînement de ces deux perles donne immanquablement envie de remettre le disque au début.
Le climax, lui, pourtant est déjà atteint, plage 5, avec ce qui restera sans doute LE tube des Faces, un classique absolu. Stay With Me, donc, chanson d’une misogynie totale, mais tellement riante et spontanée qu’elle ferait danser même le pire dépressif qui soit. Chaque membre du groupe s’y dépense sans compter. Un morceau comme celui-là aurait dû à lui seul suffire à propulser ce combo en tête des charts mondiaux. Ce ne fut pas le cas. Et les Faces de rester dans l’inconscient collectif le backing band d’un Rod Stewart en pleine ascension vers une gloire qui lui donnera presque tout (la gloire, les femmes, l’argent) mais lui reprendra l’essentiel (la créativité, la soul). L’amateur de (bonne) musique, lui, ne le suivra pas très loin, puisque cet essentiel était déjà là, dans ce disque. Et ça non plus je l’invente pas, ils le disent eux-mêmes : « That’s all you need » !
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